Compte-rendu analytique par Jean-Marie Seeuws — Café Citoyen de Caen (20/03/2009)
Animateur du débat : Marc Houssaye
» Politique et Société
Quelle place pour l'hôpital dans notre système de santé ?
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Animateur - Bonsoir à tous, merci d'être venu participer à ce nouveau débat organisé par l'Arcadie de Caen Je remercie les experts qui ont pu venir à ce débat ce soir, ils sont cinq, ils vont pouvoir nous éclairer sur tel ou tel point technique, apporter une dimension technique au débat. Il s'agit de Claude LETEURTRE, chirurgien orthopédiste à l'hôpital de Falaise. André HEURTIER qui se trouve en face de lui, médecin généraliste qui a également travaillé à l'hôpital de Falaise. Emmanuel DOIZY directeur général adjoint du Centre François Baclesse, Centre de lutte contre le cancer à Caen. Philippe DELAUNAY, aide soignant au Centre Hospitalier Universitaire de Caen. Nathalie TICHET-HUS, médecin, chef de service à l'hôpital de Pont L'Evêque. On va commencer le débat, bien évidemment lorsque j'aurai besoin d'apporter des éclaircissements sur des points précis, des points techniques, des chiffres, des faits, je ferai appel, n'hésitez pas, vous les spécialistes, à demander la parole pour rectifier éventuellement des chiffres qui sont avancés et qui sont selon vous faux. Aujourd'hui je ne voudrais pas qu'on rentre dans le technique, évidemment l'actualité fait qu'il y a un projet de loi, ce n'est pas d'ailleurs par hasard qu'on a choisi ce moment pour parler de l'hôpital, le projet de loi sur l'hôpital qui s'appelle "hôpital patient santé territoire" et qui porte réforme et qui est relatif aux patients, à la santé et au territoire. Alors l'idée est de ne pas faire trop de technique, on est là pour faire un débat citoyen, ça concerne tous les citoyens, et comme ça concerne tous les citoyens on va essayer de répondre à cette question : quelle place pour l'hôpital dans notre système de santé ?
1 - Le système de santé dans le monde hospitalier a aujourd'hui une pression sur les budgets, sur les finances et sur les qualités de gestion. Ce que j'aurais aimé savoir c'est votre sentiment, subissant cette pression. Est-ce que cela est compatible avec le service aux malades ?
Animateur - On va faire comme au Café Citoyen ordinaire. On n'est pas là pour poser des questions aux spécialistes. On est là pour, tous ensemble, répondre à cette question : quelle place pour l'hôpital dans notre système de santé ? Moi, je retiens de votre intervention que vous mettez en avant des contradictions entre des budgets et un service public. Vous précisez votre pensée ?
1bis - Non, alors je vais aller plus loin dans ce que j'avais en tête. Les missions du milieu hospitalier sont à mon point de vue bien diversifiées. Vous avez le C.H.U., formation aussi de chirurgiens, de médecins donc là c'est un aspect. Vous avez ensuite le problème des urgences, avec une fréquentation par des gens qui devraient être traités dans d'autres structures que le système hospitalier. Vous avez actuellement une accélération dans la concentration de sites hospitaliers, puisque l'on peut observer, j'ai en tête les maternités, on a tendance à les rattacher à des centres plus importants qui traitent un plus grand nombre de patient. Ce que je voulais dire par cela c'est qu'à votre point de vue, est-ce que nos attentes vous paraissent démesurées par rapport aux possibilités que vous pouvez offrir ?
Animateur - C'est vrai que le système de santé est très diversifié, il y a beaucoup de structure qui font partie de notre système de santé, et donc on peut s'interroger sur le rôle de l'hôpital dans ce système de santé.
2 - Pour moi, il me semble que l'hôpital est un lieu où l'on doit pouvoir se faire soigner quelle que soit sa condition sociale, quel que soit son âge ou son origine. A partir de là se posent plusieurs questions par rapport à l'hôpital actuellement qui doit faire face à des dépenses qu'il n'avait pas forcément prévues quand le système hospitalier a été mis en place, à savoir qu'il y a une technologie de plus en plus importante, qui coûte de plus en pus cher, que d'autre part il y a une population de plus en plus vieillissante qui va aussi coûter cher et qu'il y a aussi des exigences par rapport à une technologie dont on parle dans diverses émissions qu'on peut voir de façon courante. On nous explique que, oui on peut nous faire ça, on peut nous faire ça mais que ça a un coût. Moi je me pose la question, il y a l'hôpital public et puis il y a le secteur privé. Le secteur public doit répondre à quoi ? Je pense personnellement, c'est mon opinion, que l'hôpital public doit répondre à l'ensemble de la population et qu'il ne doit pas y avoir une discrimination par l'argent aux niveaux des soins. Or, il me semble qu'actuellement on est en train pour « rentabiliser » ou en tout cas pour maitriser les coûts - c'est peut-être plus de la maitrise de coûts que le la rentabilisation - on est en train de serrer les budgets de l'hôpital public. C'est vrai que ce que l'on entend, et j'aimerais savoir s'il y a des éclairages complémentaires dans l'assemblée, il y a de moins en moins de personnel apparemment, de moins en moins de moyens, donc on se dirige de plus en plus vers le secteur privé, on ferme des hôpitaux parce qu'ils ne sont pas rentables. Donc la question que je me pose, c'est : qu'est-ce qu'on va offrir à la population en terme de proximité et en terme de service de qualité ?
Animateur - Beaucoup de choses dans votre intervention, on peut s'interroger. Là, vous venez de mettre en exergue une opposition entre public et privé. Est-ce que c'est vraiment le cas ? On peut se poser cette question : est-ce qu'il a vraiment cette dichotomie à faire ? Et puis vous parlez de territorialité, on peut s'interroger sur le maillage des hôpitaux dans notre pays. Quel est votre sentiment par rapport à la place de l'hôpital ?
3 - Je vais me faire un petit peu polémique, je pense qu'en tant que citoyen on a tous envie d'être bien soigné à notre porte, par contre cela a un coût. Est-ce qu'aujourd'hui on a les moyens de l'assumer en tant que collectivité, je pense que c'est une vraie question, est-ce que ce n'est pas un luxe que l'on demande, est-ce que par rapport à ça on ne peut pas dans un cas exceptionnel, dans un cas assez dramatique on ne peut pas faire quelques kilomètres, on ne peut pas trouver des solutions qui sont, certes où on devra faire des compromis avec notre confort mais qui seront des solutions que nous pourrons nous permettre. Aujourd'hui on a un système de santé qui est déficitaire au niveau des hôpitaux - si je ne me trompe pas de 800 millions d'euros - et je ne sais pas si aujourd'hui on peut se soigner à crédit et que nos enfants, nos petits-enfants paieront notre santé, qui paiera la leur ?
Animateur - Le coût de la santé. Voilà c'est lancé. Je pose une petite question : est-ce que le coût de la santé a augmenté, au fil des années ? Au fil des décennies ? Est-ce qu'il n'y a pas à la fin une pression qui s'exerce, quelque chose qu'on ne peut pas mettre en place ?
4 - On a commencé à parler de budget, de rentabilité, c'est un fait que l'hôpital n'est pas une entreprise commerciale. Donc elle n'a pas à faire de bénéfice. Pour autant est-ce qu'elle ne doit pas avoir une gestion saine ? C'est le fond de la question. Quand je dis "gestion saine", il est très important d'avoir une gestion saine dans la mesure où l'hôpital public est actuellement un lieu où effectivement on doit avoir les meilleurs plateaux techniques, c'est évident, plateaux techniques que l'on n'a pas dans les petits hôpitaux. On n'a pas posé le problème des hôpitaux qui ne sont pas des grands hôpitaux. Est-ce qu'il ne faut pas qu'il y ait une réorganisation pour qu'on aille se faire soigner dans les meilleurs plateaux techniques ? Surtout qu'actuellement il y a des évolutions dans les hôpitaux. L'autre jour, je regardais avec beaucoup d'intérêt en ce qui concerne la chirurgie, on parle de plus en plus de microchirurgie par ordinateur assisté, on va vers des technologies de pointe, on ne pourra pas faire de la technologie de pointe dans tous les hôpitaux, je pense qu'il quand même comprendre ce problème. Alors une réorganisation ça ne va pas contre la raison, c'est quelque chose tout à fait naturel dans l'intérêt du patient, tout n'est pas fait dans l'intérêt de la ville en question, ce n'est pas fait dans l'intérêt des politiques, c'est fait dans l'intérêt des patients, c'est là le fond du problème. Le patient doit-il profiter de tous les moyens techniques, des meilleures applications qui sont faites pour les soins ?
Animateur - Juste une petite question vous soulevez cette contradiction entre le fait que l'on veut des soins assez proches en fait et en même temps ça demande de plus en plus de technicité, les machines coûtent de l'argent, tout ça a un coût donc on ne peut pas concentrer à la fois dans les hôpitaux dispersés.
