Compte-rendu synthétique par agnès labasle — Café Citoyen de Paris (16/04/2016)
Animateur du débat : Charlène LE NUÉ
» Politique et Société
Comment construire l'intérêt général ?
Avant d'ouvrir le débat, Charlène (animatrice) présente le projet des Cafés Citoyens, à savoir : la réappropriation des citoyens, lors de rencontres organisées à taille humaine, des questions de société. Jusqu'en 2012, les cafés citoyens parisiens étaient très actifs. Aujourd'hui, avec cette volonté de lancer une nouvelle dynamique, le projet présenté par Mehdi, président de l'Arcadie de Paris, est de redynamiser le tissu des cafés citoyens sur Paris et sa banlieue par des relais locaux et en créant des ponts entre les différents groupes.
Le but serait de mettre en commun nos réflexions pour les enrichir et pour qu'émergent éventuellement des propositions d'actions, le cercle restreint facilitant l’expression de chacun Mais on en libre de prendre la parole ou pas, au gré des envies.
La charte de l'Arcadie est présentée à chacun, en rappelant que l'écoute et le respect de la parole de chaque participant est de mise. Un bâton de parole formalise celle-ci et l'animateur a pour rôle de définir le temps de parole de chacun et de recadrer le débat si nécessaire.
Pourquoi cette thématique aujourd'hui ? Le choix du sujet a été soumis au vote sur Facebook.
L'équipe organisatrice du premier café est partie du constat que la société actuelle s'est largement déresponsabilisée de la question de l'intérêt général et l'a remise entre les mains de ses gouvernants. De plus, on assiste dans le monde politique à une segmentation de la société qui ne semble pas être pensée dans son ensemble.
Comment parvenir à construire de nouveau l’intérêt général ?
UNE TENTATIVE DE DEFINITION
Une première question émerge : doit-on construire l'intérêt général de manière ascendante ou descendante ?
L’intérêt général est une notion difficile à appréhender. Si l'intérêt général, permettant l’épanouissement de tous, sert notre intérêt particulier, il ne sera pas vécu comme une contrainte. Se pose alors la question de la limite entre l’intérêt général et l’intérêt particulier. Jusqu’où vont l’un et l’autre ?
Que l’intérêt général l soit établi de manière ascendante ou descendante, là n'est pas tant la question.
L'Histoire nous montre que le terme d'"intérêt général" est apparu au moment de la Révolution Française comme prise de position à l'encontre du Droit Divin.
PENSEE FRANCAISE / PENSEE ANGLO-SAXONNE
Dans la vision anglo-saxonne, on parle d"'intérêt commun" comme une sorte d'addition ou d'alchimie des intérêts de chacun. D'autres diront que c'est l'intérêt des uns contre l'intérêt des autres.
En France, Rousseau a, lui, introduit la notion de volonté générale remise entre les mains de l'Etat. L’Etat est porteur de l’intérêt général. Il semble que dans la pensée française, soit bien ancrée cette conception d'une force supérieure qui gère, autorise le partage entre le peuple.
Dans la vision anglo-saxonne, tout part de l'individu. C’est le travail de l’individu qui génère le bonheur, l’intérêt commun est généré par l’effort de chacun.
Et aujourd'hui, en France, nous semblons tous influencés par ce type de construction d'intérêt commun qui entre peut-être en conflit avec l’intérêt à la française. Ainsi, ne ridiculisons-nous pas notre conception française ? Ne sommes-nous pas en train de la délégitimer ?
Effectivement, à force de trop attendre de l'Etat en termes de législation, nous nous sommes perdus dans cette multitude de lois qui se télescopent et dont nous perdons le sens. La législation française est devenue illisible. On est sensé connaître la loi mais on ne la connaît pas totalement.
L’INTERET GENERAL EVOLUE CONSTAMMENT
Se pose la question de l’échelle chronologique et géographique de l’intérêt général. Il faut sans doute réinventer l’intérêt général en permanence.
De nombreux ouvrages de philosophes et d'historiens nous rappellent que la démocratie a bel et bien existé au Moyen-Age en France, autour de valeurs fondamentales comme la paysannerie et le partage équitable des biens communs. De nos jours, l'émergence des jardins collectifs ravive cet exercice de la démocratie.
Les problèmes environnementaux actuels poussent les Etats à se poser la question de l'intérêt général à l'échelle planétaire, notamment avec l'émergence des pays comme la Chine, l'Inde, le Brésil sur des modes de vie occidentaux générateurs de gaz à effet de serre et autres pollutions.
LES ACTUALITES FRANÇAISES, LA DEMOCRATIE, LE POUVOIR DU PEUPLE
Pour d'autres, la notion d'intérêt général renvoie à la démocratie. Il y a une légitimation par les élections : on peut rapprocher les intérêts de la majorité de l’intérêt général.
On ne sait se définir en tant qu'individus, en tant que décisionnaires politiques. Il serait temps de se réapproprier ce pouvoir venu du peuple si nous voulons définir ce qu'est notre intérêt général.
