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Honoré de Balzac (1799 - 1850)

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Compte-rendu analytique par Jean-Marie SeeuwsCafé Citoyen de Caen (29/09/2004)

Animateur du débat : Vincent Lequenne

» Économie

Commerce équitable, commerce classique : quelle différence ?

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MH - Marc HOUSSAYE, président du Café Citoyen de Caen

VL - Vincent LEQUENNE, animateur du débat

JH - Monsieur Jean HUCK , président du CCFD de Caen

ES - Monsieur Etienne SIGEL, président d’Artisans de Monde Caen

MH - Aujourd’hui c’est une session un peu spéciale dans la mesure que dans nos habitudes les Cafés Citoyens se déroulent sans intervenants; or aujourd’hui nous avons la chance d’avoir deux intervenants spécialistes du commerce équitable ou non. Le café citoyen, un peu comme les cafés de philosophie, est un lieu d’expression ouvert au public où l’on peut discuter, débattre des sujets de société ; ici à Caen nous avons l’habitude de proposer les sujets à la fin de chaque débat ; pour la rentrée nous allons traiter un sujet proposé par l’intermédiaire de S qui s’intitule « Commerce Equitable, Commerce Classique ; quelle différence ? ». Comment fonctionne le café citoyen ? L’animateur, Vincent, fait en sorte que la parole tourne ; il n’oriente pas le débat ; c’est vous par vos interventions qui orientez le débat ; sachant qu’il existe quelques règles à respecter ; notamment nous faisons en sorte que les interventions ne soient pas polémiques mais constructives. Une petite fiche explique le fonctionnement du débat. Nous allons commencer par un petit tour de nos deux invités sur le commerce équitable pour avoir une base sur quoi s’entendre, qu’est-ce que c’est le commerce équitable, comment le définit-on ? Avec un peu d’historique. Je vais vous les présenter, nous avons M. Etienne SIGEL , président d’Artisans de Monde Caen et M. Jean HUCK, président du CCFD de Caen.

JH - Bonsoir nous allons parler ce soir d’un sujet qui m’intéresse beaucoup personnellement. Tout d’abord je vais vous lire la définition officielle - « c’est un partenariat commercial fondé sur le dialogue, la transparence, le respect qui visent plus d’équité dans le commerce international. Le commerce équitable contribue au développement durable en proposant de meilleures conditions commerciales aux producteurs marginalisés des pays du Sud et en sécurisant leurs droits. » En fait c’est un mode de commerce qui fait appel à une négociation avec le producteur et où le prix d’achat est déterminé d’un commun accord de façon qu’il puisse vivre du fruit de son travail et qu’il puisse ainsi développer son exploitation et vivre ; c’est-à-dire avoir accès aux biens de base que sont la nourriture pour lui, sa femme et ses enfants, le logement, la scolarité de ses enfants et une base de soins, de santé. Nous nous adressons aux 800 millions d’agriculteurs qui travaillent encore à la houe (sur 1 300 millions d’agriculteurs dans le monde).

ES - Bonsoir, avec le développement du commerce équitable puisque de plus en plus d’enseignes en parle, je ferais une distinction entre le commerce éthique, le commerce équitable, et le commerce solidaire. Ce n’est pas pour embrouiller l’esprit mais nous sommes de plus en plus sollicitez sur ces différences. Le commerce éthique est la volonté de faire du commerce avec des petits producteurs à la manière des produits Bio, c’est-à-dire que l’on fait une chartre avec des règles du jeu et à partir de là , le but de la grande distribution est de les passer ras des pâquerettes et de pouvoir mettre ces produits avec ce label dans les rayons. Dans le commerce équitable il y a une véritable volonté de partenariat durable dans le temps ce qui n’est pas la force des centrales d’achat de la grande distribution, il y a la volonté de transparence dans les deux sens et de faire quelque chose de constructif dans le temps. Dans le commerce solidaire on introduit le notion de soutien , par exemple un groupe de Strasbourg a financé des agriculteurs de Madagascar tant qu’ils ne pouvaient reproduire et vendre ; suite à une catastrophe naturelle ; il y a la volonté de les soutenir quoi qu’il arrive. Je pense qu’il était bon de préciser ces trois niveaux de partenariat pour savoir de quoi on parle.

1 - Pouvez vous expliquer ce que sont le CCFD et l’autre organisme(Artisans du Monde) ?

