Compte-rendu synthétique par Élisabeth Rodot — Café Citoyen de Argentan (10/02/2004)
Animateur du débat : Élisabeth Rodot
» Démocratie et Citoyenneté
Démocratie participative, démocratie représentative...
Tout le monde constate que les citoyens s'investissent de moins en moins dans la vie de la nation. Même au niveau d'une simple association, peu nombreux sont ceux qui acceptent de prendre des responsabilités. L'abstentionnisme grandissant aux élections est aussi un signe du malaise de notre société, qui souffre de cette démission généralisée. Est-ce la forme qu'emprunte notre démocratie (représentative) qui est la cause de ce phénomène ? Quelle autre forme (directe, participative… ?) pourrait-on imaginer pour que les citoyens se sentent davantage concernés ?
Certes la démocratie représentative, par définition, ne laisse pas beaucoup de place au citoyen de base : celui-ci se contente de choisir un représentant chargé d'appliquer le programme pour lequel il a été mandaté. Les élus, de leur côté, ne rendent pas compte, une fois en poste, de l'application ou non dudit programme. La seule sanction éventuelle est celle du vote suivant. Dans ce système, les élus apparaissent comme des gestionnaires investis de la mission de penser pour les autres et peu soucieux de consulter l'avis de la « base », tout en soignant son image via les médias, afin d'être réélu… D'où manipulation, et manque de transparence. Les institutions démocratiques elles-mêmes semblent en panne : l'Assemblée nationale n'est plus force de proposition, le débat politique semble grippé et éloigné des préoccupations du citoyen, débat dominé entièrement par les médias, interface entre les hommes politiques et l'opinion. Médias malheureusement confisqués par quelques grands partis qui se disputent l'audience, laissant peu de place aux petits partis, de sorte que les questions qui agitent le débat public ne reflètent pas, loin sen faut, les interrogations de tous les citoyens…
Il faudrait donc inventer autre chose, mais quoi ? Comment instaurer des espaces de débats qui ne soient pas des mascarades, comme le « grand débat sur l'école », où tout est ficelé d'avance ? L'idée de participation est inhérente à l'idée même de démocratie. L'expression « démocratie participative » est donc un pléonasme. En démocratie, le peuple est souverain, c'est donc bien le moins qu'il participe ! Reste à savoir comment mettre en œuvre cette participation.
La démocratie directe, brièvement évoquée, nous paraît idéale mais très difficile à mettre en œuvre, voire impossible. Par contre on pourrait organiser de grands débats à l'issue desquels les citoyens prendraient des décisions. Mais la multiplicité des opinions émises ne risque-t-elle pas de nuire à l'efficience de la décision ? La dérive serait alors de se complaire dans le débat, sans jamais agir. Autre problème : tout le monde peut-il décider de tout ? Les citoyens, longtemps privés de la possibilité de décider, ne manquent-ils pas cruellement, pour la plupart, des données des problèmes ? Si toutes les questions peuvent être abordées, même avec un bon sens candide, pour peu qu'on nous en explique les termes, il faut néanmoins consacrer un minimum de temps pour que chacun se forme, afin de pouvoir donner son avis en connaissance de cause… En outre, comment dégager l'intérêt général, au-delà des intérêts particuliers et malgré la pression des lobbies de toutes sortes ? Et si, de la volonté générale, émane une idée contraire à l'esprit des Lumières (comme par exemple rétablir la peine de mort en France) : doit-on prendre ce risque ? Il nous est difficile d'admettre que le but premier de la démocratie n'est pas de faire le bien, mais d'exprimer la volonté du plus grand nombre, tant ce système politique est pour nous lié aux valeurs humanistes. Pourtant, n'est-ce pas une dérive possible ?
Nous constatons donc qu'instaurer un autre fonctionnement démocratique ne va pas de soi, et soulève bien des difficultés. Nous proposons cependant quelques solutions envisageables :
1 - définir des espaces et des niveaux de décisions (le quartier…) permettant une participation directe,
2 - promouvoir une éducation permanente des citoyens pour que chacun prenne conscience de sa dimension de citoyen, du devoir qui lui incombe de se former pour mieux comprendre le monde qui l'entoure,
3 - multiplier les espaces de débats comme les cafés citoyens,
4 - repenser l'état jacobin, afin d'élargir le domaine de compétences du niveau local (ville, région),
5 - promouvoir un retour de la pensée, cultiver l'utopie, retrouver ensemble le goût du projet…
C'est une Nouvelle Arcadie, vaste continent, qu'il nous reste à découvrir !
Thèmes proposés pour les prochains débats :
- Croissance et/ou développement durable.
- Effet de serre et nucléaire.
- L'indépendance de la Justice en France.
- La santé publique est-elle malade ?
- Abstention, vote blanc… est-ce nul ? Thème retenu pour le 9 mars 2004
- La religion est-elle une affaire privée ? Thème retenu pour le 24 février 2004
Interventions
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