5 - Il y a quelques années de cela, il y a une fédération de mutuelles dont je tairais le nom qui disait "ma santé n'est pas une bagnole". Je pense que c'est à l'ordre du jour et effectivement les hôpitaux comme tous les services de santé doivent être là pour soigner le patient, le guérir et améliorer sa situation. A partir de cet état de fait je pense qu'effectivement le coût ne doit pas être prioritaire. Le prioritaire c'est permettre à tout citoyen de quelque rang de la société qu'il est de pouvoir se soigner convenablement et de la même façon qu'on soit riche, qu'on soit pauvre, qu'on soit en situation précaire ou au travail. A partir de ça je pense effectivement au niveau des hôpitaux j'ai du mal à comprendre qu'on puisse sous prétexte de coût, là aussi, on supprime des hôpitaux dans des petites villes, ou on supprime certains hôpitaux dans des villes moyennes et que finalement ce sont les grandes agglomérations qui doivent avoir les meilleurs hôpitaux ou qui doivent avoir les meilleurs systèmes de soin avec les appareils les plus performants. Les autres on les ferme. Je pense que c'est un problème qu'il faut revoir et que dans les villes moyennes il y ait la possibilité de se soigner, si le cas du malade est plus grave et bien effectivement il pourrait être transféré dans un hôpital plus important, mais je trouve tout à fait inadmissible que l'on ferme des hôpitaux dans certaines agglomérations et dans certaines villes.
Animateur - Vous nous parlez de réorganisation mais à priori il faudrait éventuellement garder ces hôpitaux de proximité pour faire en sorte qu'il y ait une proximité avec le citoyen, avec le patient. On peut quand même s'interroger sur le coût des traitements. Je crois savoir que les cancers se développant et les traitements étant de plus en plus coûteux on peut s'interroger sur le coût de la santé.
6 - On a parlé de technologie de pointe, mais la technologie de pointe ne concerne qu'un nombre restreint de malades. La plupart des malades sont des personnes âgées, dieu merci, plutôt des personnes âgées que des jeunes, et ces malades nécessitent des soins plutôt polyvalents qui ne nécessitent pas une médecine de pointe. Par contre, ces personnes âgées doivent être soignées, et là je rejoins monsieur, dans une proximité. Si on ne garde qu'un CHU ou un gros centre hospitalier comme par exemple Lisieux et Caen, on ne répond pas au besoin de la personne âgée qui a besoin de rester proche de chez elle. C'est la même chose pour les oins palliatifs, ce n'est pas de la médecine de pointe, c'est de la médecine qu'on fait tous les jours, c'est de la médecine de proximité parce qu'on ne peut demander à des familles de faire 50 ou 60 kilomètres pour venir visiter ces personnes qui sont en soin palliatif. Donc la médecine de pointe existe, elle est présente, elle doit se développer, on ne peut pas rester un pays arriéré, elle doit se développer dans des centres très particuliers, les CHU parce que ce sont des endroits où l'on fait de la recherche, de la formation et où on a plus les moyens, mais on doit laisser aux autres hôpitaux la médecine qui permet de garder cette proximité pour toutes nos personnes, qu'elles soient âgées ou moins âgées, mais qui ont besoin qu'on soit proche d'eux.
Animateur - Merci, n'hésitez pas à prendre des exemples concrets et régionaux. Cela nous permet d'imaginer un maillage idéal des hôpitaux. On a parlé de celui de Caen, de Lisieux, on va parler de celui de Falaise. Éventuellement, est-ce que ça veut dire que l'hôpital serait la structure qui apporte des soins généralistes, plutôt généralistes, est-ce que vous pensez que ça correspond à cela ?
7 - Sur ce point précis les choses me semble assez difficiles. Prenons l'exemple de la pédiatrie, s'il y a des services qu'on souhaite de proximité c'est bien la pédiatrie parce qu'il est important que l'enfant ne soit pas éloigné de son milieu familial, et des copains pour les plus grands des enfants. Mais le problème pour qu'il y ait des services, alors on va dire il est important dans les hôpitaux de proximité qu'il y ait des services de pédiatrie, mais ça veut dire qu'il faut qu'il y ait des pédiatres et les pédiatres ne se trouvent pas toujours facilement. Alors, à moins de prendre des pédiatres de qualité plus ou moins bonne qu'on va recruter sans exigence particulière sur leur formation, si on veut des gens de qualité dans les hôpitaux périphériques, on ne va pas les trouver. Donc il y a un certain nombre de services, par exemple de pédiatrie, qu'il vaudrait mieux fermer parce que la proximité c'est bien, mais la mauvaise qualité c'est dramatique. Il y a eu des fermetures de maternité par exemple, on conçoit bien que les maternités soient proches des domiciles pour que les visites soient possibles, etc. Mais s'il n'y a pas de gynécologues de qualité pour pouvoir assurer des accouchements avec le moins de risque possible, s'il n'y a pas un bloc opératoire avec des chirurgiens compétents pour pallier à des risques au cours d'un accouchement. Je ne suis pas en train de dire qu'il ne faut pas d'hôpitaux de proximité, je suis en train de dire que le problème est très compliqué parce qu'accoucher près de chez soi, ça veut dire un bloc opératoire, donc un service de réanimation, donc des anesthésistes, donc un service de pédiatrie, donc des pédiatres toujours présents. On ne peut pas faire grand-chose sans une grosse infrastructure. C'est vrai les soins palliatifs on peut concevoir que ce soit plus de proximité, c'est vrai, mais il n'empêche que si tout d'un coup il y a besoin d'opérer en urgence une occlusion, il ne faut pas qu'il y ait un bloc trop loin non plus. Moi, ça ne me parait pas si simple la proximité. Le plus possible la proximité, mais pas au détriment de la qualité. Il y a des petits hôpitaux périphériques qu'il vaudrait mieux fermer parce qu'ils peuvent être des endroits à risque.
Animateur - C'est aussi sans compter l'évolution de notre société, les moyens de transport ont quand même largement évolué. On peut effectivement se demander s'il n'est pas raisonnable de supprimer des hôpitaux en sachant qu'on peut atteindre très rapidement des hôpitaux de qualité.
8 - Est-ce qu'aujourd'hui en France on est soigné de la même façon dans un hôpital, admettons on a un cancer, une maladie très grave, est-ce qu'on a les mêmes chances sur Paris, dans un département. De par ma fonction, je suis assistante sociale au CHU de Caen, ce qui me frappe aujourd'hui, les personnes sont hospitalisées, il me semble que le patient doit être au centre de l'intervention, et nous au service social on a souvent l'impression pour faire sortir les gens du fait des coûts de l'hospitalisation. Je trouve que c'est vraiment au détriment du système de santé public de ce que nous on place au niveau du service de soin.
Animateur - Ca fait plusieurs fois que j'entends parler de cette pression financière, est-ce qu'on peut creuser cette question là, pourquoi il y a cette pression financière, le coût du patient, on peut essayer de creuser...
9 - Sur cette question d'argent puisqu'effectivement beaucoup de questions ont tourné autour de ce thème, pour essayer de clarifier un peu les choses. Des réponses un peu sous divers azimuts. A ce jour aucune structure hospitalière publique a été fermée pour des raisons de manque de rentabilité, les motifs réels jusqu'à présent, non pas de fermeture puisqu'aucune structure hospitalière n'a été fermée, mais de restructuration et recomposition de l'offre, ont été motivées comme cela a été dit, par l'incapacité d'assurer une bonne qualité de soin dans un certain nombre de spécialités sur tout le territoire. Une petite maternité, comme on le sait dans tous les métiers, moins on pratique moins on a de chance d'être au niveau requis pour bien faire. Les petites maternités, l'absence de pédiatre, l'absence d'un certain nombre de spécialistes ont fait qu'il y a eu une réorganisation au profit des plus grosses structures. C'est amplifié par le fait qu'à l'heure actuelle les médecins ont une totale liberté d'installation sur le territoire de la métropole et donc ils s'installent là où ils pensent qu'il est intéressant de s'installer. Il y a un déséquilibre très fort entre ville et campagne, entre Nord et Sud, globalement c'est ça on va dire. Si l'on caricature, les médecins sont au Sud, les malades au Nord mais c'est quand même ça. Je viens du Pas de Calais par exemple, il y a un décalage très net entre les moyens que l'on met à la disposition des patients par rapport à d'autres régions de France. Par rapport au problème de coût en général, ce qu'il faut bien avoir à l'esprit aujourd'hui c'est que la France est arrivée sans doute dans ses capacités de contribution à un sommet en termes de financement. On peut dire que la santé n'a pas de prix, c'est quelque chose qui est déjà connu, mais elle a un coût. On n'est pas aujourd'hui capable d'aller au-delà de nos capacités contributives des uns et des autres, c'est l'argent public qui finance la santé et au-delà de ce que l'on est capable de faire aujourd'hui il y a un seuil qu'on ne peut plus franchir. Pour la première fois dans l'histoire de l'hôpital public, les personnels sont devenus une variable d'ajustement, c'est la première fois dans notre histoire contemporaine, où chaque année les effectifs s'accroissaient, pour la première fois les hôpitaux peu ou prou de France ou de Navarre sont en situation de réduction des effectifs pour parvenir à une maitrise des coûts. Ce n'est pas un scandale en soi, il y a des marges comme dans toutes les entreprises, je parle d'entreprise au sens large et pas au sens mercantile du terme, toutes les institutions ont besoin de temps à autre de se réorganiser, de se restructurer et donc il est assez normal d'envisager des économies qui sont les économies de tout ce qui contribue, des associés sociaux et des contribuables, mais on est à un seuil particulier, on est à un tournant de notre histoire d'où ces grandes réorganisations en cours, ces réajustements, ces réadaptions qui sont vraiment incontournables aujourd'hui, avec le souci que vous avez souligné, qui est difficile à respecter, que l'accès aux soins n'est pas tout à fait , disons dans la même égalité selon l'endroit où on se trouve. On ne peut pas garantir qu'à Caen, quelle que soit la pathologie, on soit strictement avec la même obligation de résultat, qu'à Paris ou Toulouse, mais ça ce n'est pas propre à la santé on peut faire la même comparaison dans tous les domaines. Globalement notre système, j'ai eu l'occasion de voyager dans pas mal d'endroits, est quand relativement équitable et égalitaire, en tout cas la tradition républicaine a voulu qu'on essaie, quel que soit l'endroit de France, j'ai eu l'occasion d'exercer à Mayotte dans l'Océan Indien, quel que soit l'endroit de France, de mettre les moyens pour qu'on arrive peu ou prou à cette égalité.