ES - Je fais parti du groupe artisans du monde à Caen, c’est une organisation nationale qui existe depuis trente ans ayant commencée à Paris, Lyon, Strasbourg et Lille. Ensuite l’association s’est essaimée un peu partout . Le principe de l’association est de travailler directement avec des groupes de producteurs et de pouvoir leurs acheter à un prix décent ; c’est-à-dire un prix qui leur permette de payer tout le monde, de vivre et de se développer. C’est une mise en application d’une réflexion de l’Abbé Pierre disant en substance - si on leur achetait à un prix décent on arrêterai de les subventionner et de leur envoyer de l’argent par un autre biais. JH - Le CCFD, Comité Catholique contre la Faim et- pour le Développement , est née en 1961 pour faire face à la faim dans le monde que l’on découvrait car nous avions de nouveaux médias (TV) .Un appel du directeur général de la FAO relayé par le pape Jean XXIII disant - si les pays riches pour l’un, les chrétiens pour l’autre restent insensible aux souffrances des pays pauvres, nous pouvons nous demander ce pourquoi ils vivent. Le CCFD est une fédération d’un certain nombre d’associations pour lutter contre la faim dans le monde. Très rapidement nous nous sommes rendus compte qu’il existait les urgences qui sont gérées par la CICR, l’ONU,… D’un autre côté avec d’autres associations nous avons mis en place la notion de développement c’est-à-dire leurs donner les moyens de se nourrir eux-mêmes .Le CCFD travaille uniquement avec des associations locales , nous sommes contactés par des acteurs locaux qui ont des projets de développement ; quand les projets nous semblent stables et allant vers notre priorité c’est-à-dire le développement des plus pauvres , nous les aidons financièrement car c’est surtout de ça dont ils ont besoin .Nous les aidons techniquement si nécessaire en les mettant en relation avec d’autres acteurs du sud car ils possèdent souvent des méthodes spécifiques des pays du Sud que nous ne savons pas leur apporter car nous vivons dans un monde trop différent. La caractéristique principale est de travailler avec des partenaires de là bas et nous soutenons leurs initiatives.

2 - Quelle est l’importance du commerce équitable par rapport aux échanges mondiaux. De plus dans ces pays la corruption est très importante, est-ce que les corrompus abandonnent ce système au profit du commerce équitable ?

JH - Nos partenaires n’ont pas le pouvoir de corrompre car ils sont au ras du terrain ; effectivement les aides massives d’état à état sont détournées par la corruption, nous le savons mais eux aussi. Ainsi c’est un problème mais nous n’y sommes pas confrontés parce que nos partenaires sont sous ce niveau là. De toute façon si nous décelions qu’un de nos partenaires jouait quelque part ce jeu là nous stopperions immédiatement. Comme le contact est direct avec eux il n’ y a aucun doute en fait nous sommes en dehors de ce problème là donc je ne peux pas vous répondre plus.

MH - On va faire en sorte que le café ne soit pas un espace conférencier mais donnez votre opinion, intervenez dans le débat maintenant que vous connaissez le principe.

ES - Nous avons eu des partenaires avec qui nous avons arrêtez de fonctionner pendant six mois pour justement que le ménage soit fait chez eux. En effet nous travaillons avec aucun expatrié mais avec des structures autonomes, mais la corruption est quelque chose qui se voit. En fait quand nous voyons un dirigeant de coopérative qui roule avec un 4*4 flambant neuf, nous nous disons qu’il s’est passé quelque chose par là bas. La volonté de transparence dans les deux sens nous permet de déceler très rapidement un dérapage.

3 - J’ai peur que le commerce équitable soit utopique en tout cas j’aimerais que vous m’expliquiez comment vous vous situez dans un monde essentiellement basé sur une économie de marché.

JH - Il existe des utopies qui deviennent des réalités à force d’y travailler .tout d’abord nous voulons un outil de développement réel . Nos partenaires nous ont dits que tant que les problèmes de développement ne seraient pas compris chez nous , rien ne pourrait changer chez eux. Le commerce équitable est une façon de démonter et d’exposer les mécanismes du sous développement. Une autre mission du CCFD est de sensibiliser le public français à ces questions .Très souvent quand les gens rentrent dans la mécanique ils sont plus apte à changer les choses. Faire un achat équitable est un geste élémentaire de soutien au développement de quelqu’un. Par exemple le café qui est un peu le produit type représente 1.5% du marché français.

