Compte-rendu analytique par François Toutain — Café Citoyen de Caen (04/04/1998)
Animateur du débat : François Toutain
» Éducation
Quelle éducation pour demain ?
1 - Je vois, depuis plus de vingt ans, ce qui se passe dans l'Éducation Nationale, et je constate que les changements sont très lents, alors qu'ils sont très rapides dans la société. On déplore l'inadaptation de l'école au monde du travail, l'utilisation de méthodes d'enseignement périmées. Dans un monde en réelle mutation, il serait urgent de repenser une éducation sous une autre forme, qui soit à la fois plus souple et mieux adaptée au monde que nos enfants vont connaître. Outre ce problème administratif, il y a également le fait que les femmes occupent une place de plus en plus importante dans l'éducation. Ce n'est pas la première fois qu'on le dit ici, on vit dans un monde où on se demande où sont passés les hommes. Il y a beaucoup de questionnements par rapport à la place des hommes dans la société, et, dans l'éducation, il se passe qu'il y a une grande majorité de femmes, peu d'hommes. Ainsi, dans un lycée de Caen, il y a 90% de femmes. Il y a une classe particulièrement difficile et on a délégué à cette classe les trois hommes de l'établissement. Depuis, cela se passe à peu près bien. Le problème est que la majorité de femmes a une influence sur le fait que l'Éducation a une tendance matricielle, maternante et que ce n'est pas forcément bon pour les générations qui viennent.
2 - Vous avez dit que la société allait plus vite que l'éducation et je pense que, vis-à-vis de cela, il y a un problème de fond qui est « à quoi sert l'éducation ? » C'est vrai que, dans la logique actuelle d'une éducation qui forme à professionnaliser, comme l'éducation d'un enfant s'étend sur un peu plus d'une dizaine d'années, on a un problème qui est de savoir quels vont être dans dix ans les besoins en terme de travail. On oriente les filières, on oriente l'éducation d'un enfant en fonction de cette projection de besoins de la société à dix ans. C'est là qu'est le problème de l'adaptation de l'éducation à la société : nous ne sommes pas à même, en raison de l'accélération des phénomènes sociaux, de prévoir quels vont être les métiers utiles dans dix ans. Ou bien il s'agit d'un problème d'adaptation de la vitesse de l'Éducation à la société, ou bien il faut trouver une façon de voir l'éducation qui serait plus calme, plus tranquille, plus indépendante justement des variations de la société. Une forme d'éducation qui soit moins adaptée aux besoins de la société, donc plus objective, pourrait-on dire. Ou bien on essaie de l'adapter, donc de donner une réponse rapide pour que l'éducation, en effet, s'adapte aussi vite que la société, ou bien, au contraire, on essaie de la rendre atemporelle, de lui donner une consistance qui soit indépendante des mouvements de la société. Il y a donc deux grands choix pour l'éducation de demain : soit l'éducation va aussi vite que la société, soit elle est tant "extérieure et sage", que, quelles que soient les évolutions de la société, elle conserve son rôle.
3 - Pour aller dans le même sens de ce qui a été dit, nous sommes en mutation et nous ne savons pas vers quoi nous allons. Donc, l'orientation pose problème. Ne faut-il pas une culture plus générale, moins de spécialisation, surtout dans des métiers industriels, techniques et plus de culture générale qui permettra de faire face. Je suis effaré de voir qu'à douze ans, les enfants ne savent plus calculer la surface d'un carré alors que les sciences humaines ont fait des progrès stupéfiants. Il y a un mystère, et je vais jusqu'à dire qu'il y a une volonté derrière cela.
4 - Il est évident, quand on gère un état, et lorsqu'on a à penser des travaux pour demain, qu'il n'est pas nécessaire que tout le monde sache calculer les surfaces de carrés, si on veut qu'il y ait toujours des coiffeurs...
5 - Il y a quelque chose qui m'étonne un peu, c'est que pour l'instant on parle de l'école, de l'éducation comme quelque chose qui doit apporter en gros un savoir-faire, un métier. L'école, ce n'est pas seulement cela, c'est aussi former des citoyens, c'est tout un tas de choses qui ne serviront pas forcément de manière pratique plus tard. Par exemple, parmi les gens qui font de la philosophie, il y en a très peu qui vont s'en servir. Et pourtant, je crois que c'est quand même fondamental. C'est là, évidemment, que ça devient problématique. Former des gens pour un métier très tôt ne pose aucun problème. Mais comment garder d'un autre côté toute la formation citoyenne, toute la formation individuelle de l'homme, philosophique etc... ? C'est ici qu'il y a deux choses différentes qui sont difficiles à concilier.
6 - Je crois qu'il faut dissocier la culture générale et la formation professionnelle, qui sont deux choses bien différentes. Il faut évidemment que les gens aient une culture générale de base pour s'adapter à l'évolution de la société. Mais il faut aussi des formations professionnelles qui évoluent, elles, très très vite. Par contre, la formation générale peut rester assez statique. Il y a des enseignements qui perdurent, on est attaché à certaines valeurs qui n'évoluent pas au sein de la société.
7 - il y a une distinction qu'on a faite relativement récemment dans la façon d'enseigner. Enseigner, c'est transmettre le savoir, le savoir-faire, et, au delà de cela, quelque fois le savoir-être. C'est un peu simple de dire : "dans un monde où on ne sait pas quels seront les métiers de demain, il faut privilégier le savoir-être, il faut privilégier tout ce qui a à voir avec apprendre à apprendre". À ce moment-là, que devient le rôle de transmetteur des enseignants ? Cette question me préoccupe, car je me rend compte qu'il y a un discours qui est « il faut que l'individu s'épanouisse, qu'il ait un métier en rapport avec ses aptitudes, ses compétences et qu'il ait du plaisir à le faire, etc ». Quand il se trouve sur le marché du travail, il y a de la place à tel endroit, alors, il va là. Je me demande donc à quoi tout cela sert.
8 - On parle de "crise de l'éducation". Je n'ai pas personnellement cette impression. J'aurai tendance à penser, qu'en regardant par rapport aux autres pays européens par exemple, en France, on apprend plutôt plus que les autres. Par contre, ce qui et en crise, c'est notre réactivité par rapport au monde du travail. C'est un peu autre chose. Veut-on réellement une éducation qui soit ultra-réactive, ou doit-on se dire que le Français en sait plus long que l'Américain, qu'il a une certaine culture, qu'on est en train de perdre. Cette volonté d'adaptation ultra-rapide au monde qui nous entoure, qui lui-même va de toute façon beaucoup trop vite pour les simples citoyens que nous sommes, ne doit-elle pas disparaître au profit d'une nouvelle vision de l'éducation ?
9 - Quelle place en durée l'école de demain doit-elle avoir ? L'école pour les enfants, c'est leur vie. Ils passent toutes leurs journées là-bas. Il n'y aurait pas de vacances s'il n'y avait pas d'école. Ne doit-on pas leur laisser une part plus grande pour s'épanouir ?
10 - Quelle est la finalité de l'éducation ?
11 - Je pense que la finalité de l'éducation est d'apprendre à l'élève où il vit, ce qu'il a autour de lui, et puis lui apprendre ce qu'il aime, et ce qu'il aimera faire. On disait tout à l'heure que l'école devait faire en sorte que les élèves trouvent ce qu'ils aiment faire ; je n'ai pas l'impression qu'on ait essayé de me faire comprendre ce que j'aimais. À mon avis, cela manque. Il faut trouver un système qui permette de faire comprendre à l'enfant ce qu'il aimera vraiment faire, ce pour quoi il est fait.