Animateur - Vous nous parlez d'une mutation de société, le fait qu'aujourd'hui les employés soient des variables d'ajustement, c'est quand même significatif. Devant cette nouveauté on peut s'interroger sur l'évolution du système hospitalier et sur le tournant que nous devrions prendre. Interrogeons-nous sur l'organisation que nous devrions prendre, comment l'hôpital doit se réorganiser pour que nous puissions faire face à ces problématiques. Et vous nous parlez aussi d'une autre dimension, c'est le rapport au médecin, les difficultés que l'on a du fait que les médecins n'ont pas une répartition idéale. Est-ce que le système hospitalier ne commence pas autre part, au-delà de l'hôpital ?
9 - J'ai bien entendu toutes les questions, je crois qu'on ne se poserait pas toutes ces questions s'il n'y avait pas de problème financier, on se poserait simplement la question de la qualité des soins. La seule nuance que j'ai par rapport aux propos précédents c'est que le système est peut-être égalitaire mais il n'est pas équitable. Ca c'est quand même quelque chose d'extrêmement important. Le principe c'est l'égalité mais l'application pratique n'est pas équitable, c'est-à-dire que chacun ne reçoit pas en fonction de ses besoins, selon les moyens dont il dispose la réponse sera différente, selon les moyens, cela intègre la notion géographique. C'est la première chose. la deuxième chose les coûts financiers. Pour donner quelques chiffres, le budget de l'assurance maladie c'est 300 milliards d'euros, le déficit de l'assurance maladie c'est 5 milliards d'euros, 5 à 6 milliards d'euros, c'est-à-dire 2% globalement. On peut dire qu'on a des marges de manœuvre, sauf qu'on ne sait pas comment les gérer et que quand on y insiste sur toute la branche assurance maladie, la branche accident du travail, la branche retraite on arrive à un déficit qui l'an dernier était de 12 milliards et lorsque vous prenez les deux dernières années on a renvoyé à la CADES, la caisse d'amortissement de la dette sociale, 32 milliards en Novembre dernier. Alors qu'est-ce que c'est la CADES, c'est une caisse d'amortissement qui a été inventé par Rocard lorsqu'il a créé la CSG et la CRDS. La CRDS c'est la contribution au remboursement de la dette sociale, ce remboursement qui est là pour éponger le déficit du budget social devait se terminer en 2012. Compte tenu de tout ceci le remboursement de la dette sociale est reporté, au mieux, en 2032. C'est-à-dire qu'actuellement les dépenses de santé et les déficits que l'on crée, sont payés non seulement par nos enfants mais aussi par nos petits enfants. Donc il y a un vrai problème de coût. Le deuxième point qu'André a abordé c'est le problème de la démographie médicale. Je suis, en tant qu'expert, et c'est un discours constant que j'ai, très vindicatif vis-à-vis de nos patrons des CHU qui ont été des bons professionnels de santé, qui ont bien fait leur travail de soignant mais qui n'ont au aucune vision de santé publique. La vision de santé publique, notamment au niveau régional et bien c'est une dimension qui apparaît maintenant alors que l'on est dans la difficulté. Comme le disait André vous n'avez plus de pédiatre, vous n'avez plus de psychiatre, vous n'avez plus de gynéco, on est en train de supprimer la gynéco médicale alors que c'est fondamental, vous n'avez plus de chirurgiens viscéraux, vous n'avez plus d'anesthésiste et vous n'avez plus globalement de spécialité qui entraine des contraintes, des contraintes majeures. A ceci on a une grande chance par certains cotés c'est la féminisation de la profession. actuellement vous avez 40% des médecins en exercice qui sont des femmes, dans 10 ans il en aura 55%, mais les femmes encore plus que les hommes supportent mal les contraintes professionnelles et notamment les contraintes de garde, ce n'est pas une question de compétence, c'est une question de culture et c'est une question de responsabilité familiale. Ca veut dire que ce problème de la démographie est aigu. Pourquoi je suis vindicatif vis-à-vis de nos patrons, c'est parce que lorsqu'ils ont vu, c'est un désastre annoncé la démographie médicale, il y a des gens ici qui peuvent vous dire que ça fait 15 ans que je dis on va dans le mur et dans la catastrophe, on ne forme pas assez de médecin. La mentalité était la suivante, lorsqu'il n'y avait pas assez de médecin et notamment ça a commencé par les hôpitaux périphériques, c'est-à-dire hors CHU et bien on disait faites venir des gens de l'étranger. Lorsque j'entends le discours de dire il n'y a plus la compétence, il n'y a plus la sécurité dans les hôpitaux périphériques, je dis oui peut-être, mais qu'a fait l'ordre et qu'ont fait nos patrons qui sont en train de récupérer les moyens. Bon ça c'est pour planter un petit pue le décor et puis je vais arrêter là, mais je dirai simplement que dans ce souci là et bien il faut définir des priorités, il est clair comme vous le disiez qu'on est le deuxième pays au monde après les USA en terme de dépenses de santé par habitant, deuxièmement les dépenses de santé augmentent entre 1% et 2% de plus que le PIB d'une manière générale chaque année. Inutile de vous dire que l'an prochain avec la récession qui se profile on va avoir un désastre. Pour 2009 le déficit de la sécurité sociale annoncé est de 19 milliards d'euros donc il est évident qu'il faut maintenant faire des choix. Alors je dis définissons des priorités, voyons ce qui est du social dans les soins, c'est-à-dire, il y a ici une assistante sociale qui voit bien ce que veut dire. Est-il logique de rembourser à tout le monde des frais d'ambulance, non mais c'est tout ce genre de question là, c'est-à-dire, pardon je vais arrêter, qui va arrêter à un moment donné, qui va payer à un moment donné. C'est pour ça que moi au principe de l'égalité je préfère le principe de l'équité, c'est comme ça à mon avis en terme citoyen qu'on peut aborder pour donner un accès aux soins pour tout le monde et non pas avoir un discours égalitaire qui est un discours faux. Pour répondre, excusez-moi encore une précision, pourquoi on est entré dans le financement à la T2A c'est la tarification à l'activité, la rentabilité, pourquoi on rentre dans cette logique là, parce qu'avant on avait une dotation forfaitaire par hôpital. La bonne règle du jeu consistait, les directeurs vous disait mon cher docteur ne vous fatiguez pas parce que moins vous travaillez, moins vous entrainez de coût et de toute façon la dotation annuelle était la même. Maintenant c'est l'inverse, c'est-à-dire qu'il faut travailler pour que l'hôpital puisse fonctionner mais il y a une erreur fondamentale c'est que la tarification à l'activité, elle est légitime parce que c'est une prime à l'activité et on peut le comprendre, mais il y a un défaut majeur c'est ce qu'on appelle la convergence, c'est-à-dire vouloir aligner les tarifs du public sur les tarifs du privé parce que les missions de l'hôpital public et celles du secteur privé ne sont pas les mêmes. Dans tous les hôpitaux qui sont à la tarification à l'activité, cette tarification à l'activité dans les autres pays européens ne s'appliquant que sur 50% des dépenses. Or là on est dans une logique de convergence qui est dramatique pour les hôpitaux et surtout par voie de conséquence pour les malades parce qu'il y a des malades que les hôpitaux ne voudront plus soigner parce qu'ils n'en auront pas les moyens.
Animateur - Beaucoup de choses de dites, merci. Je retiens quelques éléments, vous nous dites que préférez l'équité à l'égalité, dans ce cas faudrait-il changer notre devise républicaine, liberté équité fraternité. On pourra essayer de s'interroger sur le principe d'égalité face au besoin de santé de tous les citoyens, on peut creuser cette question parce que c'est peut-être un pivot.