4 - Est-ce que le commerce équitable n’est pas une façon d’exporter le capitalisme dans des régions qui n’en non pas vraiment besoin ?

JH - La négociation se fait avec le producteur et donc on décide de ne pas appliquer le rapport de force qui est celui du négociateur libéral. On observe quels sont ses besoins et nous partons sur le principe que lui et sa famille puissent vivre de son métier et de développer. Du coup nous ne sommes plus sur du capitalisme.

5 - Pour répondre à la personne qui parlait du libéralisme, j’avais l’impression que le commerce équitable touchait les petits producteurs qui sont complètement exclus du marché local et du coup leur permettait d’accéder aux marchés locaux donc leurs donner un peu plus. En fait ça permet de lutter contre les gros exportateurs qui auraient tout le contrôle sur le marché de production.

6 - Je trouve l’idée a priori séduisante mais l’idée seulement. Je vais expliquer mon propos. Je suis allé me renseigner un petit peu sur Internet, le site de Max Havelaar, grand label de commerce équitable certainement le plus grand, et j’ai fais un petit calcul pour savoir ce que c’est qu’un produit équitable. Pour un paquet qui vaut environ deux € avec le commerce classique il est bien écrit que le producteur gagne environ 15 centimes d’€ ; avec le commerce équitable, il gagne 60 centimes d’€, il multiplie donc son revenu par 4. Mais de quel revenu parle-t-on ? En faisant mon petit calcul, je me suis aperçu que s’il voulait avoir un niveau de vie à peu près égal au notre, il lui faudrait 300 ans dans un système purement capitaliste et seulement 100 ans avec le commerce équitable. Donc il faut mieux parler du commerce inéquitable plutôt que d’équitable. Ayant vu travailler les ONG, j’ai plus l’impression que l’on est en train de plus soigner nos scrupules plutôt que les gens qui sont « sous-développés ». Je repense à un sketch très corrosif de Pierre Desproges qui dit - « A noël je donne trois sous à l’abbé Pierre et deux sous pour le petit noir et je retourne manger mon foie gras ». Il n’y a pas à dire mais j’ai franchement l’impression que l’occident à un fichu relent de çà et çà me gène beaucoup parce que si nous voulions avoir une vraie politique de développement pour les pays dits sous développés, je pense que l’on commencerais par ne plus vivre et produire de manière si outrancière ; Il y aurais certainement un peu plus d’équité si nous commencions par regarder comment nous vivons, savoir si à force de les exploiter nous ne vivons pas trop bien. J’aimerais que des gens me répondent parce qu’il n’y a pas à dire cette question me tarrode .

7 - Je crois qu’à la fois il ne faut pas cracher dans la soupe et être conscient que ça peut participer à une bonne conscience. On peut avoir envie d’aider des producteurs des pays en voie de développement et fonctionner ainsi ; le mois prochain s’il me reste des sous à la fin du mois je donne 30 € au CCFD, et finalement on trouve toujours autre chose à faire et il ne reste jamais les sous , du coup on ne donne pas. Pour moi en achetant toutes les semaines ces paquets de café on donne toutes les semaines. Du coup, on a, peut-être, sa bonne conscience mais je pense que les producteurs s’y retrouvent. Ce qui me gène, personnellement j’achète mon café labellisé Max Havelaar que l’on trouve maintenant à Carrefour, en connaissant les pratiques des grandes surfaces, c’est que l’achat fini par rentrer dans une certaine routine, du coup je finis par oublier où çà va ? Et pourquoi ? Alors que quand je vais de temps en temps à Artisans du Monde si j’achète un petit truc, avec j’ai un petit carton me disant par qui, où, comment c’est fait ? Du coup ça me sensibilise à ce qui se passe là bas.

8 - Je voudrais parler de notre situation de consommateur, envahis par la publicité et livrés aux grandes multinationales. Est-ce que le commerce équitable est pour nous une chance de retrouver une indépendance de jugement ?

9 - Question peut-être naïve ou stupide, mais on parle de commerce équitable, commerce classique, quelle différence ? Pour les pays du Sud, mais dans notre propre pays est-ce que le commerce est toujours équitable ? Peut-être saugrenue comme question.

