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Compte-rendu synthétique par Michel BlanchardCafé Citoyen de Sète (15/05/2018)

Animateur du débat : Michel Blanchard

» Politique et Société

mai 68 cinquante ans après

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'' Mai 68 :cinquante ans après''

samedi 19 mai 18h Médiathèque François Mitterrand Sète


1-Au plus en amont de l'événement est présent un contexte international européen et national qui interroge :

Au climat pesant de la guerre froide entre les deux blocs s'ajoute l'émotion suscitée par les images de villages incendiées sous les yeux des GI au Vietnam, et l'opposition aux USA qui en résulte.
D'autres refus sont partagés autour de l'exploitation du tiers monde : l'anti colonialisme, l'anti impérialisme,l'anti impérialisme constituent un terreau qui nourrit l'engagement d'acteurs informés et engagés.

En Europe, c'est la fin de la croissance soutenue des ''trente glorieuses'' et le tout début d'une montée du Chômage. Elle se situe dans l'environnement du marché compétitif français, dans le cadre européen, à quelques jours de la suppression des barrières douanières du Marché Commun.

En France, un débat structure les contreverses politiques: au PCF , à la FGDS partisans d'un progressisme réformiste dans le cadre d'un Programme Commun, s'opposent les conceptions d'autres acteurs parmi lesquels des étudiants divers, souvent d'éducation communiste, partisans de de démarches révolutionnaires qui sont valorisées...

2-Une culture grandit, ferment de remises en cause :

les Etudiants connaissent, dans les campus qui se répandent, un isolement géographique et une concentration.Même s'ils sont davantage issus de catégories socio professionnelles plus aisées , Ils sont sensibles à la perspective du chômage, et à la crainte des débouchés, notamment dans le secteur des Sciences sociales, un des piliers de la contestation qui va grandir.
Leur nombre a doublé entre 1960 et 1968...Fils d'ouviers et de paysans sont largement sous représentés à l'Université...Se fait jour le sentiment d'avoir été trop longtemps méprisés,dans l'esprit les écrits de Pierre Bourdieu sur les ''héritiers''.....
La voix des Femmes, quand à elles, apparaît encore ténue dans la France de 1968. Une année auparavant, la contraception est cependant devenue un droit voté....

Plus largement, une ''civilisation'' économique, standardisée, symbolisée par le travail à la chaîne, technocratique, dans laquelle l'humain semble perdu, est mise en question et en cause, dans une recherche renouvelée de SENS.
Certaines formules popularisées en témoignent : ''Les ouvriers sont des hommes, pas des robots'', Ne pas perdre sa vie à la gagner'' ; ne plus subir mais ''façonner son destin''...
Dans ce climat, est valorisée '' une pleine émancipation, soustraite aux exigences économique et au contrôle étatique...

3- Ces déterminants, présents en amont , dont le rôle reste à pondérer, ont participé, le temps d'un printemps, et même au delà, à une remise en cause , dans un esprit radical, d'une société qui paraissait figée, avec un Président âgé, ayant joué un rôle historique, depuis 10 ans au pouvoir renforcé par la constitution de la 5ème république...

C'est ainsi que '' les rôles assignés sont questionnés'' ; '' les normes rendues visibles deviennent pensables'' ;
''les pauvres, assignés à un rendez vous perpétuel vis à vis de leur condition et des autorités qui les gouvernent'' sont interrogés ; une forme sociale de ''haine, qui à fortiori constitue un interdit'', peut se faire jour...
Les aspects normatifs et prescriptifs qui étaient à l'oeuvre dans une Société qui paraissait s'ennuyer, selon l'article prémonitoire de Pierre Vianson Ponté, ont été ébranlés par des événements imprévus , introduisant une grande variabilité dans ''une Société en train de se faire'', qui écrit une nouvelle page d'histoire.

4- Les ''agoras'' du lois de mai, symbolisées par les échanges à bâtons rompus sur les places noires de monde de grandes villes, ont introduit un moment d'utopie sociale, de désobéissance sociale et politique''...ou l'inventivité, la créativité ont eu leur part d'expression.