10 - Il y a une question de fonds que je voudrais poser. On parle de service public pour l'hôpital mais pourquoi le privé n'aurait pas des missions de service public. Les soins, la santé des gens, c'est un besoin public pourquoi on ne soumet pas aux mêmes règles les hôpitaux privés et les hôpitaux publics. On a voulu une concurrence, mais une concurrence n'est bonne qu'entre gens qui jouent dans la même cour, quand on n'est pas dans la même et qu'on n'a pas, disons, les mêmes contraintes, c'est comme dans un champ de course, si vous mettez celui qui est le plus avantagé par des moyens, on lui met un surpoids pour les autres soient à peu près égal à lui et qu'il y ait autant de chance. Là c'est le contraire c'est l'hôpital qui a les poids sur lui et le privé qui n'a pas les poids. On peut se poser des questions à ce sujet et se dire pourquoi les hôpitaux privés n'auraient pas effectivement à supporter un certain nombre de contraintes comme par exemple les urgences. Le problème de l'hôpital public c'est aussi le problème des urgences. Je vois, quand mon épouse a eu un accident, elle a attendu pratiquement toute une journée avant d'être soignée, dans le privé elle aurait été prise de suite, à priori il y a des hôpitaux, l'autre jour je ne sais pas c'était un reportage, il faut peut-être toujours se méfier avec les journalistes, mais on nous montrait un hôpital où les infirmières étaient très décontractées, elles attendaient le client pratiquement. Dans les hôpitaux publics, j'ai vu le CHU de Caen, il y a quelquefois des embouteillages aux urgences. Le problème des urgences, qu'est-ce que vont faire les gens dans les urgences, bien oui il y a de "bobologie", le petit s'est fait une petit s'entaille, on l'amène aux urgences, il ne faut pas exagérer. On est dans une société un peu particulière aussi. Moi j'ai vécu une époque que vous n'avez pas connue, l'hôpital public quand on y allait il fallait vraiment en avoir besoin, mais il y avait les dispensaires. Les dispensaires c'étaient des médecins libéraux qui venaient assurer un service public. C'était une époque où l'on dépensait le moins possible, mais on se soignait aussi.
Animateur - Vous nous parlez de la pression exercée sur le public et vous nous dites pourquoi le privé ne pourrait pas prendre en charge aussi les missions de service public, on pourra continuer sur ce point là.
12 - Je pense que la générale de santé s'est bien développée au cours de 15 dernières années. Mais je reviens sur les propos que vous teniez, en fait j'avais ça aussi un peu en tête. Il fut un temps où sensibilisés par l'approche qu'on faisait sur l'évolution des dépenses de santé, on a voulu former moins de médecins parce qu'on allait diminuer ainsi la demande. En même temps on assistait à un vieillissement de la population malgré un taux de natalité parmi les plus forts d'Europe, mais il y a quand même un vieillissement de la population. Vous parliez tout à l'heure des manques dans les qualifications, mais en même temps que vous parliez de ça vous n'avez pas abordé le problème de la pyramide d'âge par spécialité à l'intérieur des sites hospitaliers. Je mets cela en opposition par rapport à l'évolution technologique qui va croissante. On revient ici à un problème de qualification, tout ceci et malgré la confiance que je peux faire à l'égard des sites hospitaliers, ça pose quand même quelque part question. On a tous entendu parler aussi du problème du personnel soignant au niveau infirmière par exemple avec des charges administratives de plus en plus lourdes, ces charges là et bien ma foi pour les assumer, c'est du temps en moins passé auprès du patient, donc le relationnel entre le patient et le milieu hospitalier. Il y a des actes faits, des actes soignants réalisés par du personnel qui n'a pas une formation infirmier. C'est là où se pose la question. J'ai un fils qui a exercé une année au Canada dans un centre anti cancéreux, ils étaient deux à se contrôler pour savoir sui les réglages étaient bien conformes à la prescription. Ceci à ma connaissance ne se fait pas encore en radiothérapie en France de façon généralisée. Se pose aussi le problème de l'actualisation des connaissances des différentes couches de personnel, comment cela peut-il se concevoir si les effectifs sont insuffisants. En fait vous brossiez un tableau relativement sévère sur le futur, par mes propos quelque part ça l'aggrave encore un peu plus.
Animateur - On va essayer de n'être pas trop pessimistes quand même, on va essayer de se poser des questions. Pour revenir à la place de l'hôpital dans le système de santé, vous vouliez terminer votre propos.
12bis - J'ai oublié de parler d'un aspect, à ce moment-là je me place du coté patient, j'y ai droit, je le prends. Vous parliez notamment du transport en ambulance, j'estime que pour des soins, fusse une chimiothérapie, à partir du moment où le patient habite à proximité du centre de traitement, c'est une aberration qu'elle prenne une VSL s'il a un moyen de locomotion et un mari ou une épouse qui peut conduire.
Animateur - Je pose juste cette question, est-ce qu'il faudra arriver à imposer des contraintes en fonction des moyens de chaque individu ? Pour essayer de revenir au débat, on peut essayer de s'en extraire un peu et s'interroger sur notre société elle-même et quel rapport nous avons avec notre propre santé ? Les hôpitaux si les soins augmentent, si le coût augmente, c'est peut-être parce qu'il y a des raisons sociétales qui font qu'on est peut-être plus malade ? On peut s'interroger sur le fonctionnement même de notre société.
13 - Pour revenir sur le thème égalité, équité, c'est plus complexe qu'il n'y parait. Actuellement si vous devez faire un jour un infarctus ou avoir une urgence cardiologique, je vous conseille vivement de la faire à Falaise ou à Caen et pas à Paris, vous serez secouru dans des temps extrêmement rapides. J'ai été pendant une trentaine d'années responsable du SMUR de Falaise, je peux vous dire que les infarctus ont été traités avec une rapidité et une efficacité tout à fait remarquables, en particulier grâce au fait qu'on a toujours fait ce que nous savions faire et que nous savions passer la main. Par exemple notre SMUR allait, ça continue bien que je n'y sois plus, notre SMUR va chercher un infarctus, fait ce qu'il faut pour le maintien et la survie, et se dirige directement sur Caen après conversation téléphonique avec les Caennais si on estime que l'on va gagner du temps et ne pas passer pas l'hôpital de Falaise. Il faut aussi que l'hôpital de proximité, ce ne doit pas être une indépendance la proximité. Si vous faite un infarctus en bordure de Paris on va vous faire tourner sur le périphérique, quelquefois des heures, en attendant de trouver une place, parce que tout est encombré, sur encombré, vous avez à votre disposition de grands hôpitaux, soi-disant très bien garnis sur le plan technique, mais ce n'est pas forcément là que vous aurez, que vous bénéficierez des soins les plus rapides et les plus compétents. Donc l'égalité ce n'est pas simple et ce n'est pas forcément dans les grands centres que les choses se font le mieux. En ce qui concerne le public et le privé, il a été question du service des urgences. Est-ce que le privé doit avoir des missions de service public, mais il les a. Quand l'agence d'hospitalisation a distribué les postes d'urgentistes, elle en donne autant au privé qu'au public, voire plus. Ce qui nous a, nous, fichu dedans dans la mesure où on manquait d'urgentiste, et qu'il n'y en avait pas beaucoup sur le marché, il a fallu les partager avec le privé et il est donc tenu lui aussi à assurer les urgences. Mais si vous amenez votre grand-mère dans un centre privé avec une hémiplégie, elle ne va pas y rester longtemps, on va l'envoyer tout de suite sur le CHU parce que ça, ça n'a pas de rentabilité, ça ne donne pas de gestes chirurgicaux, ça ne fait pas marcher la technique et donc le CHU de Caen est encombré par les retours des urgences de la clinique Saint-Martin, c'est comme ça que ça se passe. Alors évidemment ça va encombrer les urgences du CHU, il y aura plus d'attente parce qu'il y a toute cette médecine plus ou moins sociale qui atterrit là, c'est ce qui fait la noblesse de l'hôpital. J'ai le souvenir d'avoir dit un jour à mon directeur à Falaise que l'on était bien encombré l'hiver par quelques clochards dont il fallait s'occuper et compte tenu du prix de la journée d'hôpital ce n'était pas leur place d'être là. Le directeur m'a répondu, c'est la noblesse du service public et j'ai trouvé que c'était une bonne réponse, on ne les laissait pas dans la rue, il n'y avait pas de structure autre pour les accueillir et bien l'hôpital les prend, pas les cliniques. Alors évidemment vous attendrez peut-être moins longtemps. Je dirais que les économies de santé il faut les faire maintenant comme on fait les économies d'énergie, il faut que les citoyens apprennent à utiliser la santé, il faut qu'ils arrêtent de croire qu'il n'y a que l'hôpital qui peut recevoir un gamin qui a une angine. Moi pendant des années je disais à mes urgentistes, quand on vous amène un gamin pour une angine, examinez-le, il faut toujours être sur que ce n'est pas une diphtérie et s'il ne justifie pas un traitement d'urgence, ne justifie pas une hospitalisation, renvoyez-le au médecin traitant et ne le soignez pas. Puis j'ai arrêté de faire ça parce que je me mettais dans des risque légaux qu'on ne peut plus assurer maintenant, mais c'est ce qu'on devrait faire, on devrait à l'hôpital quand on amène quelqu'un qui ne relève pas de l'hôpital, on ne devrait pas le soigner, on devrait le renvoyer à la structure mieux adaptée après avoir vérifié q='il ne s'agit pas d'une urgence ou d'une nécessité d'hospitalisation.
Animateur - Cela fait quelques interventions où j'entends parler de responsabilité. Finalement il s'agit de cela, responsabilité du citoyen en fait face à sa propre santé. Mais on peut s'interroger aujourd'hui sur l'hôpital, est-ce que l'hôpital n'est pas le bout d'un entonnoir où tous les maux de la société se déverseraient, est-ce que les problèmes ne sont pas autre part, c'est-à-dire notre relation à la bouffe par exemple, notre relation à la santé en général et puis notre façon de vivre, toutes ces questions peuvent aussi être dans le débat.