10 - Dans notre pays avec le développement des grandes surfaces, de nombreux boutiquiers ont fermé et le système de distribution a été radicalement changé.

11 - Je vais apporter de l’eau au moulin en apportant deux antithèses - l’agriculture biologique qui veut développer une agriculture locale voire très locale en préservant l’environnement ; ainsi faire acte de citoyenneté serait de ne pas acheter en grande surface mais directement chez son petit producteur ; de l’autre côté il y a une citoyenneté humanitaire qui tente de rétablir une justice, de rééquilibrer notre monde vers une justice sociale. Qu’est ce que doit faire le citoyen qui veut bien faire ; en fait je pense qu’il y a à faire ici un jugement de valeur.

12 - Je n’ai pas l’impression que ce soit contradictoire mais au milieu de toutes nos habitudes de consommations ni écologiques ni équitables, on peut privilégier les deux car nous avons des méthodes d’achat complètement contradictoires avec ces deux façons de consommer.

JH - Je vais prendre un exemple concret sur lequel nous allons faire une campagne très bientôt. Quand nous mangeons du poulet en général nous ne mangeons pas tout le poulet, on préfère les blancs. Du coup les industriels se retrouvent avec des restants de coupe. A l’heure actuelle, les restants de coupe sont envoyés en Afrique. Ils arrivent dans des conditions d’hygiène douteuses puisque nous ne pouvons assurer que la chaîne du froid n’a pas été interrompue. Ces restes de poulets arrivent très peu cher par rapport aux poulets des producteurs locaux dans des conditions classiques, qui du coup ne sont plus compétitifs et ainsi nous sommes en train de faire couler un certain nombre de petites productions locales. Ces exportations sont plutôt néfastes.

14 - Pourriez-vous nous dire le répartition des coups notamment avec le transport. De plus je me demande pourquoi nous continuons à subventionner l’agriculture française ?

ES - Je commence par vous donner un exemple concret tout bête. Nous travaillons avec une coopérative au Laos (petit pays qui n’a aucun accès à la mer).la structure que nous aidons(une des trois grosses entreprises du laos) n’a aucun débouché par elle-même. Le produit trouvé dans la nature sont des petits pamplemousses ; Ainsi il a été proposé aux agriculteurs de ramasser des pamplemousses et de les vendre à l’entreprise. Il faut savoir que les laotiens ont l’habitude de vivre en pleine autarcie et le premier produit est l’opium. On part d’une pauvreté extrêmement importante. Deux laotiens ayant faits leurs études en France , ont décidés de mettre en place un commerce tourné vers l’extérieur et l’international afin d’assurer une amélioration de leurs conditions en leurs proposant un débouché international. Cependant ce n’est pas simple, car ils importent tout sauf le pamplemousse, le transport se fait par la route puis par voie maritime, sachant que le transporteur vietnamien est bien plus cher. Donc au niveau des transports, puis que nous avons des petits volumes, nous ne faisons pas de prouesses ; nous avons des coups de transport important, une fois nous avions perdu un conteneur, pour nous c’était affreux ;nous n’avons pas la même efficacité de coups logistiques. On retrouve ce que vous disiez à propos d’utopie car ça fait 30 ans que nous essayons d’être une vitrine de ce que pourrait être un commerce à visage humain. On en est à 1.5 % du café vendu en France. En Suisse, chaque habitant dépense environ 150 € en commerce équitable. Dans certains pays cela marche nettement mieux ; par exemple en Belgique il y a autant de boutiques Oxfam que de boutiques Adm en France . Vu la taille du pays cela montre qu’il y’a une plus grande proximité. Il y a encore une marge de progression et c’est par la prise de conscience citoyenne que nous pourrons avancer. Evidemment c’est une utopie, la grande distribution ne laisse pas faire les intermédiaires non plus. Il est important d’essayer de mettre en œuvre cette utopie.