12 - L'éducation doit être une ouverture à tout ce qui existe. Il ne s'agit pas d'apprendre à l'enfant ce qu'il aime. Il faut tout d'abord lui montrer tout ce qu'il y a pour qu'il puisse choisir ce qu'il peut aimer. Mais l'éducation doit également apprendre à l'enfant à devenir citoyen, avec ses droits et ses devoirs.
13 - Il ne faut pas confondre école et éducation. Nous sommes en effet bon dans ce qu'on aime. Cependant, il y a plein de gens qui ont des loisirs et qui acquièrent des compétences sans passer par une institution éducative. Les parents peuvent apprendre et monter plein de choses. L'éducation, c'est tout cet ensemble. L'enfant n'est pas seulement éduqué de 8 heures à 16 heures, il l'est également le soir, le dimanche quand il va faire du foot avec les copains... Tout cela a une influence sur ce que va devenir le futur adulte.
14 - La finalité de l'éducation est de tenter de former le citoyen à faire face à une situation future inconnue. Préparer l'élève à affronter son avenir.
15 - Je suis tout à fait d'accord. Un des rôles de l'éducation est de préparer aux règles de vie de la société future. Les notes en classe permettent ainsi d'anticiper sur les salaires. Actuellement, il est vrai que l'éducation est faite pour véhiculer un modèle qu'elle reproduit à un niveau moindre et pas assez pour véhiculer les idées de demain. Si on incorporait au fonctionnement actuel d'autres fonctionnements, d'autres états d'esprit - peut être moins l'état d'esprit de concurrence entre les jeunes et plus de solidarité quand on fait des travaux - il est possible que cet état d'esprit se retrouve au stade adulte. Le système éducatif a un rôle important à jouer dans la préparation des comportements des individus de demain. C'est en répétition ce qu'on fera plus tard quand on est des éléments actifs de la société. Actuellement, c'est vrai qu'on a plutôt tendance à avoir une société figée, donc a essayé d'avoir une éducation qui prépare à cette société figée. Or, une mutation s'amorce et il faudrait anticiper des qualités nécessaires aux jeunes face à cette mutation.
16 - Je pense que le problème de former le citoyen de demain pour un lendemain qu'on ne connaît pas a toujours été là. Simplement, il est amplifié en ce moment parce qu'on est dans une période où il y a beaucoup de choses qui changent, et qui changent très vite. Mais personne n'a pu prédire le futur. Le problème est qu'avant d'être dans le futur, on vit. Or, former les gens à la société dans laquelle on est, ce n'est déjà pas rien !!
17 - L'éducation actuelle est plutôt un frein aux avancées de la société. Elle forme des gens dans un système existant déjà. Or, c'est un système qui va devoir bouger. Donc, si on met les jeunes dans les mêmes schémas et qu'on leur apprend à vivre comme on apprenait jadis, ça va être un élément supplémentaire d'inertie dans la psychologie des gens et cela ne va certes pas aider à l'évolution de la société.
18 - Nous n'avons toujours pas résolu le problème de savoir si l'éducation est faite pour former un citoyen ou pour apprendre un métier. C'est probablement pour les deux. Ce n'est pas si simple de concilier les deux. Dans un cas, on va être dans un cadre qui n'évolue pas si vite que cela, de relativement traditionnel. Dans l'autre cas, c'est l'inverse, on s'adapte très vite. Le système des notations dans certaines classes prépare tout à fait à l'avenir. Les gens sont classés. Est-ce que c'est bien ? Honnêtement, je trouve cela très choquant. Cela instaure une relation épouvantable entre les gens.
19 - Dire cela, c'est encore penser par rapport à la société actuelle. Vous faites la distinction entre une éducation citoyenne et une éducation plus productive. Or, qu'est-ce qui dit que les deux sont totalement incompatibles ? Ce n'est guère que les critères actuels.
20 - Le problème des notes est un moyen, qui est mis en vigueur actuellement. La finalité, quand on a dit que c'était de former le jeune citoyen à affronter on avenir inconnu, a été traitée. Il nous faut définir les buts, les objectifs et les moyens pour obtenir les objectifs.
21 - On a bien vu qu'il y avait plein de défauts dans le système de notes. On a essayé de mettre d'autres systèmes en place. On s'est dit que ce qui était important était le progrès de l'individu par rapport à lui-même. Il part d'un certain endroit, il va faire un certain nombre de progrès et va progresser. Nous constatons que nous n'arrêtons pas de balancer entre des finalités qui sont, en partie, incompatibles, et c'est cela qui fait une grande partie de l'ambiguïté.
22 - Le système des notes est un moyen, mais cela montre bien vers quoi on tend. Cela renvoie à une certaine conception des choses et on prépare les gens à arriver sur le marché de l'emploi. On les prépare à être des rivaux tous autant qu'ils sont. Il y a peut être d'autres buts possibles que celui-ci. Dans le domaine de l'enseignement de la littérature, ce n'est pas la même chose d'apprendre à des élèves à faire un C.V. ou de lire un livre de Stendhal. Et c'est là que je pense qu'il y a un problème. Que veut-on ? Que cherche-t'on à faire avec des élèves ? Dans un cas, ce sera utile d'un point de vue professionnel, dans l'autre cas, la lecture de Stendhal risque d'être peu utile pour une profession.
23 - Le C.V. est utilisé pour faire face à une situation actuelle. Stendhal est utile pour se forger un esprit.
24 - Je ne suis pas forcément en accord avec l'intervention précédente (n°22). Certes, on va passer un premier cap en ayant établi un bon C.V. Cependant, lors de l'entretien, la personne qui aura lu Stendhal fera probablement la différence, car elle en aura retenu des choses. La culture aide a mieux s'exprimer ; à être plus à l'aise... C'est un travail de fond. On peut apprendre à faire un C.V. en une matinée. Il ne faut pas, à mon sens, dissocier les deux choses, qui sont utiles. Mais il faut bien distinguer en disant il y a cela pour s'éduquer et cela pour apprendre à vivre dans la société telle qu'elle est aujourd'hui. Ceci est un petit module qui pourrait évoluer, et, après tout, une personne de quarante ans peut très bien devoir reprendre des cours. C'est un outil qui sert à s'adapter, et là, la réaction doit être très vive : comment rédiger son C.V., comment faire une recherche d'emploi. Ce sont des choses qui peuvent être apprises en dehors du cadre éducatif, qui, lui, est là pour former la personne.
25 - J'ai la forte impression qu'on tend vers un enseignement plus utile, moins gratuit. Cela se voit au niveau du changement des épreuves du baccalauréat... On tend vers quelque chose qui va servir. Par exemple, l'argumentation est devenue primordiale ; on étudie les résumés. Voilà dans quel esprit on travaille, et on voit bien qu'on tend vers une autre finalité. Vous disiez tout à l'heure que ce n'était pas incompatible (intervention n°19). Vous avez raison. Mais vu les moyens et l'état des choses, les professeurs sont obligés de faire des choix. En somme, il y a deux camps :
- les personnes qui font de l'utile.
- Les personnes qui tentent de faire des choses qui sont peut-être moins utiles, ou, à tout le moins qui sont utiles à long terme individuellement. Or, les élèves dans les cours de récréation se demandent à quoi tout cela va bien pouvoir servir. À quoi cela va nous servir de lire Stendhal ?