'' l'événement a rendu possible le spectre d'autres avenirs, a fait de l'imagination une action''.Il s'agissait alors d' ''inventer la vie'', de choisir entre ''panser ou penser''. Est advenue '' une insurrection de la pensée et de la parole''.
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Des ''potentialités sont entrouvertes...actualisées'' ;des ''possibles sont ouverts, des futurs entrevus''. Selon une formule médiatisée : ''l'imagination prend le pouvoir''. Et prendre la parole, c'est ''démanteler les murailles sociales'' ..
En de ça et au delà de la parole et de l'action, ce sont les émotions qui sont explorées : '' l'intelligence émotionnelle comme une forme de cognition'' ; une communauté émotionnelle'' ; ''la force affective que provoquent les soulèvements'' . Ces expériences vécues '' transforment les êtres''.
''Les frontières entre l'art, la politique et la vie n'ont plus lieu d'être''.
La force de cet élan réside en ce que l'utopie s'efforce de juger ce que nous faisons de ce que nous pourrions ou devrions faire''.
Il est ainsi des ''jours oû l'histoire pourrait chavirer'' ; àû elle est vécue comme une révolution vivante'' ; qu'elle sert ici de leçon''.

5- Si les ''rôles assignés sont questionnés'', et vécu un''moment d'utopie sociale'', qu'est est il de la matérialité de la confrontation des différents acteurs engagés, du coté des manifestants et du coté du pouvoir, dans la plus grande grève généralisée qu'ait connu la France, qui a mobilisé 10 millions de participants et bloqué un temps le pays ?

Quelle ont été les grandes phases du conflit, sous réserve d'une chronologie plus détaillée ?

En France, le mouvement du 22 mars à Nanterre a constitué un ''prologue''....
Du 2 au 11 mai s'est déroulé une '' semaine étudiante'', du 2 mai à la nuit des barricades...
Du 12 au 24 mai , le mouvement s'est étendu de la Sorbonne aux usines'', généralisation redoutée du pouvoir...
Du 24 au 30 mai, une ''tentative de sortie de crise'', de l'intervention de De GAULLE à la mobilisation gaulliste en passant par les accords de Grenelle...
Du 1er au 19 juin, une ''lente reprise du travail''...
Un ''épilogue '' avec les élections législatives du mois de juin

L'action policière mobilisée par le pouvoir en place, a participé , pour sa part, à la réalité du déroulement des événements : elle est ''circonstantielle'', mais elle est aussi ''structurelle'', significative de ''seuils de tolérance'' retenus par tout pouvoir selon son appréciation de la situation.
De fait, la réponse à des formes de manifestations étudiantes jugées illégitimes, ont été d'abord celles des Présidents d'Université, en lien avec les autorités policières :les décisions de fermetures de la Faculté de Nanterre avant celle de la Sorbonne, l'intervention de forces de l'ordre en leur sein, l'arrestation de leaders étudiants...
Le pouvoir politique a pris le relais, devant le risque de généralisation de la grève : en effet c'est ''une rencontre explosive et redoutée qui entre dans l'histoire avec la grève et l'occupation des usines''. Une double stratégie est adoptée : d'une part la proposition de négociation des accords de Grenelle. Est proposé notamment la ''participation'' à l'intéressement des salariés. Une telle proposition récuse la ''lutte des classes''....Par ailleurs, d'autres décisions vont dans le sens de l'action civique avec la création de Comités de Défense de la République, et institutionnelle avec la dissolution de l'Assemblée Nationale et l'organisation d'élections législatives....
Le thème de la peur est décliné aux yeux de l'opinion publique prise à témoin: ''la peur du saut dans l'inconnu est toujours le plus fidèle allié du pouvoir en place''. Or ''utiliser la peur'''' comporte le risque de guerre civile''...''Une stratégie du discrédit '' et un vocabulaire de la ''pathologie'' sont à l'oeuvre dans certains écrits....L'ORTF est l'objet de censure et de reprise en mains officielle ; les images sont sélectionnées, des journalistes sont inquiétés..