15 - Nous sommes étudiants à l’IUT de techniques commerciales, nous réalisons une étude sur le commerce équitable, nous avions des questions par rapport au label de Max Havelaar. Nous aurions aimé connaître les conditions d’attributions. JH :Un organisme certificateur international privé vérifie que les normes du commerce équitable sont bien respectées tout le long de la chaîne. De plus l’organisme vérifie que la majoration de prix dûe au commerce équitable est bien utilisée pour les fins définies, par exemple on vérifie que l’argent permet d’améliorer les techniques de culture. De par l’emplacement de nombreuses exploitations on encourage l’agriculture biologique car tout simplement car emmener des engrais en plein milieu des Andes n’est pas simple. On contrôle aussi que les coopératives soient bien démocratiques. Des engagemnts de qualité doivent être respectés .Enfin on vérifie que l’intermédiaire ne profite pas du bon sentiment du commerce équitable pour se dire « j’en rajoute un petit peu, je pousse un peu le prix et toute façon il y aura des gens qui achèteront cela puisque c’est du commerce équitable. Par contre on ne peut contrôler le prix vendu en magasins.

16 - Finalement les critères d’admission sont très nombreux donc ils sont longs à énumérer. On a parlé d’utopie, pour vous ce genre d’action individualisée c’est comme les fourmis qui vont toutes dans le même sens ou alors relatif aux grandes utopies des siècles derniers .

17 - Le commerce équitable est-il indépendant des circuits classiques du commerce ou y a-t-il des interconnections ? Seconde question - est-ce que la chrétienté a le monopole de la charité ?

18 - Je pense que chacun saura répondre à la dernière question. On peut se dire que au bout d’un moment si toutes les fourmis travaillent dans le même sens il va se passer quelque chose ; Je me suis passé un peu aux ONG ; rie qu’en Basse-Normandie, il y en a 150. Le plus souvent c’est M. ou Mme qui suite à un voyage ont vu la misère à l’étranger , se disant au retour il faut faire quelque chose, c’est louable , il faut les encourager. Cependant la question est de savoir si tout cela va vraiment dans le même sens . Il existe deux types d’ONG, il y a la grosse ONG anglo-saxonne avec beaucoup d’argent au point où l’on peut se demander s’il n’y a pas une influence coloniale, il y a le fonctionnement « à la française » où chacun fait un peu ce qu’il veut. Je me demande s’il ne faudrait pas mieux se fédérer.

19 - Pour moi le commerce équitable n’est pas de la charité mais de l’équité donc payer au juste prix.

20 - Quelle est la différence entre équité et égalité ?

21 - Une utopie est soit une pure vue de l’esprit soit une idée que l’on souhaite qu’elle se réalise. Pour ce dernier cas nous pouvons être acteurs, notre pouvoir d’achat nous le permet.

22 - Pensez-vous pouvoir devenir acteur ?

23 - On parle de plus en plus de commerce équitable Nord-Nord (Avant c’était Sud-Nord).Il existe des coopératives de paysans qui produisent des légumes prévendus , ce sont les AMAP.

24 - Est-ce que le commerce équitable peut s’appliquer à tous les produits ?de plus est ce que le fait de vouloir tout à n’import qu’elle époque ne tort pas un peu c’est idéaux ?

JH - Le commerce équitable repose sur un des articles de la constitution des droits de l’homme qui dit en substance - toute personne travaillant a le droit de vivre de son travail. C’est aussi vrai pour un paysan français que pour un sénégalais, un malien. Les paysans des pays du Sud sont totalement désarmés car ils sont souvent illettrés, de plus comme tout agriculteur le produit risque de se périmer.

25 - Quand vous dites « nous » qui est « nous » ? De plus que devient la marge que vous vous faites nécessairement ?

JH - Le CCFD n’est pas un opérateur commercial nous soutenons des projets, par exemple au début la coopérative du Laos était soutenue par le CCFD ; Le CCfd a essentiellement deux missions ; aider les coopératives monétairement, l’argent nous est fourni par notre réseau de donateurs, la seconde est d’informer comme ce soir. Nous n’intervenons dans aucun système financier. En ce qui concerne la marge vous avez raison ; une chaîne avait décidé de maintenir la valeur absolue de sa marge et donc ne pas gagner plus sur les produits commerce équitable ; ainsi il n’ont pas appliquer le coefficient multiplicateur.

ES - A ADM on part du prix free on board, c'est-à-dire le prix à la sortie du producteur, à partir de là on ajoute les coûts de douanes, de transport,… On part du prix du produit auquel on ajoute les coûts, nous ne sommes pas du tout dans la logique du commerce classique où le but est de produire le plus le moins cher. Notre prix reflète le coût réel du produit .J’ai tendance à considérer que chaque ONG est une pièce de puzzle, on arrivera à combler les dégâts en mettant côte à côte les pièces ;il vaut mieux que chaque petite ONG s’occupe d’une action locale à la place d’un gros machin, comme disait un certain général, qui n’est pas du tout adapté à des problèmes locaux.