26 - Je pense qu'il y a plusieurs niveaux de réflexion. Tout d'abord la finalité individuelle : nous avons appris un certain nombre de choses à l'école. Si maintenant, j'ai besoin, pour des raisons professionnelles, d'apprendre l'italien, je peux le faire. Cela reste à mon niveau. Cependant la réflexion est aussi au niveau des petits groupes, de l'Europe, et de la planète. Est-ce que, forcément, ça va être le même type d'objectifs qu'on va mettre en place pour une éducation de type individualiste, qui aurait ses racines dans ce qu'on appelait autrefois "l'honnête homme", et tout ce qui va être une éducation d'un citoyen, qui va éventuellement être amené à vivre ailleurs que là où il a ses racines.
27 - Les choses qui viennent d'être dites m'ont beaucoup plues. Nous revenons à cet état des lieux qu'il convient de faire, pour ensuite voir quelle tendance sont actuellement en recherche. À partir de cet état des lieux et de cette tendance, on pourrait commencer à élaborer un projet. S'agissant de cet état des lieux, je vais vous faire une proposition. Revenons en arrière. Depuis que l'homme vit en société jusqu'au XVIIème siècle (6000 ans), on peut dire qu'on a vécu l'ère agricole. Tous les biens et services que les populations avaient à ce moment-là étaient produits par l'agriculture. L'ère agricole était mue par la force animale. La religion y régentait tout, reléguée par les Rois via la population. Depuis Denis Papin, commence l'ère industrielle. Le machinisme a pris le dessus, et est devenu le facteur principal de création de richesse. Ici, la force animale fut sur-multipliée par la machine. On les a même appelés les chevaux vapeurs. La religion a perdu la prépondérance au profit des partis politiques et des syndicats qui servaient de relais vis-à-vis de la population. Aujourd'hui, nous serions dans l'ère scientifique, où c'est la matière grise qui est devenue le facteur principal de création de richesse. C'est la force intellectuelle qui gouverne. Or, que constatons-nous aujourd'hui ? Les partis politiques et syndicats ont perdu toute crédibilité. Il y a donc un flou.
28 - Je pense que la différence entre l'ère agricole et ce que nous vivons maintenant, c'est que tout a à voir avec la technologie. Cela crée un fossé entre les gens qui conçoivent les choses et les gens qui utilisent. Par exemple, tous les jours, nous utilisons un téléphone à touches, un micro-onde et on ne sait pas ce qu'il y a dedans. Il me semble qu'un des rôles fondamentaux de l'éducation moderne, c'est de faire en sorte qu'au moins un minimum de connaissances sur la façon dont on peut concevoir les choses puisse être intégré par un maximum de personnes. Sinon, on va avoir effectivement un monde à deux vitesses, où il y aura les gens qui conçoivent les choses en vertu de logiques pas toujours claires, et ceux qui les utilisent parce qu'ils n'ont pas le savoir, la connaissance nécessaire pour se rendre compte de ce qui se passe.
29 - je suis d'accord avec votre classification, mais ne saisis pas le lien qu'elle peut avoir avec l'éducation.
30 - Dans le domaine de la production, je suis d'accord avec votre classification. On a eu des agriculteurs, le travail primaire. On a d'ailleurs empilé les activités avec les secteurs primaire, secondaire et tertiaire. Le tertiaire est devenu l'acte prédominant de la production humaine. Cependant, dire que l'humanité est dans une telle ère, ce serait dire que l'humanité se résume à sa production. On pourrait très bien, par exemple, imaginer de classer l'histoire de l'Humanité en fonction des données sociales, en disant qu'il y a eu l'ère tribale, l'ère familiale, l'ère sociale et l'ère individualiste pour qualifier, non pas les rapports de l'homme avec la production, mais les rapports de l'homme à l'homme. Selon moi, la classification en ères agricole, industrielle et scientifique rassemble bien au niveau de la production et du travail humain. Mais si on prend un éclairage différent, cela se dissout parce qu'au niveau des rapports humains, il n'y a pas de liaisons. Le fait de vivre en famille, qui a tendance a disparaître, n'a rien à voir selon que l'on se trouve dans l'une de ces trois ères. La division en ères est valable pour toute la production humaine. Plus généralement, dire que la société est basée sur cela me gène, car cela voudrait dire que nous sommes uniquement des animaux producteurs. L'histoire a relevé des ères historiques, le Moyen-Âge, la Renaissance, qui correspondent à des courants philosophiques. Pour revenir à l'éducation, il peut être intéressant de voir son application en fonction du temps. Sous la Renaissance, on a eu la vague humaniste. On a donc tout de suite vu une nouvelle forme d'école. Avec les temps modernes, on a préparé la Révolution, et on a donc eu de nouvelles façons de voir les choses. Plus récemment, l'après-guerre aura permis aux femmes d'accéder à l'école. Nous pouvons donc dire que les grands mouvements historiques ont tendance à modifier le système éducatif.
32 - Il ressort de cette classification que la récente évolution ( l'ère scientifique) fut exponentielle ; l'homme, face à cette évolution trop rapide, a perdu le sens des réalités.
33 - L'éducation doit effectivement être considérée sous le rapport de l'homme au travail, sous le rapport de l'homme à l'homme, de l'homme à la société.
34 - La difficulté, c'est que cette conception que je ne conteste pas, on peut la voir aussi d'une façon davantage cyclique. C\'est-à-dire que si on crée ce monde à deux vitesses, où il y a des gens qui conçoivent et des gens qui consomment, on va en revenir pour certains à ce qui était l'équivalant de l'économie de cueillette qui a précédé l'agriculture. On vit dans un monde où toutes les choses sont offertes, et il n'y a qu'à se servir. Il me semble que là, l'éducation a un rôle très important a joué, non seulement par rapport à tout ce qui a été dit, mais regarder ce que c'est que la dimension de l'homme par rapport à lui-même, c\'est-à-dire dans toutes ses dimensions : la dimension physique et corporelle, la dimension affective et intellectuelle, et pourquoi pas la dimension spirituelle. L'éducation, que ce soit l'éducation laïque, gratuite et obligatoire, ou d'autre forme d'éducation, a sa place, son rôle a joué.
35 - Je pense qu'il y a des choses, malgré l'évolution très rapide, qui vont perdurer. Ainsi, l'esprit critique qu'il faut apprendre à chaque individu, le sens de l'autonomie pour s'adapter à l'évolution, etc...
36 - Que fait l'éducation correctement ? Que fait-elle mal ? Que devrait-elle faire ?
37 - Il suffit de regarder la tête d'Allègre pour voir où va l'éducation!!
38 - Juste un sentiment : j'ai l'impression que l'éducation fonctionne bien dans les petites classes. Ainsi, les classes maternelles. Quand on voit une telle classe sortir, on a l'impression que les élèves sont tous plein d'éveil, les yeux qui brillent, plein d'entrain... On a vraiment l'impression que cela se passe bien, que l'éveil est bien fait. J'ai aussi l'impression que plus on avance, plus cela se dégrade, car le système a tendance à dire « on fait comme ça, on met untel là et untel là », alors qu'il faudrait, au contraire, ouvrir des palettes toujours plus grandes pour s'adapter aux gens.