14 - En effet j'ai l'impression qu'aujourd'hui on est consommateur de santé, on a sans doute perdu la notion d'usager mais on devient vraiment des consommateurs avec des exigences. Je voulais revenir, quand on parle de l'hôpital dans le système de santé, on a parlé des dispensaires, il y avait des filtres avant. L'hôpital a beaucoup de moyen sur les urgences, il y aurait sans doute possibilité de réaffecter ces moyens sur des choses plus graves. Aujourd'hui c'est vrai que les urgences ont à traiter une "bobologie" extrême, je connais des gens qui sont responsables de SMUR, qui me disaient que lors des épidémies de grippes les centres d'appel sont débordés pour des fièvres pour lesquelles il aurait suffit d'attendre la nuit ou le lendemain matin pour aller voir son médecin tranquillement de prendre un sirop et ça aurait très bien été. A ce niveau j'ai l'impression qu'il y a des choses qui ont disparu. Si on prend le rôle du médecin, aujourd'hui on a de plus en plus de cabinets médicaux en ville, des gens qui sont un peu fonctionnarisés dans leur activité. Moi j'ai souvenir, en campagne, de voir de médecins qui avaient aussi des missions sociales, où le soir du 25 décembre il fallait également faire la garde et traiter des gens qui avaient un peu trop bu. Il y avait toutes ces choses là qui étaient contraignantes, une vraie charge, il y avait un intérêt pour la société, ça ne s'arrêtait pas à 19h. Aujourd'hui l'hôpital reprend en charge tout ça et on est un peu surpris que l'hôpital soit encombré. En effet il n'y a pas d'autre échappatoire, donc aujourd'hui tout se déverse sur l'hôpital. Une autre raison, on n'a pas parlé de ça, on a parlé de la difficulté de trouver du personnel, on a fait subir à l'hôpital il y a quelques années les 35 heures sans avoir rien anticipé et ça a été, je pense, pour les personnels quelque chose de dramatique parce qu'ils ont sans doute profité des 35 heures, mais ils ont récupéré une charge et un stress pour cette gestion qui a été énorme. On s'est préoccupé des conditions de travail sans se préoccuper des conséquences pour le patient.
Animateur - Concernant les 35 heures, je pense que quelques membres du personnel ricaneraient du fait qu'ils sont dans les 35 heures, je pense que beaucoup dépassent les 35 heures. On peut s'interroger, qu'est-ce qu'il faudrait justement pour soulager ces personnels. Juste une question, parce que ça me trotte dans la tête, on parle beaucoup de responsabilisation, de notre manière de gérer notre propre santé, est-ce que finalement on ne serait pas trop gâtés. Essayons de sortir de notre cadre français pour nous interroger sur ce qui existe das d'autres régions du monde et voir si finalement on n'est pas trop exigeants, on ne sait pas quel est le bonheur que nous avons.
15 - Beaucoup de choses ont été dites que je voulais évoquer. Je voulais revenir sur notre propre rapport à la santé et peut-être une autre organisation qui pourrait être trouvée pour éviter « d'encombrer » les hôpitaux et de poser la question du rapport à la santé du fait que nous soyons trop gâtés. Je pense qu'il y a aussi une part qui a disparu sur la prise en charge des gens malades, c'est la solidarité familiale. Alors non pas qu'elle n'existe pas la solidarité familiale, je pense qu'elle existe toujours, mais qu'effectivement on a changé de forme de société, que les femmes travaillent beaucoup plus, qu'on est moins chez soi, qu'on est sur une cellule familiale extrêmement restreinte. Alors effectivement quand un malade rentre à son domicile et qu'il faut assurer un minimum de soin on n'a pas forcément les moyens. Je parle autant aux moyens humains, on n'est pas préparé à ça, et d'autre part aux moyens financiers parce que ça a un coût. Alors on peut vous proposer l'hospitalisation à domicile, encore faut-il qu'il y ait des soins à faire, c'est-à-dire que si l'on est simplement sur du nursing, je ne sais comment on peut appeler ça , simplement s'occuper de la personne qui n' a plus d'autonomie, là il n'y a pas beaucoup de réponse à part si vous êtes une personne âgée parce qu'il y a l'APA ou si vous avez des ressources minimum, autrement, et je sais de quoi je parle, j'ai été confrontée à cette question, vous devez trouver vos propres moyens. Si vous avez les moyens financiers, tant mieux, si vous ne les avez pas, vous vous débrouillez. Je pense qu'il y a tout un système extérieur à l'hôpital qui a disparu, c'est vrai, les dispensaires, le médecin généraliste qui est certainement moins disponible qu'il ne l'était. Chercher un médecin après 17h, on a quelquefois du mal à en trouver, chercher pendant le week-end vous aurez aussi du mal à en trouver. Vous allez trouver SOS MEDECIN et vous allez payer la consultation 80 euros. Donc entre une consultation à 80 euros que moi je peux peut-être payer, mais qu'une autre famille ne pourra pas payer, elle ira où, elle ira aux urgences. Donc effectivement on a à repenser tout un système d'organisation. On parlait des soins palliatifs, qu'est-ce qu'il y a actuellement mis en place pour que le malade qui a besoin de soin palliatif, donc qu'il n'a pas à occuper un lit où il y a des soins à donner, puisse trouver une place, il attend combine de temps ? Malheureusement souvent il est décédé avant de pouvoir passer aux soins palliatifs si on n' pas pu le reprendre chez lui. Ça c'est aussi une question qui se pose. On parlait de transport en ambulance, oui il y a des abus, mais aussi à certains moments, le malade qui est en chimio, ne peut pas conduire sa voiture, il ne peut pas se faire conduire. Là il y a peut-être des choses à trouver, vois si on ne peut pas faire des chimiothérapies différentes, si ça ne peut pas se faire à domicile dans le cadre des HAD, pas toujours, oui mais même par cachet il y a un suivi médical qui est important. Autre question que je voulais qu'on évoque c'est quelle est la prévention que l'on développe aussi en France et comment on nous rend responsable de notre santé et quelle prévention on développe pour éviter d'arriver trop vite aussi à des situations dramatiques en terme médical.
Animateur - Là, se pose la question - et je vais me tourner vers les spécialistes du domaine de la santé - comment a évolué le tissu hospitalier, comment a-t-il évolué au cours de ces dernières années, de ces dernières décennies, est- ce qu'il s'est étiolé, concentré, est-ce qu'on a eu d'autres formes d'hospitalisation ? Et quid du rôle de l'État qui se désengage de plus en plus ? Et du rôle de la région ? On peut s'interroger sur la manière, sur quoi on doit se baser pour imaginer un maillage correct ?
16 - Je vais essayer de répondre à quelques questions qui sont restées en suspens. Quelqu'un posait la question de savoir si on est aussi bien soigné d'un cancer en Normandie qu'à Paris. On est aussi bien, on a la chance d'avoir un centre de lutte contre le cancer remarquable. Ça c'est la première chose. Vous avez toujours des soins de qualité, tout le monde n'y a pas toujours à faire, mais dans le domaine du cancer, avec la notion de protocole, la création d'un institut nationale du cancer, et bien il y a une uniformisation des protocoles et o n peut dire que c'est une bonne réponse pour cette pathologie et notamment en Basse-Normandie c'est une bonne réponse. Je voudrais redonner, excusez-moi c'est l'expert, quelques chiffres. L'hôpital public, puisque c'est ça, représente 27% de toutes les dépenses de santé, donc ce n'est pas la moitié comme on veut bien le dire, c'est 27%. On mélange souvent hôpital public et clinique et on dit on approche les 50%. En réalité ça ne représente que 27%. Sur ces 27%, 40% sont représentés par 23 établissements qui sont les CHU. Donc vous voyez que si vous voulez jouer et avoir de réelles marges de manœuvre, et bien vous jouer sur les CHU. Pourquoi je vous dis ça, tout le débat, et ça va être la conclusion, ça va être la place après des hôpitaux généraux. Et vous voyez en fait ce sont des hôpitaux de proximité et qui sont un accès aux soins, donc ça c'est une première réponse. Deuxièmement il faut savoir que lorsque, excusez moi j'ai perdu le fil de mon idée, dans le budget hospitalier 70% sont des charges de salaire. Vous donniez à juste titre le déficit structurel de 800 millions d'euros de déficit pour les hôpitaux publics, ca correspond à 20000 postes au plan national. Donc c'est vrai, que vous le disiez, la variable d'ajustement est devenue le personnel et c'est vrai que l'hôpital public a été tué dans sa dimension comptable par la mise en place des 35 heures, on en pense ce que l'on veut, mais le surcoût et les déficits sont liés en grande partie aux 35 heures. Voilà ce n'est pas polémique, c'est un constat. Alors est-ce qu'il y a eu disparition des hôpitaux publics, non il n'y a pas eu de disparition on essaie au contraire de les faire travailler en réseau. Mais lorsque vous dites que l'État se désintéresse de la santé, ce n'est pas vrai, au contraire la loi » hôpital santé patient et territoire » qui vient d'être votée, c'est une Étatisation à l'État pur de tous les hôpitaux avec une rapidité que vous n'imaginez pas. C'est-à-dire que l'État, en gros, a décidé de prendre le contrôle financier de la situation et là ça va être très dur, je ne vais entrer dans les détails, mais ça va être très dur pour tous les hôpitaux.