26 - Comment convaincre les grandes surfaces ? Quand elles vendent du commerce équitable est-ce pour se donner bonne conscience ou bien participent-elles vraiment à votre action ?

JH - C’est une question que l’on se pose tous. Je vais donner une réponse personnelle. Ils ont la qualité d’être très attentif à l’ère du temps, pour le moment il y a un mouvement d’opinion donc ils suivent un peu. Monoprix a été le premier à en mettre dabs les rayons. Le président avait dit en substance qu’il voulait bien soutenir ce type de commerce en mettant en rayon à un prix correct, si les gens achètent on continuera, sinon on arrêtera la commercialisation. Au mois de Mai il y a toujours la quinzaine du commerce équitable, cette année il y a eu plus de médiatisation. Leclerc a dit à cette époque nous serons les meilleurs ici aussi, comme ailleurs. On sait qu’à chaque fois qu’un paquet est vendu un agriculteur vit mieux quelque part.

27 - Concernant la distribution de ces produits la demande est extrêmement importante ; Il y a quelques années un journal de jeunes avait proposé d’envoyer une carte aux commerçants ; félicitant ceux qui en font et demandant à ce qu’ils le fassent pour ceux n’en distribuant pas. Les centres commerciaux ont été très réceptifs, deux semaines plus tard il y avait des paquets chez les commerçants qui n’en avaient pas. Il est important d’insister, la demande des consommateurs est très importante.

28 - Finalement ce que vous expliquez c’est qu’il y a moyen de faire levier sur le commerce classique.

29 - Pour compléter ce qu’il vient d’être dit, je trouve bien si il y a de ces produits en grandes surfaces, car plus il y en aura de vendu mieux ce vaudra. Bien sur que c’est une utopie mais s’il n’y en avait pas eu nous n’aurions rien fait, par exemple « liberté, égalité, fraternité » est complètement utopique et nous essayons toujours d’aller vers ça ; vive les utopies et essayons de travailler dans leur sens, n’oublions pas que les quelques égalités que nous avons obtenues viennent d’utopies.

30 - Est-ce que l’Internet ne va pas dans le sens opposé puisque l’on peut acheter de tout partout ?

31 - Internet, c’est le bazar partout, en revanche CDiscount, pour n’en citer qu’un seul, a ouvert un rayon de produits commerce équitable. Comme c’est un commerçant en ligne il y a des intermédiaires en moins n’a –t- il pas plus de possibilité ?

32 - A priori le commerce équitable essaie de mieux rémunérer les paysans correctement, j’ai l’impression que c’est la seule différence (le commerce classique essaie de tirer les prix vers le bas). J’ai l’impression aussi que ça permet de déterminer le coût d’un produit, en effet un prix reflète le travail des hommes, la matière première,…par contre je n’ai pas l’impression que l’on tienne compte de l’impact sur l’environnement. En fait le prix ne devrait-il pas tenir compte des désagréments engendrés sur l’environnement ?

33 - Il y a des pays où les agriculteurs peuvent trouver un débouché direct grâce aux touristes ; cependant l’eau est consommée par ces touristes et les agriculteurs ont beaucoup de mal à faire pousser leurs produits. Ils ont besoin de pompes . J’ai observé cela en Tunisie, j’ai cherché à leurs fournir des pompes, on m’a répondu que la Tunisie n’en avait pas besoin car elle vit grâce au tourisme.

34 - On peut s’interroger sur l’impact touristique de notre civilisation.

35 - Si on considère qu’il existe un commerce équitable, ça veut dire que le commerce classique est inéquitable .

36 - La question pour les consommateurs est de se demander si l’on peut continuer à acheter moins cher, de moins en moins cher.

37 - C’est la constatation de l’état du commerce dans notre pays.

38 - Il ne faut pas oublier que le consommateur est acteur, on peut refuser d’acheter les produits frais en grande surface et aller plutôt au marché. Si tout le monde décide de manger de bons produits, les commerçants seront obligés de vendre de bons produits. C’est notre force de tous les jours.