39 - L'école maternelle, il y eu un temps où elle était bien faite, je suis complètement d'accord avec cela. Ceci dit, ce qui s'est passé souvent, c'est que l'école maternelle ouvre à toute sorte de chose : aussi bien l'éveil artistique que scientifique, que corporel. Or, quand on arrive en cours préparatoire, il y a une rupture totale. À partir du primaire, il faut rentrer dans un cadre, dans un moule, et ça, au lieu que ce soit l'école maternelle ( fer de lance d'un certain type éducation) qui ait imposé son modèle au dessus, c'est le contraire qui s'est produit. Sous la pression des personnes chargées de l'apprentissage de la lecture, qui disaient « il faut que les enfants arrivent en ayant tel ou tel prérequis, on a eu tendance à de plus en plus intellectualiser l'école maternelle et à renoncer à un certain nombre de choses. Ceci est très grave, car nous sommes en train de former des générations de gens fonctionnant uniquement avec leur tête.
40 - Je suis assez d'accord avec vous. J'ai envie de dire que ce que fait bien l'école, c'est qu'elle met dans un moule. Il faut bien voir cela du côté positif, car ce qu'elle fait mal, c'est qu'elle met aussi dans un moule. Tout le côté positif, c'est tout de même une égalité de l'éducation. Dans les petites classes, ce principe est respecté. Cependant, plus on grimpe, plus les professeurs ont des difficultés à rattraper les gens qui sont trop loin du système scolaire. Il y a un fossé qui se crée à partir de la 6ème. Cependant, l'aspect « moule » n'est pas totalement négatif. Il faut bien qu'on parle de la même chose, qu'on ait un certain nombre de bases communes. Évidemment, le côté négatif est gênant, dans la mesure où on nous apprend à penser tous de la même façon, à avoir les mêmes connaissances, et à ne surtout pas être autonomes à la rigueur.
41 - Il faudrait apprendre aux jeunes élèves à écouter. Personne n'écoute aujourd'hui.
42 - Je pense qu'une des choses que l'école fait bien, du moins qu'elle a fait bien à partir où on a institué l'école obligatoire, c'est que pour beaucoup d'enfants, il y eu la prise de conscience que tous les adultes n'étaient pas comme leurs parents, et qu'il y avait des gens qui venaient de milieux sociaux extrêmement différents. Ce brassage-là, qui n'existe d'ailleurs pas du tout dans les écoles privées, est primordial. Or, ceci aussi est en danger, notamment quand on voit toutes les dérives qu'il y a eues avec les histoires du foulard islamique. On se demande jusqu'à quels points l'école peut rester laïque.
43 - Je dirai qu'en cela, l'école rejoint la démocratie. On peut ainsi se demander jusqu'à quels points est-ce notre démocratie peut accepter certaines choses ? Ce sont les mêmes symptômes qui se répètent dans deux espaces différents. L'école est vraiment une micro-société qui est homothétique de la grande.
44 - Je pense qu'actuellement la fonction d'intégration de l'école est mal remplie.
45 - Si on reprend les trois axes : l'homme par rapport à lui-même, l'homme par rapport à la société et l'homme par rapport au travail, on voit clairement que ces trois missions sont remplies très différemment par l'éducation. Par exemple, j'ai l'impression qu'en France, nous nous en sortons très très bien au niveau de la culture générale. Un élève qui sort de troisième ou du Bac, a une bonne connaissance générale. S'agissant de l'homme par rapport à son insertion dans la société, c'est déjà beaucoup plus problématique. Quant à l'homme par rapport à lui-même, c'est encore pire. Il y a tout de même très peu d'élèves qui sont heureux d'aller en cours, d'apprendre certaines choses. Il n'y a plus de contentement, de plaisir vis-à-vis d'une effervescence intellectuelle.
46 - je ne suis pas trop d'accord avec ce que vous dites. De mon point de vue, au sortir de la troisième, j'avais une culture générale nulle. Tout ce que j'étais censé apprendre, je l'apprenais, mais l'oubliais tout de suite. De même, j'apprenais extrêmement mal, parce que je n'aimais pas ce que j'apprenais. On n'avait jamais essayé de me faire comprendre pourquoi c'était bien de l'apprendre.
47 - Je crois que l'école est le lieu révélateur des différences sociales entre les enfants. On voit actuellement vraiment le problème, parce que les enfants qui sont à l'école, ont des parents qui, eux-mêmes, sont très souvent différents socialement. J'ai l'impression qu'on est à l'époque de l'enfant des parents chômeurs. C'est la première génération qui ne va plus aspirer à un progrès vis-à-vis de ses parents. Il est donc logique que le lieu dans lequel ils se trouvent, soit le lieu de toutes les confrontations. Mais je ne suis pas sûr que ce soit dû à l'institution scolaire. Je pense que si on mettait ces enfants dans un café en les faisant parler, il se passerait exactement la même chose.
48 - On a, tout à l'heure, fait référence aux personnes qui se demandaient à quoi pouvait bien servir d'étudier Stendhal. On a également parlé d'une « culture générale nulle à la sortie de troisième » sic. Je pense que le décalage est là. On apprend en même temps des choses qui sont utiles pour l'individu en lui-même, par exemple Stendhal, et des choses qui vont servir directement à l'aspect professionnel, avec une forme d'éducation passive. Depuis la sixième, on habitue les élèves à un rythme de travail très important, des journées assommantes. Les élèves sont, en quelque sorte, « lobotomisés ». J'ai connu cela, et ça m'a beaucoup pesé. On ne met pas assez devant les yeux qu'il y a deux parties : la partie pour eux, et la partie professionnelle.
49 - Si on mettait face-à-face une personne qui a passé le certificat d'étude au début du siècle, et un jeune bachelier d'aujourd'hui, je ne sais pas qui aurait la culture générale la plus étendue. Je suis en effet assez étonné de voir des gens, qui n'ont pas forcément beaucoup eu de bagages en terme d'années et qui, pourtant, me semble mieux maîtriser les outils.
50 - On connaît la réponse à cette question. On a fait des études très précises avec toutes les évaluations qui ont lieu en sixième et en seconde. Un bachelier, à l'heure actuelle, en sait énormément plus que quelqu'un qui possède le certificat d'étude. Quand on dit que le niveau de l'éducation baisse, que les enfants ne savent plus rien, il faut regarder les choses dans le détail. Je crois vraiment qu'au niveau des évaluations en Français en seconde, les élèves savent des choses que nous apprenions à l'université. Je voulais aussi répondre à la personne qui disait qu'à l'école, nous ne devions apprendre que des choses utiles (intervention n°48). Je ne suis pas sûre. Je pense qu'on peut apprendre des choses par plaisir et que l'utilité ne doit pas être le seul moteur.
51 - J'ai spécifié le fait qu'il fallait peut-être différencier les deux vis-à-vis de l'élève. Quand un élève se demande à quoi pourra bien servir Stendhal, c'est qu'il n'a pas vraiment conscience de so intérêt, parce qu'il est habitué, de par l'éducation passive, à aller à l'école pour avoir un boulot après.
52 - La meilleure preuve de ce qui vient d'être dit, c'est qu'on voit souvent des gens qui lisent de la littérature et qui disent « mais ce truc-là, on l'a appris à l'école. Comment nos professeurs ont-ils fait pour le rendre aussi ennuyeux ».