Il faudrait également veiller à ne pas se retrouver dans les faux débats médiatiques et les questions creuses vers lesquelles veulent nous emmener nos politiques, ex: "Réinventons la démocratie !"
Intéressons-nous plutôt aux modalités concrètes des débats. L'informatique avec les réseaux sociaux ou le référendum sont de puissants outils de communication et sont simples à mettre en œuvre.
Notre pouvoir d'achat aussi. Et les lobbies (forces collectives) ne sont pas seulement représentés par les grands groupes industriels car c'est aussi nous les petits acheteurs !
Nous avons simplement besoin de créer des espaces de rencontre et de participation. Le mouvement "Nuit Debout", qui se déroule actuellement place de la République à Paris, en est la preuve.
Lors de ce mouvement d'ailleurs, on entend davantage parler d'intérêt "commun". On peut ne pas être d’accord mais pour autant, on a des valeurs communes. Et le commun, c'est ce qu'on partage, c’est concret. A côté de ça, le terme d'intérêt général semble plus abstrait.
Notre Constitution, rédigée par nos aïeux lors de la Révolution de 1789 a été récemment modifiée par nos gouvernants. Or cette Constitution doit être écrite par le peuple et pour le peuple. Qu'attendons-nous pour nous la réapproprier ?
A travers les nouvelles possibilités technologiques (les réseaux sociaux par exemple), nous pouvons centraliser, partager, dégager une décision commune, la transmettre à l'Assemblée Nationale, comme l'a fait (et même plus) le mouvement "Podemos" en Espagne.
Si l'intérêt général ne transparaît plus à travers les valeurs républicaines (Liberté, Egalité, Fraternité), c'est peut-être parce qu'il ne respecte plus les intérêts individuels. Nous devrions davantage aborder la question du Partage (avec tous les ponts culturels que cela engendre) ou bien considérer l'intérêt général comme un socle de valeurs inaltérables.
La question serait finalement de savoir qui définit réellement l'intérêt général ? Ceux d'"en-haut" ou le peuple ?
En France, avec la loi sur le travail El Khomri, ce sont les fonctionnaires qui ont décidé. Les chômeurs n’ont pas été consultés.
En Allemagne les lois sur le travail ont mis 6 ans à se construire progressivement avec les travailleurs. Elles furent finalement acceptées par tous !
L'HISTOIRE DE L'EUROPE EN DIT LONG...
A sa création, la communauté européenne visait la reconstruction économique des pays avec le libre échange des marchandises, la libre circulation des personnes, la pacification des relations entre les états. Pour l’intérêt général, certains intérêts économiques particuliers ont été sacrifiés. L’Europe a rencontré un certain succès : il n’y a pas eu de guerre depuis 70 ans et durant les "Trente Glorieuses" l'intérêt économique des pays européens a connu une ascension remarquable.
Mais qu'en est-il de l'Europe sociale ?
L'intérêt économique a parasité l'intérêt général des peuples, or l'économie et la politique doivent revenir à leur mission première : servir l'intérêt du peuple et non l'inverse.
Par ailleurs, aujourd'hui avec 28 pays européens, la question de la création d'une communauté de valeurs se pose.
Nous pourrions faire le parallèle entre l'histoire de l'Europe et la pyramide des besoins de Maslow (http://semioscope.free.fr/article.php3?id_article=8). Pendant les "Trente Glorieuses", l'Europe a connu un mouvement ascendant : ses besoins élémentaires étaient couverts, sa sécurité également. Seulement lorsqu'est apparue la question de l'appartenance, des identités (nationales) et du vivre-ensemble, la courbe s'est inversée.
Avec la mondialisation, l’Europe est confrontée à un mal être commun. Comment rebâtir une Europe avec des intérêts communs ?
CONCLUSION…
Nous vivons donc une période de crise majeure mais réjouissons-nous !! Car :
- l'OMS a récemment reconnu le bien-être des individus comme un nouvel indicateur de croissance des pays,
-l'économie non-marchande, en pleine expansion, participe également à la construction de notre intérêt commun,
-et la lutte contre la fraude fiscale, de plus en plus médiatisée, réaffirme en quelque sorte la souveraineté de l'intérêt général.
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Les thèmes proposés pour le prochain café citoyen :
-Quelle politique d'accueil pour les réfugiés ?
-Comment fédérer les citoyens ?
-La Vème République est-elle encore adaptée à l'intérêt général ?
-Quel rêve nous vend la société ?
-Comme réenchanter la vie politique ?
-Quel modèle pour la laïcité ?
-Quelle place donne-t-on à l'économie non-marchande dans nos vies ?
-Comment prendre en compte l'évolution des opinions des peuples ?
-Faut-il mettre en place un revenu minimum d'existence ?
-> Peut-on être heureux en période de crise ? fut le thème retenu suite au vote à main levée.
Interventions
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