39 - Quand on gagne le SMIC on achète le moins cher car on a des difficultés, il n’ y a donc pas d’équité rien que chez nous.

40 - Avec le développement des « hard discount » les GMS baissent les prix mais ce ne sont pas leurs marges qui baissent mais le prix acheté aux producteurs.

41 - On entend souvent que le commerce équitable permet de détourner les paysans de la production de drogue qui est bien plus viable. Y a-t-il réellement un lien ?

JH - C’est un aspect que l’on n’ignore pas, c’est un avantage collatéral. Quand ils font de la drogue, ils risquent leur vie donc ils n’en font que lorsqu’ils n’ont pas d’autres issues.

42 - Pour la coca comme pour toutes les drogues il n’ y aucune alternative fiable qui soit proposée. Il y a le problème de la production de l’opium en A. qui est actuellement exponentielle, ce que l’on propose ne correspond pas du tout à un niveau de vie équivalent. Le problème est relativement insoluble et le trafic se développe. Pendant un certain temps qui a duré longtemps on a détruit l’agriculture locale, actuellement on leur propose d’avoir une agriculture qui leur permette d’être en autarcie, ils vivent de leur production d’une manière locale sans aide donc sans être à la merci de multinationales qui ne les payent pas. Ca montre l’exode rural .il faudrait que les gens se réapproprient leurs terres pour eux-mêmes et que ce ne soit pas des produits destinés à l’exportation. C’est normal que les grandes surfaces fassent du commerce équitable même si c’est un support qui leur permet de vendre.

43 - Vous parlez de l’autarcie des pays colonisés qui n’arrivent pas à retrouver un mode de fonctionnement classique ; est ce que le commerce équitable, permet de rééquilibrer cela ?

44 - Comment font les paysans pour s’intégrer dans le système international suite à leur développement (ex tracteur) ?

45 - Vous voulez dire que le monde est suffisamment déséquilibrer pour empêcher ces paysans de se développer.

46 - Ils n’ont pas forcément les outils de production pour vivre en autarcie, ils restent dépendants d’états qui ont les connaissances.

JH - Pour le commerce équitable on conseille vivement aux agriculteurs de se regrouper en coopérative qui pourra acheter un tracteur. Concernant l’autarcie, le commerce équitable n’est pas la solution miracle, on participe au développement dans le rayon qui est le sien. Ces pays sont condamnés à payer une dette aux pays riches, il y a quelques années on a fait une campagne sur la remise de la dette qui s’est terminée à Cologne. La dette est insoluble car elle est en dollars et elle fuit ; Du coup ils sont condamnés à produire des matériaux d’exportation pour avoir des dollars.

47 - Aujourd’hui, il n’ y a pas que les objets en échange mais surtout de l’argent. Y a-t-il un moyen de rééquilibrer ?

48 - Vous parlez de commerce équitable mais le transport ?

ES - Le plus simple est de reprendre l’exemple du Laos, il n’y a pas d’accès à la mer, il faut passer par le Vietnam où le coût du transport est trois fois plus cher qu’au laos ; s’ils prennent un transporteur laotien, il se fera tuer, ça fait parti des contraintes. Un moment donné l’huile de Palestine passe par Israël car la Cisjordanie n’a pas d’accès à la mer, finalement on fait de l’utopie concrète donc il faut tenir compte du concret. La notion de transport équitable est impossible, connaissant le milieu. Au sommet de Kyoto, la pollution des avions a été annulée, car ils ne s’avaient pas à qui attribuer la pollution (aéroport de départ, aéroport d’arrivée ? nationalité de la compagnie aérienne ?) La pollution aérienne est un tiers de la pollution des voitures .Parfois il faut avaler des couleuvres. Au Burkina Faso, les impôts sont maximum puisque le pays est extrêmement endetté , il nous faut travailler qu’avec des toutes petites coopératives qui ne gagnent pas trop d’argent afin qu’ils ne se fassent pas imposer et que l’on est pas d’ennuis.

49 - Finalement le commerce équitable et le commerce classique sont confrontés aux mêmes problèmes au niveau des taxes douanières.

50 - Pour ceux qui seraient intéressés, Alternatives Economiques a produit un hors série sur les placements éthiques. Que penser et que faire face aux pays qui désirent se développer comme nous l’avons fait, par exemple une délégation de chinois qui est venues en France dire - venez, vous allez voir comme notre manœuvre est bien formée et peu chère ?