53 - Je pense en effet qu'on a maintenant une culture générale plus importante quand on a son baccalauréat. Par contre, il y a un certain nombre de connaissances fondamentales qu'on oublie. On retrouve des étudiants faisant des fautes de français. Il y a un bagage qui est oublié, peut-être parce qu'on a une culture générale qui devient trop importante. La mémoire nous fait aussi défaut pour certaines choses.
54 - À mon avis, cela vient aussi de la manière d'enseigner, dans la mesure où il y a beaucoup de choses qu'on nous enseigne qui ne sont pas vraiment nécessaire (Nous sommes toujours dans l'optique où l'élève peut croire que son éducation est principalement faite pour son boulot). Pour certaines choses qui sont basiques, au sens de fondamentales, instinctivement, il va avoir le réflexe de l'évacuer, comme il évacuerait autre chose. C'est un peu comme cela que j'imagine le processus.
55 - Je suis assez surpris d'entendre qu'il faut apprendre ce qui est utile. D'abord, qu'est-ce qui est utile ? Est-ce que Stendhal est utile ? Sans doute pour certains, peut-être moins pour d'autres. Le problème vient du fait que l'utilité est personnelle, que ce n'est pas nous-mêmes qui nous éduquons quand nous sommes dans un système. Partant de là, il faut bien avoir les bases de connaissances communes. Après, si l'élève a dit « Stendhal, c'est pas utile », c'est qu'il l'a ressenti comme cela, et peut-être pas forcément parce qu'il a conscience que ce n'est pas utile pour son travail. C'est tout simplement parce que ça ne lui a pas plu. Dix ans plus tard, il reprendra éventuellement un livre, et ça lui plaira peut-être beaucoup. Le problème n'est pas là. Le système éducatif ne peut pas décider comme cela de ce qui est utile et de ce qui ne l'est pas. L'idée principale est que l'utilité est personnelle, et qu'à partir du moment où on peut avoir conscience de quelque chose, et bien il faut aussi que la personne s'éduque par elle-même. Mais le petit enfant, qui n'a pas forcément conscience de tout, il faut tout de même lui donner des bases communes.
56 - Avec ce problème de l'utilité, on rejoint le problème de « qui décide de ce qu'on va apprendre à l'école ». c'est un problème qui s'est tout le temps posé et qu'on a résolu de façons diverses. La pédagogie Frenay postulait de mettre les enfants dans un milieu riche, après quoi on attendait qu'ils soient motivés. Ils apprennent dans ces conditions des choses pour lesquelles ils sont motivés et ça va tout seul. Il y a eu un retour de bâton par rapport à cela : mettre les enfants dans un milieu riche, ça ne favorise que ceux qui sont déjà dans un milieu ouvert, et les autres restent à la traîne. Nous sommes donc revenus à une pédagogie par objectifs. Celle-ci fonctionne très bien dans les lycées professionnels. Il y a un référentiel : tel élève sait ou ne sait pas régler un injecteur diesel... Mais qui décide ce que l'élève a à apprendre ? Il y a ici un grand danger, car on ne sait quels seront les métiers de demain. Il est dangereux de laisser les choix éducatifs à la portée des politiques.
57 - C'est le peuple qui doit prendre la décision.
58 - Comment est-ce qu'on peut mettre ça en place ?
59 - Pour moi, c'est la raison fondamentale de l'échec de toutes les lois qu'on a essayé de faire avec les réformes scolaires. L'utilité est tellement personnelle, qu'on ne peut faire en sorte qu'elle convienne à tout le monde. J'ai donc tendance à dire qu'il ne faut pas essayer de courir après la loi pour en trouver une qui convienne à tout le monde. Par contre, au départ, il faut un certain nombre de connaissances communes : l'écriture, le calcul etc..., C'est tout bête, mais cela suffit. Ensuite, en fonction des aspirations de chacun, et des potentialités de chacun, aussi bien physiques qu'intellectuelles, la personne a le droit, en étant guidée, de choisir telle ou telle chose qui lui semblera utile. Mais vouloir essayer d'enseigner « à coups de pioches » des choses jusqu'à 27 ans, parce que l'état a dit « il faut leur apprendre ça pour qu'ils fassent ça », cela convient à 10% de la population, et c'est tout.
60 - Je suis assez d'accord sur la notion de l'utile. Chacun va faire son choix. Maintenant, dans la définition qu'on va donner au mot « utile », je crois que l'éducation a un rôle à jouer. C\'est-à-dire que si, comme actuellement, elle a cette tendance a montré que ce qui est utile, c'est ce qui va nous servir pour travailler dans la société de demain, le jeune réagira par rapport à cela. Ainsi, quand il lira Stendhal, il va se demander : est-ce que ça va m'être utile pour travailler demain ? Si, dans la définition du mot utile, on glisse l'idée qu'il y a certes la partie travail qui va faire l'objet de certains cours, mais aussi toute une partie d'apprendre du plaisir, de développement personnel, de développement citoyen, il rejettera peut-être Stendhal, non pas parce qu'il ne va lui servir à travailler plus tard, mais parce que ça ne lui plaît pas. La définition de l'utile est véhiculée par le modèle éducatif.
61 - Il y a un problème que nous n\'avons pas encore évoqué, et qui me parait essentiel. C'est le problème du temps de travail quotidien. Je considère qu'on passe beaucoup trop de temps au collège, au lycée, et qu'un enfant ne peut pas apprendre 8 heures durant, rentrer chez lui faire ses leçons et recommencer le lendemain. Cela me parait un peu aberrant.
62 - Il faut prendre conscience que ce qui est utile n'est pas seulement ce qui sert pour le moule, mais aussi ce qui sert pour soi. Il s'agit, à mon avis, d'une prise de conscience nécessaire.
63 - Vous avez dit que l'utile était véhiculé par l'éducation. (Intervention n°64). Je me demande de quoi vous parlez.Si vous parlez de l'enseignement en lui-même, je n'en suis pas vraiment sûre. Est-ce que ce n'est pas justement l'inverse ? Est-ce que l'utile n'est pas plutôt véhiculé par la société, et notamment par l'entourage familial : il faut que tu sois bon à l'école pour avoir un travail. Et là, on voit bien que les professeurs ne sont plus en cause. Le professeur de lettes peut bien faire de la littérature, mais il y aura un fossé. Il y a une attente des élèves, attente sociale très forte, et ce n'est pas l'éducation qui est ici en cause.
64 - Oui, c'est pour cela que j'ai parlé de « tendances », Comme vous l'avez souligné, c'est une tendance du système éducatif à réagir à cette demande. Il va donc de plus en plus orienter les contenus des cours vers des choses qui sont censées être plus utiles professionnellement.
65 - On a également évoqué quelque chose de très intéressant avec le temps de travail. J'ai déjà évoqué le fait que l'école formait aussi les futures personnes actives. Actuellement, on est en train de parler de réduction du temps de travail. On était habitué dans le système éducatif ancien à avoir une vie complètement soumise au travail. Nous rentrions chez nous et avions encore du travail à faire. On était un peu comme nos parents en miniatures. Si on veut penser une éducation pour demain qui soit en optique avec un mouvement de la société plus générale, il faut justement réviser le temps de travail, non pas uniquement en fonction des rythmes de l'individu, mais aussi en fonction de la façon dont on veut qu'il réagisse plus tard face à son travail. Il est vrai que s'il a pris l'habitude d'être libre toutes les après-midi, il n'acceptera jamais d'être au bureau l'après-midi quand il aura 25 ans.
