Compte-rendu synthétique par Marc Houssaye — Café Citoyen de Caen (24/01/2004)
Animateur du débat : Marc Houssaye
» Religion et Spiritualité
Religion(s) et laïcité
Sur un plan politique, le problème se pose à partir du moment où des réfugiés arrivent avec leur religion. Ils s'abritent en France, terre d'asile. Mais pouvons-nous tolérer leur prosélytisme ? Il est à ce sujet bon de rappeler la loi de 1905, dite de « séparation de l'Église et de l'État ». Cette loi, loin d'interdire, accorde une liberté, celle de conscience et de la possibilité d'adhérer à une religion, même minoritaire. Aboutissement de combats qui eurent lieu au XIXème siècle, et de la volonté de dépasser les combats meurtriers qui depuis la Réforme ont ensanglanté la France, elle opère une distinction entre espaces publics et espaces privés.
Il n'est pas question de minimiser l'empreinte historique qu'eût l'Église catholique dans notre pays, ni l'importance de la religion dans l'équilibre personnel, mais de limiter l'intrusion de l'Église dans la vie sociale et politique. Pour reprendre le mot de Clémenceau : « le cléricalisme, voilà l'ennemi ». Dans cette optique, le cléricalisme cherche à imposer à tous une vérité présentée comme telle, alors que la laïcité offre la tolérance et l'universel, c'est-à-dire le lieu commun qui permet à toutes les religions de communiquer. Un individu souligne d'ailleurs que la laïcité n'est pas la neutralité, car toutes les idées ne se valent pas.
En effet, tout dépend de l'usage que l'on fait d'une religion, modéré ou radicaliste. Dans ces conditions, la laïcité est la digne fille de l'esprit de « Tolérance » voulu par les philosophes des Lumières.
Un intervenant de confession musulmane rappelle que le concept de laïcité a émergé en Europe, dans un contexte de conflit entre foi et raison, ce qui n'est pas le cas pour l'Islam. Il conviendrait donc de laisser les musulmans réfléchir à leur propre rapport à la modernité.
Un autre intervenant souhaite répondre à cet argument que le droit à la différence n'est pas la différence des droits, que la France a sa nécessité propre de cohésion sociale, et ne peut pas attendre que chaque communauté décide de mener cette réflexion. A ce titre, il est souligné que le coran prévoit qu'un musulman doit être un bon citoyen, qu'il y a des différences majeures entre la religion musulmane et les pays qui se disent musulmans, et qu'en effet, les discussions doivent être pratiquées ensemble et non par des dialogues contradictoires.
La charte européenne des droits de l'homme précise que toute personne a le droit d'exprimer sa religion, personnellement ou collectivement. Si des groupes contraignaient certaines jeunes filles à porter le voile, il faudrait les combattre. Mais que dire lorsque leur émancipation, souhaitée par tous, est de leur propre volonté d'affirmer leur appartenance religieuse en portant le voile ? Doit-on obligatoirement les soupçonner d'être ou intégristes ou manipulées ?
Un enseignant souligne la situation très particulière de la France, du fait de l'importance des communautés juive et musulmane. En Espagne, l'inverse est pratiqué, où la religion est présente par défaut, et il faut obtenir des dérogations pour les athées qui souhaitent ne pas assister aux enseignements religieux. Lui ne souhaite pas, à chaque fois qu'il interroge un élève, se poser la question de savoir si celui-ci est juif, musulman, catholique… D'ailleurs, il insiste sur le fait que concrètement, le dialogue résout la majorité des conflits. Ceci confirme d'ailleurs les propos de Fouad Alaoui, selon lequel 80% des musulmans n'ont pas de problème avec cette question.
Le débat s'axe donc sur l'aspect pratique, sur cette fameuse nécessité de « maintenir l'ordre public » afin de pouvoir vivre ensemble. Le port du voile ne doit donc pas être vécu comme une agression. La question porte d'ailleurs sur les écoles publiques. Ailleurs, le port du voile n'est pas remis en cause. Il est à ce sujet fait mention du souci constant de discrétion des membres de la communauté juive dans l'espace public. Mais peut-on faire des élèves des individus aseptisés ? Les looks sont nombreux : anars, gothiques, skin,… la religion n'est pas seule en cause lorsqu'on parle de communautarisme. Et que dire de la présence des aumôniers dans les lycées ? Quelqu'un souligne que pour un croyant, Dieu (quel que soit son nom) est toujours présent, qu'il est difficile dans ces conditions d'échapper à ses lois en entrant dans l'école.
Finalement, c'est la question de notre conception de la tolérance dont il est question. Est-ce l'effacement des signes (voire le retour à la blouse « laïque ») ou l'apprentissage de l'universalité par la coexistence de ces signes d'appartenance ?
Choix des thèmes pour le café du 14 février 2004 :
Nombre de voix et thèmes
6 - L'Esperanto, langue de l'Europe ?
25 - Comment concevez-vous la tolérance ?
26 - Qu'est-ce que la liberté d'un enfant ?
17 - Espace privé/Espace public quelle limite ?
13 - Problèmes éthiques liés à la virtualisation du monde
14 - Y-a-t-il une égalité en France par rapport aux retraites ?
23 - Le rôle de la famille dans l'éducation.
Interventions
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