Animateur - On peut essayer de voir quel est le rapport entre le régionalisme et l'État parce qu'on s'aperçoit beaucoup que la dimension régionale est importante dans le développement de notre vie, et même démocratique. Alors vous dites que l'État, à priori, prend les choses en main du point de vue des hôpitaux.
16bis - Le patron de l'hôpital ça va être le directeur, c'est un patron absolu, c'est un administratif, les médecins seront vice-présidents, mais les maires seront écartés du conseil d'administration qui devient un conseil de surveillance. Ce même directeur, il faut bien comprendre ça, va être nommé, évalué et révoqué par le directeur régionale qu'on va appeler directeur de l'agence régionale de santé qui va regrouper tous les pouvoirs et qui ne va même plus avoir le contre poids de l'URCAM, Union Régionale des Caisses Assurance Maladie, et lui au niveau national sera en liaison directe, nommé évalué et révoqué par le ministère. Donc dans les obligations qui seront données, aussi bien au directeur des agences régionales de santé qu'aux directeurs des hôpitaux, ce sera l'application des règles comptables qui prendront la forme de contrat de projet, d'objectif et de moyen. Donc clairement on affiche maintenant une volonté comptable et on a mis à deux niveaux, le niveau national et le niveau local, des adjudants.
Animateur - Pour vous les termes, adjudants etc. qui laissent penser, voilà, qui laissent penser, mais les termes que vous employez montrent à priori que l'État veut prendre en main la santé en tout cas au niveau des régions.
17 - Je voulais juste rebondir sur ce que disait madame tout à l'heure par rapport à l'encombrement des hôpitaux, c'est-à-dire que l'hôpital c'est le reflet des problèmes que l'on rencontre dans la société, les populations vieillissantes, les problèmes Alzheimer qui se retrouvent dans des situations de précarité extrême, les manques de structure, de maisons de retraite, des patients qui restent des mois en attente d'une place parce qu'ils n'ont pas les moyens financiers d'aller dans des structure privées, les SDF qui sont régulièrement aux urgence parce qu''il n'y a plus de place dans les lieux d'hébergement d'urgence. Donc l'hôpital c'est aussi ça c'est vraiment le reflet de tout ce qui ne va pas dans la société, on a un rôle pivot, ça me semble important de le souligner.
Animateur - Est-ce que justement il n'y aurait pas moyen de s'interroger sur les choses périphériques qui font que l'hôpital est surmené ?
18 - Je voulais revenir sur la question de la prévention parce que c'est vrai que je pense que les gens ont perdu une certaine responsabilité. Quand on entend les histoires aberrantes des procès faits aux médecins pour telle ou telle raison, on peut se dire que c'est normal que les gens ne veulent plus prendre de responsabilité. Je pense que le gouvernement doit faire des efforts à ce niveau là pour reprendre le dicton : prévenir plutôt que guérir, et faire plus d'efforts sur la prévention. On commence à entendre des publicités sur l'attention qu'on doit apporter aux nouveau-nés, on peut éviter bon nombre d'accidents, c'est déjà un bon pas. Je voulais revenir aussi sur la formation aux premiers secours, on est un des derniers pays européens à être formés, je pense que ça pourrait intégrer, évidemment le primaire et le collège ont déjà un programme bien chargé, mais ça devrait en faire partie et être une formation obligatoire.
Animateur - Je voudrais juste poser cette question, puisqu'on est quand même réunis pour ça ce soir, finalement quelle place pour l'hôpital dans la santé. On a balayé beaucoup de choses et c'est bien de dire maintenant qu'est-ce que je voudrais comme place pour l'hôpital.
19 - Sur cette dernière question d'autres que moi vont y répondre. Je voudrais faire le lien avec un certain nombre d'interrogation qui ont été soulevées et prendre un peu de recul. Manifestement et c'est un sentiment qu'ont beaucoup d'hospitaliers au cours de ces dernières années, l'hôpital est un peu au cœur de nos propres paradoxes. On vient d'évoquer la prévention, on découvre en France après d'autres pays que la prévention aurait un certain intérêt parce qu'on n'est plus capable dans le curatif de faire face à toutes nos obligations. En même temps quand depuis des décennies on cherche à lutter contre l'insécurité routière, contre les méfaits du tabac, de l'alcool, de la toxicomanie en général, on hurle à des atteintes à la liberté. J'ai consacré quelques années à la sécurité routière, un des grands gains, y compris pour nos hôpitaux et pour la sécurité sociale, a été de passer de 20000 morts à la fin des années 70 à moins de 5000 morts aujourd'hui et ça a été un combat extrêmement rude. La diminution des adictologies en général fait partie des grandes conquêtes en terme de prévention que l'on pourrait obtenir, mais dans nos pays latins c'est assez difficile de se battre sur tous les fronts et en général nos concitoyens, j'en fais partie, ont tendance à vouloir tout et son contraire et à l'exprimer parfois de façon assez rageuse et assez exigeante. Donc on veut des médecins partout mais on ne veut pas pour autant que nos frais de sécurité sociale s'accroissent, on voudrait des hôpitaux sur tous les territoires, mais pour autant lorsqu'il y en a ce n'est pas forcément ceux qui habitent à coté qui les fréquentent. Beaucoup de structure sont été , disons, totalement révisées parce que les patients allaient se faire soigner ailleurs, on n'hésite pas à prendre son véhicule pour aller dans des grandes surfaces à une heure et demis de route, alors qu'on ne voudrait pas le faire pour se rendre à l'hôpital deux ou trois fois dans sa vie. Moi, les paradoxes quotidiens permanents sont quand même ce qui nous caractérisent généralement et en matière de santé c'est peut-être un peu plus visible qu'ailleurs, sauf qu'on considère que c'est un petit peu un tabou. Aujourd'hui on souhaite, au détriment de la charge de travail des soignants, on cherche à avoir plus de garanties, on veut que nos dossiers médicaux soient totalement retranscris, communicables, quand on ressort un dossier médical des années 60, il tient sur deux feuillets, et qu'on voit aujourd'hui ce que représente un dossier médical on est extrêmement surpris et on voit ce que ça a multiplié comme tache administrative importante et ça fait partie de l'évolution de la qualité des soins dans nos établissements mais ça se paie et ça se paie très cher. Tout ce qu'on a évoqué sur la responsabilisation croissante sur le dispositif hospitalier c'est aussi quelque chose qui devient maintenant une inquiétude, une épée de Damoclès permanente, et dans le quotidien des pratiques soignantes et administratives, l'enjeu juridique est un enjeu qui devient extrêmement prégnant au détriment éventuellement d'autres missions qui pourraient paraître plus prioritaires. Tous ces débats montrent bien qu'on a encore quelques priorités à donner, à recentrer et pour l'instant peut-être qu'on n'a plus les moyens de tout poursuivre en même temps et au même rythme, c'est un peu la problématique du moment. La reprise en main par l'État est une mauvaise réponse à des vrais problèmes, les hospitaliers sont un peu interrogatifs face à la politique menée à l'heure actuelle, ça fait partie des débats, j'en viens. J'étais à Paris pour les journées annuelles des directeurs d'hôpitaux, la ministre de la santé Madame BACHELOT est venue en personne, la directrice des hôpitaux également Annie PODEUR, un certain nombre d'élus et des grands praticiens hospitaliers, c'est un débat qui relève du débat de société. On verra ce que les choses donneront mais c'est un enjeu assez important à l'heure actuelle.
Animateur - Juste une chose qui m'a fait sourire mais qui est peut-être une autre approche de l'hôpital, vous disiez on est prêt à faire une heure et demis de route pour aller dans une grande surface, on n'est pas prêt à l'accepter pour aller dans un centre hospitalier. On n'a peut-être pas la bonne mesure de ce qu'est notre santé aujourd'hui en France.
20 - En matière de prévention, c'est vrai que je suis toujours agacée quand j'entends des accidents en montagne ou des accidents en mer, des gens prennent des risques énormes. En dehors déjà du fait de rechercher et d'aller chercher les personnes ce qui est extrêmement couteux, mais après il y a des soins à apporter à ces personnes qui ont pris des risques énormes. Il me semble que les urgences seraient un peu moins engorgées s'il y avait une responsabilité un peu plus grande en manière éducative. J'ai un peu l'impression d'être ringarde en disant cela, mais aujourd'hui tout doit venir de l'Etat qui doit légiférer sur beaucoup de choses. Comme disait monsieur tout à l'heure, tout ce qu'on est en train d'entendre actuellement en matière d'alcool me fait un peu bondir parce qu'il y a quelques années je pense qu'on n'avait pas du tout des comportements de cet ordre là et j'ai le sentiment qu'il y a un peu de défaillance et d'abandon en matière éducative, les règles de base ne sont plus transmises. Un truc tout bête par exemple, l'électricité, ne pas mettre par exemple les doigts dans une prise, ce sont des choses qu'à nous, mômes, on nous a enseigné, je n'ai pas le sentiment qu'aujourd'hui ces notions basiques sont transmises. C'est la responsabilisation plus importante de chacun qui éviterait l'engorgement des urgences.