66 - Ça se passe en Allemagne. Ils sont libres toutes les après-midi, et pourtant, il y a les mêmes problèmes.
67 - Oui, mais pourquoi est-ce que c'est en Allemagne qu'on a commencé le plus tôt la réduction du temps de travail ? C'est peut-être lié parce qu'on éduque aussi les gens comme cela, à leurs futurs rythmes de vie
68 - Revenons quelques instants à ce qui est ou non utile. Il y a deux choses qui m'ont frappé ces derniers temps. D'une part, la campagne de publicité de « ... »; Imaginez ce que cet électrotechnicien pourrait apporter à une entreprise, avec un homme qui berce son enfant... L'accent est mis dans cette campagne sur le fait que quelqu'un qui a plusieurs « cordes à son arc », qui a une passion, une richesse personnelle, est quelqu'un qui peut apporter un plus à une entreprise. D'autre part, nous constatons que la grande suprématie des « matheux » dans les entreprises tend à disparaître. On se dit que les littéraires sont des gens intéressants. Je me dis que dans la société, il y a des choses qui se passent qui font que, finalement, ce concept « d'apprendre utile » est en train de s'estomper sérieusement.
69 - Si nous prenons le modèle allemand, où les enfants n'ont pas cours l'après-midi, il faut ajouter que ce temps libre n'est pas fait pour n'importe quoi. Ça peut-être pour développer une passion, des capacités, qui seraient imposées dans le système français. Je pense que cette démarche plus individuelle est beaucoup plus constructive. Chacun voit « midi à sa porte et va développer les capacités qui l'intéressent. Ces capacités seront assimilées pour une très longue période, car il s'agit de passions. Cela me parait essentiel.
70 - Aller à l'école, jusqu'à 30 ans, peut poser problème. En effet, à 45 ans, on peut commencer à être rejeté, cela va tellement vite. Les apprentis dans le bâtiment, par exemple, font une formation alternative école-entreprise. N'y-a-t'il pas un effort à faire dans ce sens pour que les jeunes apprennent un métier ?
71 - Je reviens sur le modèle allemand pour dire que, s'ils ne travaillent pas l'après-midi, c'est aussi parce qu'ils ont une conception du travail personnel qui est différente. Il y a beaucoup de travail personnel en Allemagne. C'est là-bas qu'il y a le plus d'entreprises individuelles par rapport à la France. Les allemands ont, en effet, un goût du travail individuel qui a été développé très trop. La France est, au contraire, un pays où il y a beaucoup de fonctionnaires et beaucoup de gens qui préfèrent le salariat tranquille. Je pense que ce qu'on apprend à l'école, la façon dont on apprend à l'école, même de façon cachée, se reporte plus tard dans la façon dont on souhaite travailler. Ce sont des mécanismes qui se mettent en place, et qui nous donnent des habitudes. Si nous étions plus indépendants, moins soumis aux contrôles à l'école, plus tard, dans la vie active, nous serions peut-être plus entreprenants. Quand on triche à l'école, je suis sûr qu'on triche dans la vie. Mme Tibéri, par exemple, devait tricher à l'école...
72 - L'aspect « école-entreprise » est peut-être à double tranchant. Cela peut à la fois cimenter la liaison qu'il y a entre l'utile pour la personne et la finalité du travail par rapport à l'école, mais cela peut aussi, si c'est bien fait, différencier les deux.
73 - Vous venez de parler d'une fonction de l'école que l'on n'avait pas encore évoquée. C'est tout ce qui concerne ce que les Américains nommeraient « Patern », c'est-à-dire le patron, le modèle. En Français, on parlerait de « modélisation ». Au-delà des contours, au delà des savoir-faire et des savoir-être, il y a aussi tout cet aspect qui est modélisation. C'est vrai qu'on sait bien quelle influence ont certains éducateurs sur les gens. C'est quelque chose qui, à ma connaissance, n'est pas bien mesuré.
74 - Je pense que les gens qui ont très bien étudié la manipulation des foules pendant la dernière guerre, n'ont pas créé par hasard « les jeunesses Hitlériennes ». C'était pour justement créer plus tard des citoyens qui soient rangés comme cela ; si ces gens-là ont fait cela, c'est bien parce qu'ils savaient que plus tôt on prend les individus, plus tôt ils adopteront les moyens d'organiser leur vie, leur façon de voir, de penser et d'agir quand ils seront adultes.
75 - Pour faire suite à l'intervention numéro 75, je voudrais dire que tout système produit ses effets pervers, qu'il s'agit d'identifier afin de mesurer les risques.
76 - En même temps, on ne peut pas tout analyser d'avance. Il y a un proverbe qui dit, « il ne faut jamais rentrer dans l'eau avant de savoir nager ». il y a des effets pervers qu'on peut prévoir. Il y en a d'autres qu'on ne peut imaginer. Si on ne met rien en application, on ne saura jamais.
77 - Je voudrais sortir du problème du contenu, et aller vers la structure même de l'école. On se rend compte que les professeurs qu'on a préférés, correspondent aux matières dans lesquelles on a le mieux réussi. Si on veut penser à l'école de demain, il faut penser à la pédagogie, au cadre. Selon moi, tout cela est actuellement trop rigide. Un enfant devrait pouvoir continuer à avancer et ne pas s'arrêter au C.P. s'il n'arrive pas à lire. Il doit pouvoir continuer à se développer dans d'autres domaines qui l'intéressent, et dans lesquels il n'est pas bloqué. Or, nous sommes actuellement dans un cadre où il n'y a qu'une seule voie : on passe C.P., CE1, CE2. On est obligé de tout valider pour pouvoir continuer. Je pense qu'il faudrait penser à un système plus souple.
78 - C'est déjà, en partie, chose faite avec la dernière réforme qui dit que, finalement, le cycle d'apprentissage de la lecture comprend la dernière section de maternelle, le cours préparatoire et le CE1. Ce qui fait qu'un enfant peut apprendre à lire en trois ans. C'est très peu appliqué parce que derrière, il y a la pression du milieu social. De plus, tout dépend dans quelle école on est. Si on est dans une école de quartier défavorisé, pas de problème. Si on est dans une école où les parents poussent, parce qu'ils considèrent que, déjà en grande section, leur enfant qui va manquer huit jours pour aller aux sports d'hiver, va prendre un retard parce que la maîtresse va apprendre telle lettre, et qu'il va falloir que les parents lui apprennent lettre après le ski, où va-t-on ? Alors que l'intention de départ était bonne - on fait un cycle d'apprentissage de la lecture pour faire en sorte que les acquis puissent être régulés sur plusieurs années - dans les faits, cela se révèle non réalisable du fait de personnels non suffisamment formés, et, de la pression des parents à ne pas négliger.
79 - (suite intervention n°77). La lecture n'était pour moi qu'un exemple. Je critiquais la linéarité du système. Il faudrait penser à quelque chose de complètement différent. Effectivement, les parents poussent. C'est qu'eux aussi l'ont vécu comme cela.
80 - Les parents ont, en effet, un grand rôle dans le regard que les enfants portent sur l'éducation qui leur est dispensée. Les parents souhaitent que l'enfant réussisse de manière à ce qu'il ait un bon travail, ce qui est parfaitement compréhensible. Cela donne ce type de rapport au travail, donc, il faudrait diviser entre ce qui utile à la personne, et ce qui utile au travail.