Du côté des manifestants, '' la violence décide de nouveaux engagements, l'unité des travailleurs doit se faire face à la répression''. Devant certaines formes de violence policière , '' L'immense indignation se décline sur le registre de la rage et du carnage''...Au delà, ''une amitié, une sympathie réciproque naît entre étudiants et ouvriers , page sans précédent dans l'histoire''....
Cela n'empêche pas des débats et pratiques différentes entre Organisations engagées.Aux organisations étudiantes qui expriment le rejet de la ''démocratie parlementaire'' , s'oppose le Parti Communiste soucieux du ''contrôle ouvrier'', sensible à la politique extérieure pro soviétique, voire à la politique étrangère d'indépendance de De GAULLE...
La CGT , après les accords de Grenelle, encourage à la reprise du travail , souhaite voir refluer le mouvement, à l'inverse de la CFDT alors intéressée par le thème de ''l'autogestion''...

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6- Si ''le futur frappe à la porte du présent'', le mouvement,se heurte aux réalités du temps : quels ont pu en être les effets immédiats et différés sur la Société et les personnes ?

Dans le présent, après les accords de Grenelle, la négociation par entreprises se fait pied à pied, sur le thème des salaires, dont le bénéfice risque d'être balayé , la mise en place de la Section syndicale d'entreprise...chaque acquis l'est en fait sous conditions ; le Patronat essaye de reprendre ce qu'il a dû concéder...
L'abîme qui sépare les deux grandes Confédérations est un obstacle ; les fermetures d'établissements , malgré des aides d'état mises en place, la fuite des capitaux ….sont des difficultés...
Les élections législatives des 23 et 30 juin avec 47% des voix et 81% des sièges a la majorité gaulliste , dans le contexte du mode de scrutin et d'un découpage électoral objet de critique, donnent le signal du rempli …

Cela n'empêche pas les événements de France d'exercer ''une influence indéniable dans d'autres pays...

Le capitalisme '' a cette capacité étonnante de survie par ingestion des contestataires...s'il produit une esthétique de la marchandise'', il il ne satisfait pas une autre sensibilité qui est ''le sentiment de l'appropriation d'un temps pour soi tant désiré ce printemps

7- Il n'en reste pas moins que, '' le temps d'un printemps, l'événement a renoué avec la démocratie au quotidien .
Bien sûr les personnes engagées éprouvent un ''désenchantement'', Elles reprennent le travail les larmes aux yeux et les poings fermés''...

Elles se souviennent pourtant: dans les entreprises occupées, la vie ''s'est organisée, l'espace a été edécouvert , a été admise la sociabilité, l'unité...
Les acteurs ont éprouvé ''le sentiment d'avoir pesé sur l'histoire'' ; des vies ont été métamorphosées, des identités préservées...
Le travail, les métiers, la culture, l'âge, le corps, la sexualité, le temps...ont été repensés''...
''Un événement n'est pas ce que l'on peut savoir de lui, mais ce qu'il devient''...

1968 reste une source d'inspiration, on ne la voit pas se tarir'', l'histoire ne cesse de s'écrire...
''l'essentiel, c'est l'humilité d'un combat, pour que le passé ne meure pas...

'' 10 millions de lycéens, étudiants et travailleurs vont bien au delà d'une classe d'âge et d'une cohorte privilégiée'' et, au delà des conceptions de chacun, ne convient il pas de s'interroger sur le SENS de ce printemps vécu... ?
Cinquante ans après, qui peut dire qu'en ce temps où se conjuguent crise environnementale, crise financière, crise sociale...où les technologies et le travail évoluent très vite, quelle place laisser à la transmission, la réflexion et l'engagement ?


Compte rendu de lecture de ''1968 : de grands soirs en petits matins ''
de Ludivine BANTIGNY éditions du Seuil

notes reclassées selon un schéma d' analyse d'une situation dans sa complexité, en usage en Ergonomie

A l'attention et à la relecture de Corinne BONAFOUX, maître de conférence à l'Université de Chambéry

rédacteur : Michel Blanchard

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