Animateur - C'est vrai qu'on parle beaucoup aussi aux cafés citoyen de l'État providence, pourquoi on se repose dessus, effectivement cette question de la responsabilité est importante. Finalement est-ce qu'on n'est pas trop encadrés dans le système de santé à l'heure actuelle.
21 - Je voulais juste dire que les économies avaient pu être possibles à l'hôpital. Un hôpital ça fonctionne avec des soignants, on en fait partie, il y a en a beaucoup. Il y a une deuxième partie qui sont les administratifs, les services logistiques et techniques, c'est-à-dire la blanchisserie la cuisine etc. Si dans le maillage qui a été fait on nous a demandé aussi de faire des gestions communes d'hôpitaux, c'est-à-dire que les services administratifs vont se retrouver sur un même secteur pour gérer plusieurs secteurs, ça va permettre de corriger ce déséquilibre entre soignants et les autres personnels des hôpitaux. Je parle du service que je connais qui est l'hôpital de Pont-l'Évêque, nous on a un paradoxe, au lieu d'être en équilibre, on a plus d'administratifs et techniques que de soignants, donc si on prend une direction commune, par exemple avec l'hôpital de Lisieux, ça nous permettra d'économiser certains postes administratifs et peut-être, peut-être , les redistribuer dans des postes médicaux, médecins bien sur, mais également surtout les infirmières, les aides-soignants, assistantes sociales, ou des gens qui peuvent servir dans des services comme le mien, service des soins de suite que sont les kinés etc. Il y a des choses qui sont bien dans la loi Bachelot, notamment par rapport à ce regroupement, en tout cas de l'administratif, je ne dis pas que tout est bien mais cela peut permettre de faire des économies à la santé et à nous citoyens de nous responsabiliser par rapport à notre prise en charge des malades.
Animateur - Est-ce que finalement il n'y a pas moyen de mutualiser des choses entre les différents centre hospitaliers, pour évidemment ne pas perdre la qualité en terme de soin ? Qu'est-ce qui pourrait être mutualisé avec les nouvelles technologies qui arrivent et notre nouvelle façon de vivre également ? Finalement, après cette heure et demie et pour ces quelques dernières interventions, quelle vision avez-vous de l'hôpital ? Vous-mêmes, aimeriez-vous être soigné à l'hôpital et quel rapport vous aimeriez avoir avec le personnel hospitalier ?
22 - Par rapport à la nouvelle loi, on a parlé tout à l'heure du responsable régional, je pense que quelque part on a aussi de l'État une prise de conscience que tout ne peut pas se gérer de Paris. Si j'ai bien compris le responsable régional aura une certaine autonomie pour organiser les soins dans sa région. (Interpellation de la salle mais inaudible) Dans ce cas peut-être que j'ai fait erreur, je l'avais assimilé à un préfet de santé, donc quelqu'un qui en fait appliquerait les directives mais aurait une vision du terrain beaucoup plus proche et donc serait plus à même que quelqu'un qui est dans un bureau au ministère pour organiser les soins sur le territoire. On parlait aussi de la société, j'ai l'impression que l'hôpital souffre un petit peu du rapport que nous avons aujourd'hui avec la mort. Aujourd'hui c'est quelque chose que l'on refuse, que l'on ne veut plus voir, on ne donne plus à l'hôpital une obligation de moyen mais une obligation de résultat, l'erreur médicale est inacceptable. Je pense que les gens qui opèrent, qui d'une manière générale travaillent à l'hôpital, sont des gens comme d'autres, l'erreur est difficile, évidemment, mais ce ne sont pas des surhommes, ils ont aussi droit à l'erreur. Aujourd'hui ce sont des choses qui induisent des coûts importants en termes d'assurance par exemple. Notre société par ce comportement augmente aussi ce coût de l'hôpital.
Animateur - Notre manière effectivement de voir la mort, d'accepter ou de refuser la mort, même la maladie ne remet pas en cause l'hôpital alors qu'on pourrait l'accueillir en famille. L'hospitalisation à domicile c'est peut-être aussi une dimension de l'évolution de l'hôpital.
23 - On a parlé beaucoup de l'hôpital, de tout ce qui est autour de l'hôpital mais ce qu'il y a à l'intérieur de l'hôpital. Moi je voudrais poser une question parce qu'on nous a dit que le directeur allait être l'homme puissant, omnipotent et très contrôlé d'ailleurs avec une épée de Damoclès au-dessus de lui, mais comment ça fonctionnait avant, qui commandait à l'hôpital, est-ce que c'était les chefs de service, est-ce que c'était le directeur. Alors si c'était les chefs de service peut-être qu'ils avaient une vision de consommation d'énormément de soins et peut-être qu'ils posaient un certains nombre de problèmes. J'ai connu une époque très lointaine où j'étais dans une petite ville du sud algérien, il y avait un petit hôpital, je me rappelle il y avait toujours une dispute, une bagarre entre le chef de service et le directeur. Alors je pose une deuxième question, le personnel dans toute cette affaire, dans un hôpital, quel rôle il joue, est-ce qu'il pèse sur les décisions, il y a le comité technique paritaire, il y a des commissions consultatives etc. Mais comment ça se passe, qu'on nous explique parce que pour faire des réformes il faut une sorte de démocratie interne, il faut que les gens participent, on ne peut pas leur imposer comme ça, mais il faut qu'eux-mêmes prennent un certains nombre de responsabilités pour faire améliorer le système. Toute organisation est complexe et l'hôpital en particulier est plus complexe que d'autre. J'ai connu une administration où l'on a fait de la réorganisation et finalement on s'est rendu compte qu'à des postes, il y avait des gens qui n'avaient pas une grande utilité et dans d'autres il n'y en avait pas, il y avait un déséquilibre total. On a supprimé certains postes pour les mettre dans des endroits où ils étaient plus utiles. Alors est-ce que le personnel participe à cette rénovation de l'hôpital, voilà le fond de ma question.
Animateur - Vous avez raison de dire que la société dans laquelle on vit est de plus en plus complexe et qu'elle nécessite peut-être, sinon plus, le débat et de faire en sorte que le maximum de personnes participe à l'élaboration d'une solution.
24 - Oui bonsoir, j'ai vu un regard se diriger vers moi avec un sourire me disant "tu vas prendre la parole". Oui je vais prendre la parole. D'abord, première chose, je suis aide-soignant, je suis aussi représentant du personnel, Sud santé, donc j'ai entendu une question, que demande le personnel, le personnel demande des moyens tout simplement pour effectuer sa fonction, sa mission qui est une mission de service public auprès du patient, voilà. Ensuite j'ai entendu parler de tarification à l'activité, il faut dire aussi qu'aujourd'hui l'hôpital doit faire des bénéfices, et c'est vrai qu'un hôpital doit être rentable et le personnel est devenu une variable d'ajustement. Ca veut dire qu'on n'hésitera pas à supprimer du personnel qu'il soit infirmier, qu'il soit aide-soignant, qu'il soit SH, tout simplement parce que l'hôpital doit faire du bénéfice, mais simplement ce personnel c'est lui qui soigne les patients. Ensuite moi je me pose une question, c'est qu'avec la loi : patient, santé, territoire, la loi Bachelot, est-ce que maintenant il n'y aura pas deux sortes de citoyens face à la maladie, ceux qui auront accès aux soins et ceux qui auront accès à la maladie ?
Animateur - Votre dernière phrase pose encore la question de l'accessibilité aux soins, qui fait partie d'ailleurs du projet de loi. C'est la partie "accès à tous aux soins". Donc c'est vraiment une chose importante. Alors, je retiens une chose, pour vous le personnel demande avant tout des moyens pour remplir son service.
25 - Il me semble que pour tout ce qui est de la direction hospitalière, il faut peut-être aussi cesser ces luttes entre directeur et médecins, c'est-à-dire qu'il faut aussi être dans le partage. Le directeur est un administratif, il doit gérer l'hôpital de façon administrative et pour ça c'est un bon gestionnaire habituellement et le médecin est un professionnel de santé et c'est lui qui doit gérer tout ce qui concerne la santé. Je pense qu'il peut y avoir quand même un échange et des choses très intéressantes par rapport à ça. Je voudrais aussi parler de ce qu'on l'accréditation, cette démarche de qualité. En fait sous couvert de qualité, au niveau des services, on multiplie les supports et on assouplit les risques, les risques pour les patients et les risques pour les soignants. C'est une erreur. Je pense que ce n'est pas quelque chose de confortable ni pour les patients, ni pour les soignants.
Animateur - Je reviens sur un terme que vous avez employé, vous parlez de gestion et en même temps quand on parle de directeur ce qui me vient à l'esprit c'est le terme direction. La gestion et la direction c'est quand même assez différent si bien qu'on peut s'interroger sur quelle direction prendre. Qui doit décider de la direction à prendre en terme de nouvelle organisation ? C'est peut-être cette dimension politique finalement qui manque aujourd'hui ?