81 - Je voudrais revenir sur le problème de la linéarité. Effectivement, je suis assez d'accord, il faudrait essayer de ne pas voir le système éducatif comme étant linéaire. Ceci dit la linéarité a quand même un avantage. Par rapport à une vision qu'on a du « ça marche ou ça ne marche pas », c'est que si ça marche, ça marche pour tout le monde et si ça ne marche pas, ça ne marche pas pour tout le monde. Or, si on fait plein de systèmes différents, et qu'on a toujours cette même vision du « en final ça marche, ou, en final ça ne marche pas », on va retourner à un système linéaire qui fait que les gens iront dans le système où ça marche. C'est justement là qu'est toujours le problème : comment considère-t-on l'éducation ? Est-ce qu'on la considère d'abord pour soi et pour ce qu'elle va nous apporter pour être citoyen..., ou est-ce qu'on la fait pour que ça marche. Le système linéaire avait cela de bon que si ça ne marche pas, on est tous dans le même bain. Si ça marche, c'est pareil. Multiplier les systèmes ne suffit pas. Il faut aussi penser autrement en final.
82 - On a beaucoup parlé d'éducation linéaire. C'est vrai qu'on a le schéma "éducation, travail, retraite", ce qui montre bien la finalité actuelle de l'éducation. Si on veut que l'éducation soit utile pour la personne elle-même, il faut donc développer, plus on avance en âge, une éducation à la carte, qui permettra à l'individu lui-même de choisir vraiment aussi bien l'activité professionnelle qu'il choisira, que l'éducation qu'il a envie de recevoir pour lui-même.
83 - Les projets sont là. Les techniques également. Seulement, le problème, c'est qu'il y a un discours à deux vitesses. Il y a le discours idéaliste, aseptisé qu'on retrouve dans les instructions officielles, et puis il y a la réalité de terrain qui est, que quand on a 30 élèves dans une classe, on ne peut pas se permettre d'avoir un enseignement idéalisé. D'autre part, sur le problème de la linéarité, tels que les programmes sont fait actuellement, ce n'est pas nécessairement obligatoire d'avoir réussi tout son programme de sixième pour passer en cinquième. Il y a certains éléments du programme de mathématiques qu'il faut avoir assimilé pour pouvoir passer dans la classe supérieure, il y en a d'autres, ce n'est pas la peine, parce qu'on parlera d'autre chose. Je n'ai pas trouvé la cohérence de cela. Est-ce que c'est sous diverses pressions, pour éviter les redoublements ? Je ne sais pas.
84 - Je voudrais aborder le côté passif de l'éducation. Quand on est dans le système actuel, l'élève écoute pendant toute une journée les cours. Cela va dans un sens. Je déplore qu'on ne pousse pas l'individu à avoir une démarche intellectuelle. Il peut rester dans le fond de la classe, et ne rien dire. Il passe de classe en classe, et sort avec un niveau moyen. Je n'ai pas l'impression que cet individu soit équilibré, et soit apte à s'adapter dans la société. Je pense qu'il faudrait créer un système plus dynamique, qu'il y ait plus d'échanges.
85 - Tout dépend de ce qui se passe dans sa vie. S\'il est très passif en classe, il peut très bien être très actif ailleurs. L'école n'est pas toute-puissante pour l'avenir d'un individu. Il y a aussi tout ce qui se passe au-dehors qui peut influer. C'est une grande partie de sa vie, mais ce n'est pas toute sa vie.
86 - Il y a une tendance, actuellement,où on dit aux jeunes professeurs de ne surtout pas faire de cours magistral, mais d'instaurer réellement un dialogue avec les élèves. Maintenant, le problème, c'est qu'avec 25 élèves, ce n'est pas possible. Il n'y a pas moyen de faire participer les élèves qui ne veulent pas participer. Cela dépend aussi de ce qu'on attend du rôle de professeur. Il y a des domaines dans lesquels on peut instaurer tout un dialogue, ainsi, on peut composer une poésie avec les élèves. C'est une démarche qui va les intéresser au processus. À côté de cela, il y a des choses où là, on est bien obligé d'apprendre. Il n'y a pas vraiment de miracle. L'élève a, en effet, un rôle passif.
87 - Plus on avance dans son cursus, plus on se rend compte que cela va vers la professionnalisation. Dans les petites classes, je ne pensais pas à un métier. Quand on est au collège, on ne travaille pas pour un métier, on travaille parce que c'est l'école, et qu'il y a des choses qui nous plaisent. J'ai croisé quelqu'un qui a répondu à la question « que fais-tu dans la vie ? », par « je suis en deuxième année d'espagnol ». Sa vie, pour elle, c'est l'école. Je trouve cela un peu dommage. On est en train de chercher une éducation qui doit répondre aux attentes de la société. Moi, je pense plutôt l'inverse. Les gens se forment comme ils veulent, et c'est pour cela que le réseau est préférable à la linéarité. C'est la société qu'il faut penser en fonction de l'éducation, et non pas l'éducation en fonction de la société.
88 - (concerne les interventions n°87 et 89). Si actuellement, on est de plus en plus passif en classe parce qu'il y a des sur-effectifs, si on reste au fond de la classe sans rien dire parce que parler ne sert à rien, est-ce que plus tard, dans la société - parce que les professeurs, ce sont les politiques - ça ne fait pas « pourquoi est-ce que j'irai voter »? En somme, on reste passif après. Une éducation plus active engendrera peut-être des citoyens plus actifs. Si on les fait intervenir, et si quand ils interviennent, on leur fait comprendre que cela construit, et que c'est important pour tout le monde, peut-être qu'après, il y aurait plus de monde dans les Arcadies...
89 - On voudrait donc essayer de laisser les gens choisir leur éducation. Je comprends tout à fait cela, mais est-ce que ce n'est pas ce qui se passe actuellement après le bac ? Les gens font ce qu'ils veulent après celui-ci. Est-ce que le problème ne vient pas simplement du fait qu'il n'est pas temps d'attendre le bac pour dire aux gens de faire ce qu'ils veulent. Le faire avant, certes, mais il ne faut pas voir l'éducation comme un moyen d'arriver à quelque chose par rapport aux autres, mais comme un moyen d'arriver à quelque chose par rapport à soi-même exclusivement. Après le Bac, on fait ce qu'on veut, mais il n'en reste pas moins vrai qu'il y a des filières qu'on qualifie « d'élites » et d'autres un peu moins. Si on fait la même chose à partir du collège, je ne vois pas ce que ça va changer. Si on dit avant « tu apprends pour toi et pas pour te faire une place par rapport aux copains », tout est différent.
90 - On parle beaucoup d'aller chacun à son rythme, d'individualiser davantage l'enseignement, d'avoir davantage d'interactivité. Je pense que là, il est vraiment important qu'on parle de la formation des professeurs. Il n'y a pas le moindre rudiment de communications qui est donné ni dans la formation initiale, ni dans la formation continue. J'ai animé beaucoup de stages sur la communication, sur les nouveaux outils pédagogiques etc., où les professeurs sont extrêmement demandeurs. Dans ces stages, je ne vois que les personnes qui ont envie de venir. Il y a quelque chose à faire ici, et il important que cela débute dès la formation de base. J'ai vu des jeunes professeurs terrorisés à l'idée d'entrer dans une classe. Ainsi, une personne m'a dit : « une collègue est rentrée dans une classe et un jeune a planté un couteau dans la table en disant « je ne veux pas travailler ». Qu'est-ce que je fais si ça m'arrive ? ». Ça, c'est du concret, c'est de la réalité. Cela arrive dans plein de collèges. Il est nécessaire que les enseignants aient une formation adaptée à ces problèmes.
