Compte-rendu synthétique par Marc Houssaye — Café Citoyen de Caen (23/04/2003)
Animateur du débat : Marc Houssaye
» Religion et Spiritualité
La laïcité est-elle en danger ?
Tout d'abord, la laïcité n'est pas une négation de la religion. C'est un principe de séparation de la société civile et de la société religieuse. Grâce à la laïcité, l'État acquiert une neutralité et offre à ses citoyens l'absolue liberté de conscience.
Cette absolue liberté de conscience ne consiste pas en l'obligation de ne pas croire. Bien au contraire, la laïcité permet de respecter les croyances de chacun tout pendant qu'elles ne s'expriment pas dans le champ politique ou social. Remarquable concept qui constitue un moyen de dissocier les préoccupations temporelles et intemporelles. L'anticléricalisme qui est en quelques sortes une pratique militante et exacerbée de la laïcité mais surtout une déviance du concept de laïcité, est tout aussi condamnable que les religions qui veulent imposer leurs lois. La laïcité protège en fait du dogmatisme.
La laïcité est le fruit d'une lente maturation des esprits qui naît sous la Révolution Française et se poursuit par de grands combats au XIXème siècle. Mais c'est en 1905 que ce concept s'inscrit avec force dans les textes avec la loi Combes (1905).
« La République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte » stipule l'article 2 de cette loi de 1905. La loi de 1901 donne un cadre juridique aux associations culturelles, la loi de 1905, elle, aux associations cultuelles. Pour ne pas s'ingérer dans les affaires des Églises, l'État ne subventionne donc aucun culte même si parfois quelques artifices peuvent être usés en prétextant le culturel (la cathédrale d'Évry, de plus en plus de mosquées).
Mais toutes les religions sont-elles réellement sur le même pied d'égalité vis-à-vis de la République ? Nous serions tentés de l'affirmer mais force est de constater des différences non dans les textes mais dans les esprits. D'abord parce qu'en France les religions n'ont pas le même vécu historique. Le judéo-christianisme s'est confronté à l'établissement de la République et a donc eu le temps de se transformer. Nous serions moins patients, moins indulgents aussi peut-être, vis-à-vis de l'Islam, religion d'importance relativement récente en France. Ensuite parce que l'immigration de populations de culture non européenne (musulmane notamment) souvent très attachées à leur culture religieuse d'origine pose ainsi une question délicate : comment concilier la citoyenneté avec la fidélité à des coutumes ou à des croyances ?
Cette question n'éclaire-t-elle pas un faux problème pour autant ? Ou plutôt opposer et donc mettre sur le même plan croyances et laïcité ne revient-il pas à faire le jeu du dogmatisme ? Car la laïcité garantit l'exercice de tout culte dans la sphère privée. « Elle se place au dessus des religions » lance-t-on dans la salle. On rappelle d'ailleurs que « si l'on veut vraiment être libre pour pratiquer un culte, la laïcité le permet plus que tout autre système de pensée ».
D'où notre inquiétude stimulée par les épanchements de plus en plus visibles des appartenances religieuses dans la sphère publique. Le danger serait alors l'ostentation d'insignes religieuses (l'affaire du foulard islamique dernièrement) dans les espaces publics ou, plus grave encore, le prosélytisme de certains groupes extrémistes.
Concernant les signes d'appartenance et plus particulièrement le voile islamique à l'école, l'assemblée est partagée. Pour certains, si les enseignants appliquaient sèchement la règle laïque, cela conduirait ces jeunes à se renfermer sur eux-mêmes et à s'affirmer d'autant plus farouchement. Pour d'autres, la laïcité ne devrait souffrir d'aucune flexibilité, ni d'aucun laxisme. Car la tolérance s'inscrit dans un cadre républicain demandant à tout citoyen de respecter la loi, plus encore, de s'y conformer. La liberté de conscience ne peut être un absolu, elle est circonscrite à l'intérieure de la loi qui est l'expression de la volonté générale.
Sous ces problèmes d'appartenances, qu'est-ce qui est en jeu en fin de compte ?