26 - Je voudrais apporter un regard que j'ai dans une expérience que je fais chaque semaine, je vais voir des malades chaque semaine. Il y a quelque chose qui me gène, je ne fais pas de procès parce que dieu sait que depuis quelques années je suis à même de voir que les personnels de quelque niveau qu'il soit font vraiment le maximum de ce qu'ils peuvent faire, mais effectivement je me rends compte que la population qui est dans les hôpitaux, alors est-ce que c'est moi qui voit d'une façon particulière, je ne sais pas. Le malade demande à l'hôpital non seulement de le soigner physiquement mais demande aussi de le soigner dans son coté humain. Moi ce dont je me rends compte c'est que les malades se rendent compte, mais ils le reconnaissent, c'est vrai, ils le voient, que les personnels n'ont plus le temps de parler avec eux, le coté humain part de l'hôpital, c'est ça qui me gène quelque part. Si le coté humain part, s'il y a une déshumanisation de l'hôpital, il me semble que soigner un malade ce n'est pas toujours que le physique qui importe, la maladie dépend aussi beaucoup de son moral. Je parle de ce que je vois, ce que je constate et c'est en aucun cas une condamnation ni des personnels, ni des médecins qui font ce qu'ils peuvent, mais moi je constate ça régulièrement. De même que, ça va être tout bête ce que je vais dire, on voit des choses qu'on ne voyait pas avant parce que faute de temps, je vais peut-être choquer des gens, mais faute de temps on le voit dans certains services, mettre des couches à des personnes alors qu'elles n'ont en pas besoin et qui le disent. Moi qui écoute, qui prend le temps d'écouter leur souci, et bien ça c'est quelque chose qu'ils acceptent très mal. La nourriture, ça peut paraître bête, mais un malade qui se nourrit mal, le ressent profondément. Il y a des moments ou je ressens pour eux que le coté humain est plus important que le fait d'être soigné, je trouve ça terrible. Ce qui m'inquiète dans ce que monsieur a dit sur la loi, quel contrepoids y aura-t-il face à l'État pour prendre des décisions ? C'est ma question.
Animateur - Vous parlez des multiples dimensions de la santé et c'est peut-être aussi quelque chose sur laquelle il faut se pencher. Est-ce que notre société est assez équilibrée aujourd'hui du point de vue de la santé ? Est-ce qu'elle englobe toutes les dimensions de la santé ? Vous parliez aussi de la gastronomie... Moi, quand je vais au restaurant c'est toujours gastronomique. Je vais prendre les dernières interventions.
27 - Le guide Michelin de la gastronomie hospitalière n'est pas encore d'actualité, j'en conviens volontiers. Je voulais réagir à un point qui me semble extrêmement important qui est la complémentarité entre les directeurs et les médecins. Effectivement on a pu gausser pendant de longues années sur les luttes, la distinction, la distance entre les administratifs et les médecins. Ca n'est plus vrai aujourd'hui, ça l'est de moins en moins et ça ne pourra plus l'être de toute façon demain. D'une part, je voudrais combattre un préjugé tenace, les directeurs de l'hôpital public sont peut-être les rares hospitaliers à avoir une formation de santé publique. Ils sont formés dans une école à Rennes. 27 mois de formation. C'est l'École des hautes études en santé publique (EHESP). Ce ne sont pas des administratifs. Ils sont à la fois gestionnaire et normalement soucieux aussi de l'intérêt du patient. Cela ne transparait peut-être pas toujours dans tous les sujets, selon leur personnalité. Mais il n'empêche que leur formation est vraiment axée sur la santé publique et bénéficie d'un très long stage hospitalier de 14 mois, de découverte de l'ensemble des services. Je me souviens avoir assisté à une intervention chirurgicale, avoir accompagné les médecins dans leurs visites, et à découvrir avec l'appui des aides-soignants et des médecins tout cet univers hospitalier extrêmement complexe. Avec les médecins, ce que l'on appelle aujourd'hui la nouvelle gouvernance, la nouvelle façon de diriger les structures hospitalières, et malgré la tentation effectivement de l'étatisation, on sait aujourd'hui qu'il est incontournable pour un directeur d'hôpital, qui sera affiché comme le patron de l'hôpital, il est rigoureusement incontournable de ne pas engager des réflexions et prendre des décisions sans l'aval du corps médical. Imaginer le contraire est une utopie, une ineptie même, qui ne tiendrait pas cinq minutes. Donc aujourd'hui, depuis quelques années, ont été mises en place des structures de concertation entre l'équipe de direction et les représentants des médecins. Sur tous les sujets, à la fois sur la stratégie médicale, les organisations de soins, les objectifs économiques, pour qu'il y ait de véritables échanges, un partage et des décisions. Aujourd'hui, il y a vraiment un duo entre le directeur et le président de la commission médicale, au CHU entre le directeur, le doyen, et le président de la commission médicale, donc un trio, qui sont dans le quotidien de la stratégie et des grandes orientations. C'est vraiment une réalité que l'on vit de façon croissante tout au long de ces dernières années. Et ça, c'est une très bonne orientation. Et la sensibilisation et des administratifs à la vie soignante et médicale et des médecins à la problématique de gestion, est une réalité de plus en plus vraie aujourd'hui. Un dernier point concernant l'engagement d'un certain nombre de bénévoles. Cela me paraît être aussi une des réponses possibles à la recherche de mieux, de ré-humaniser nos structures hospitalières. Ce n'est pas se défausser sur les autres que les professionnels de santé, c'est simplement répondre à la problématique qui est la notre aujourd'hui qui est une réponse donnée depuis longtemps par les anglo-saxons qui ont un engagement beaucoup plus fort sur ce point que les latins dans un certain nombre d'institutions et notamment les institutions hospitalières, avec des fondations, avec des organisations bénévoles extrêmement structurées, extrêmement fortes. Et ça, il y a un intérêt je crois pour les structures de santé à s'entourer de manière beaucoup plus organisée, beaucoup plus professionnelle, avec des organisations de bénévoles et des associations... Voilà en tout cas un des points importants que je rencontre au Centre François Baclesse et que l'on souhaiterais accroître si possible.
Animateur - Merci. Je vais prendre la dernière intervention pour ce débat. Et puis je vais peut-être souligner qu'effectivement les problèmes étant de plus en plus complexes, peut-être qu'il y a encore plus besoin aujourd'hui de complémentarité entre les différents acteurs. Maintenant, il n'y a plus de personne qui peut avoir la solution. La complémentarité des compétences est très importante, la concertation...
28 - Je voudrais d'abord remercier tout le personnel de l'hôpital. J'ai fais un séjour à l'hôpital. Le personnel de l'hôpital, aussi bien les infirmières, que le reste, fait un travail extraordinaire. Qu'ils sont de bonne volonté. Vis à vis des malades et des patients. Ce qui n'est pas toujours évident. Ce que je voulais dire aussi au niveau du personnel et des coût, c'est que dès que l'on parle de coût, de financement, dans les hôpitaux ou n'importe quel autre secteur, aussitôt on va vers une restriction du personnel. Et donc, moi cela me choque que dans les hôpitaux on nous dise : "attention ! vous ne voulez pas augmentez les impôts, vous ne voulez pas faire ceci, pas faire cela, et donc par conséquent l'hôpital il faut qu'il gère avec ses moyens." Moi je dis halte ! Et je pense qu'il faut savoir où va notre argent au niveau des impôts. Mais si c'est pour effectivement aider les hôpitaux, eh bien il faut savoir que savoir que cela a une grande importance parce que notre santé, quel que soit l'individu, on lui doit la santé. Ça, c'est primordial. Ce que je voulais dire aussi, c'est peut-être choquant, c'est pourquoi y-a-t-il moins d'infirmière, moins de personnel de santé ? Il faut peut-être voir qu'effectivement quand, il y a plusieurs années de cela, on a mis en place dans les facultés de médecine et les écoles le numerus clausus, je crois que cela a été une grande erreur. On devrait revoir concernant les concours, concernant l'éducation, ce problème. Il serait peut-être temps que l'on permette à chacun de pouvoir effectuer la profession qu'il veut.
Animateur - On va terminer sur cette dimension éducative qui est toujours importante lorsque l'on parle de citoyenneté. On a très peu parlé de la formation, de l'avenir des professions. On termine sur cette touche éducative. On va clore le débat. Merci d'y avoir participé. Je vous propose de participer maintenant à une autre pratique que nous avons mis en place au Café Citoyen. Le prochain Café Citoyen aura lieu samedi 28 mars. La problématique est déjà chois puisqu'elle a été choisi il y a une semaine : Le suffrage universel est-il démocratique ? Pour déterminer ce sujet, nous avons laissé la parole à l'assemblée. Chacun peut proposer un thème, une problématique en fait. On préfère que ce soit une question qui soit posée. Et on a voté ensemble pour dégager cette problématique. Je vous propose de faire aujourd'hui la même chose. Sauf que le thème qui remportera le plus de voix sera proposé samedi en huit. Avez-vous des problématiques à proposer que nous pourrions proposer à la fin de notre prochain Café Citoyen ?
Choix du sujet :
1 - Quels dangers représentent les sectes ? 14 voix
2 - Pourquoi fait-on des enfants ? 10 voix
3 - Qui va élever les enfants ? 4 voix
4 - Que reste-t-il des mots "Liberté Égalité Fraternité" ? 12 voix
5 - Se dirige-t-on vers un monde de plus en plus sécuritaire ? 13 voix
Le thème qui sera proposé en fin de séance du Café Citoyen du samedi 28 mars est : Quels dangers représentent les sectes ?
Interventions
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