91 - On a dit tout à l'heure (intervention n°90), qu'il ne fallait pas faire l'éducation en fonction de la société, mais l'inverse. Je me demande si les deux ne sont pas intimement liés, s\'il ne peut pas y avoir interaction. Aujourd'hui, l'éducation devrait être faite en fonction de la société future.
92 - Pour répondre aux problèmes de la violence en cours, il y a des formations. L'I.U.F.M. prend en charge ces formations. Le problème est que les professeurs, qui ont de l'expérience, ne savent pas quoi faire. Tout le monde se trouve déstabilisé. Avec 10 élèves, ce serait peut-être plus simple, et encore. Plus personne ne sait quoi répondre en face d'élèves armés dans une classe.
93 - L'I.U.F.M. donne 2 x 6 heures de formation sur l'autorité. Ça parait totalement disproportionné.
94 - On s'aperçoit que les professeurs, dans l'éducation nationale classique, ont l'habitude de ne transférer que les connaissances et non pas du tout le savoir-être et le savoir-faire. Il y a aussi le fait qu'ils ont des habitudes très confortables, et n'ont pas envie de faire la démarche, qui va leur nécessitait un désagrément, de s'adapter aux nouvelles techniques de formation.
95 - Pour reprendre l'exemple de l'enfant qui arrive avec une arme. Est-ce que la solution est d'apprendre à l'enseignant de parer cette éventualité dans le futur, ou est-ce que l'idée n'est pas de se dire que la société subit un raz-de-marée dont l'éducation reçoit les remous ? Que faire ? : s'attaquer aux remous, ou faire en sorte qu'il n'y ait pas le raz-de-marée ? Pour moi, le système éducatif, ce n'est pas forcément lui qu'il faut remettre en cause - même si il y a probablement plein de choses à changer - mais sa finalité. Il s'agit moins d'apprendre aux professeurs les arts martiaux, que de savoir pourquoi l'élève a amené un pistolet. Cela n'a rien à voir avec le système éducatif.
96 - Comme nous disions l'autre fois sur le thème de la violence (cf. Le compte rendu du café de l'Arcadie du samedi 7 mars 1998 sur le thème « la violence comme mode d'expression »), un acte comme cela n'arrive pas par hasard. C'est un cas extrême que j'ai pris volontairement. Mais il est important de regarder ce qui se passe en amont. Quand on arrive dans une telle situation, c'est, qu'en amont, il y a eu toute une série de méconnaissances, toute une série de dysfonctionnement qu'on n\'a pas repérés. Si un professeur n'a pas été formé à reconnaître ces signes, et à s'arrêter quand ça ne va pas, on va au-devant de graves problèmes. Ceci dit, il y a ce cas-là qui est extrême et il y a aussi tous les cas où un professeur de banlieue va passer 40 minutes à avoir un minimum de calme.
97 - Il est évident que la violence à l'école n'est pas gratuite ; c'est un problème de société, et le professeur est impuissant dans cette histoire. Mais il y a aussi le problème à court terme, à savoir, que fait-il ? J'ai l'impression que personne n'a de solutions. Les professeurs qui ont une grande expérience n'en reviennent pas, parce que ce sont des choses qui ne seraient jamais arrivées avant. Avant le professeur était sacré. C'était la voie du maître. Maintenant, il y a tout un discours qui peut éventuellement s'établir, mais c'est à double tranchant en ce sens que ça peut être très violent.
98 - Une chose est en effet primordiale : l'analyse tant à court terme qu'à long terme.
99 - Je suis assez en accord avec l'intervention N°98, mais je tiens à la tempérer. C'est vrai qu'il y a un problème qui est extérieur : la violence. Pour rejoindre ce qui vient d'être dit, il y avait un respect autrefois de l'école en tant que lieu. Je crois que, là aussi, il y a un problème du système lui-même qui n'arrive plus à se faire respecter. Ce problème est lié à une notion plus générale. Quand on voit aux actualités des C.R.S. qui rentrent dans une église, dans la tête de l'enfant, il n'y a pas d'endroits qu'on respecte. C'est une notion plus générale d'endroits qui, avant, devaient être respectés et qui le sont moins parce que, maintenant, on fait tout : on met des C.R.S dans des églises. Pourquoi on n'amènerait pas d'armes dans les écoles ?
100 - Oui, mais je ne suis pas sûre que ce soit aussi gratuit que cela. Je me demande si les jeunes qui sont en mal-être, et qui s'en prennent à un chauffeur de bus ou à un professeur, ne le font pas parce que ça représente l'autorité, quelque chose au-dessus. S'ils s'en prennent à eux, c'est que c'est une société qui ne leur offre pas d'avenir.
101 - Oui, mais pourquoi, en plus, on ose le faire ? C'est parce qu'on a plus le respect qui nous freine. De tout temps, on a rêvé de taper le professeur, mais, ceci dit, avant, on avait un respect qui faisait qu'on ne passait pas à l'acte. On allait lui crever les pneus en dehors de l'enceinte. Maintenant, on amène le couteau en classe.
102 - On parle beaucoup du respect. L'école est lieu qui ne respecte pas vraiment l'élève par rapport à ses rythmes, à ses aspirations propres. On apprend à tous les élèves à savoir ce qu'ils veulent, on les fait réfléchir, on leur explique des choses... Après, plus ils avancent en âge, plus ils se rendent compte que, justement, les choses qu'on leur explique sont bafouées. Il y aurait donc un décalage entre ce qui est communiqué et la réalité. Est-ce que le problème n'est pas là ?
103 - Je voudrais tempérer cette notion de respect. Pour moi, on respectait surtout le professeur - ce qui est hypocrite - parce qu'il faisait partie de ces gens, avec le médecin, l'avocat, qui avaient une position sociale élevée. Maintenant que les modèles sont la star de rock et le top modèle, professeur, on rigole ! Avant, on le respectait parce qu'on disait : si j'arrive à faire comme lui, j'aurais réussi.
104 - Oui, mais ça, c'est justement un problème du système éducatif.
105 - La façon dont vous avez dit la chose est très révélatrice ; vous avez dit LE docteur, LE professeur, L'avocat. Après, vous avez dit, les modèles, c'est LA star et LE top modèle (on pense surtout au top modèle féminin). On vit dans un monde, et particulièrement au niveau de l'éducation, où il n'y a plus que des mères et des petits garçons. Or, qu'est-ce qui se passe au niveau psychologique par rapport à la loi de la mère ? Il est vital pour l'enfant d'échapper à la loi de la mère, parce que celle-ci est mortelle pour l'enfant. Donc, tous les comportements de rébellion qu'on voit par rapport à un système, qui est très largement féminin, s'expliquent par cette chose-là.
106 - Je crois que je sais pourquoi on respectait un peu plus l'instituteur avant: c'est parce qu'il y avait une règle.
107 - Oui, et il avait le droit de donner une claque sans que les parents portent plainte.
Fin des discussions à 19 heures.
Interventions
Marre de retaper vos coordonnées ? Créez un compte ! Créer un compte permet d'être averti des nouvelles contributions, d'être reconnu et donc de ne pas avoir à taper ses coordonnées pour participer aux débats.