La démocratie se base sur l'acte de volonté générale. Pour générer l'entendement nécessaire à cette volonté générale, l'égrégore national doit se manifester. Or, la pratique de plus en plus courante du communautarisme conduit à l'émiettement du corps social. Ce communautarisme serait d'autant plus farouche lorsqu'il s'appuie sur les lois d'inspiration divine qui conquiert la vie quotidienne civile. Le risque serait que l'on se sente plus musulman ou plus catholique que citoyen, que l'on revendique sa religion avant sa nationalité.
Malheureusement, la citoyenneté est vécue aujourd'hui non pas comme un degré de liberté supplémentaire mais comme une astreinte à notre individualisme. Si cette vision de la citoyenneté est entretenue peu ou prou par différents lobbies, ne soyons pas dupe pour autant. Bien sûr qu'être citoyen demande des efforts, bien sûr qu'être citoyen demande de ne pas succomber aux intérêts particuliers ou à n'importe quel désir, mais en contrepartie être citoyen nous donne la liberté de participer aux lois, nous assure l'égalité et cultive la fraternité.
Rappelons simplement que la loi est faite par et pour le peuple et non par un groupe d'individus pour son propre compte (Article 3 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 : « le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément »). Il est d'ailleurs amusant de noter que le mot laïcité provient du grec laos qui signifie « unité du peuple ».
La laïcité dépasserait pour certains largement la notion d'État et tendrait à devenir un concept universel et éthique. Elle pourrait aider à résoudre des problèmes mondiaux car le religion est encore souvent utilisée dans le monde comme vecteur de politique. Le développement de la laïcité ne demande qu'à être encouragé. Du point de vue de l'Europe, seule la France et le Portugal sont des Etats laïcs, les 23 autres placent leur nation sous des auspices divins.
On aborda aussi la question de l'apprentissage des religions à l'école. Il ne s'agit évidemment pas ici d'un catéchisme ou de la pratique de cultes mais de l'apprentissage de l'histoire des religions, dans un souci de faire connaître et respecter la religion de l'autre. L'intolérance naît bien souvent de l'incompréhension voire de l'ignorance.
Sous la Révolution Française, les signes distinctifs rassemblaient les hommes, et les fédéraient autour de concepts forts. Pensons à la cocarde, au bonnet phrygien. Le problème n'est pas tant du côté des signes distinctifs que de ce qu'ils véhiculent. Ne devrait-on pas reconquérir l'espace public avec nos rituels républicains ? Affermir ceux qui existent, comme celui d'aller voter et d'avoir le sentiment de peser sur le résultat d'une l'élection, et pourquoi pas en créer d'autres. Mais d'ailleurs, se rassembler tous les quinze jours pour débattre de notre société comme nous le faisons en Arcadie n'en constitue-t-il pas un ?
Thèmes proposés pour le 14/05/2003 :
1 - Morale et religions
2 – Peut-on être citoyen en monarchie ?
3 – La laïcité peut-elle se développer ?
4 – Citoyenneté locale et citoyenneté mondiale
5 – Existe-t-il une foi du citoyen ?
6 – Les devoirs de la presse à l'égard du citoyen – Thème choisi
7 – Quelle Europe pour demain ?
8 – La philosophie comme moteur de citoyenneté
9 – Nation et nationalisme
10 – Laïcité et Éducation Nationale
Interventions
Jacques
mercredi 17 avril 2013 07:26:01 +00:00
Le problème, c'est peut-être qu'aucun intervenant n'arrivait à sortir de l'existant : dire que l'administration n'est pas aussi une éthique, de la spiritualité, c'est faux...ou pour le moins coupable : on se lamente que les politiciens ne se conduisent pas bien...mais on les a excusé par avance !?!
Côté clergés, on voit bien qu'ils se laissaient absorber par des préoccupations bassement matérielles, la palme semblant devoir revenir aux desservants de l'église du saint-sépulcre, à Jérusalem.
Bref, pour être en danger, faudrait-il d'abord exister !
Jacques
mercredi 17 avril 2013 15:20:33 +00:00
...et pas du tout d'accord, côté synthétiseur...on peut dire qu'en 1901, les scientistes français se sont fait avoir comme des bleus par les papistes ! La vraie question, maintenant, c'est pourquoi les administrateurs civils sont toujours aussi mauvais !
Premières raisons, pour être élu, il fallait promettre la lune, pouvoir boire comme un trou, avoir 49,9999999 % des voix contre soi : ça n'aidait peut-être pas !?!
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