51 - J’entends parler d’alternatives économiques. Est ce que l’on est en train de dire que l’on ne pourra jamais se passer du libéralisme ? Est ce que l’on est prêt à se séparer de ce modèle ? Ca risque d’être difficile, on a vu cela pour le communisme. On pourrait de se demander si notre façon de vivre est la bonne sachant qu’elle est en train de tuer l’humanité.

JH - L’organisme où je suis est très sensible à la notion de développement durable comme de nombreuses autres associations. Il y a la fameuse phrase « nous n’héritons pas la terre de nos parents, nous l’empruntons à nos enfants » il ne faut pas l’oublier, on parle toujours de croissance soutenable mais en fait il faudrait plutôt réfléchir à la décroissance soutenable.

52 - Question à la salle, Noël va arriver qu’allez vous acheter comme jouet ?

53 - Toutes ces initiatives sont portées par des assocs , or qui décide le citoyen qui va voter. En ce moment on est en train de discourir d’utopies, d‘idées or je n’ai jamais entendu parler de cela dans les programmes politiques.

54 - Quelle est l’action des assocs vers les gens qui fixent des règles tel l’OMC, existe-il du lobbying ?

55 - Comment dire non aujourd’hui au mode de commerce et de fonctionnement d’aujourd’hui. De plus on parle de pays pauvres or ils sont riches culturellement ,environnementallement,… En fait il n’y a pas de négociations et les pays du nord n’ont pas intérêt à ce que ces pays se développent ; finalement agir c’est voter .Du coup au risque de choquer je suis contre les actions humanitaires car ça réfère à un passé difficile à gérer et il faut juste aider les pays pour qu’ils se développent par eux-mêmes.

56 - Dans certains pays d’Afrique, des coopératives de cotons se réapproprient la commercialisation du coton. Concernant les pays endettés, lorsque le FMI décide d’aider un pays, souvent il impose sa politique économique, du coup soit le pays accepte cet argent , il est moins endetté mais il a perdu une part de son indépendance soit il le refuse. Tout cela pose problème actuellement, toutes les personnes qui se battent n’arrivent pas à se faire entendre sur les politiques menées.

ES - L’ancien président de la FNJA(Fédération Nationale des Jeunes Agriculteurs) a travaillé avec Michel Barnier et a dit de lui qu’il était étanche à toute idée de ce type. Sa position reflète bien l’absence de dialogue à l’OMC et au FMI.

JH - On ne peut que dire très fort que les gens qui sont là bas sont capable de faire quelque chose avec rien, il faut soutenir des assocs qui créent une société civile.

57 - Quand j’étais petit pendant le carême on construisait un moulin en carton dans lequel on mettait un brin à chaque fois que l’on devait faire un sacrifice. Du coup je me sentais concerné.

58 - L’idée aussi c’est savoir ce que l’on appelle le développement. Par exemple un copain burkinabais rentre tous les ans au pays, il m’a dit qu’il voit de plus en plus de touristes qui viennent pour acheter de l’électroménager à pas cher. C’est vrai le niveau de vie global des burkinabais a augmenté, du point de vue économique il y a eu un progrès mais est ce cela le progrès ? je ne suis pas certain que les pays dits pauvres arrivent à un niveau de vie technologique identique au notre, je ne dits pas qu’il faut qu’ils restent dans la situation dans laquelle ils sont. On voit bien que notre système n’est pas la panacée puisque on parle de fracture sociale.

59 - Pour moi le développement c’est permettre à chacun de vivre décemment de son travail ou de sa production. En ce qui concerne le commerce équitable il n’y a pas que les produits alimentaires il y a aussi du textile, des bijoux,….

JH - Ce qui m’a fait entrer au CCFD est la démarche - dites nous ce qui est bon pour vous ; c’est cela que nous soutenons ; Ils savent qu’elles sont leurs priorités.

60 - Il y a une notion de gestion des ressources, du politique. Je vais demander à quelqu’un de conclure le débat car on arrive à la fin du temps.

61 - Il y a un égoïsme permanent puisque l’on trouve anormal que les pays soient moins développés mais on refuse les délocalisations vers ces pays.

MH - C’est la première fois que l’on essaie cette formule j’espère que cette formule vous a plu. On va voter les prochains thèmes.

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