Compte-rendu synthétique par Christelle GANIER — Café Citoyen de Paris (18/02/2017)
Animateur du débat : Mehdi Guiraud
La communication nous ouvre-t-elle aux autres ?
Présentation du sujet par la personne qui l'avait proposé :
Depuis quelques années, nous entendons parler de communications. Notamment avec les nouveaux outils que sont Internet, et tous les réseaux sociaux.
En effet, les gens communiquent de plus en plus mais à distance. Cela peut se justifier lorsqu’on a des parents ou amis habitants trop de loin nous, voire à l’autre bout du monde.
Qu’en est-il de ceux qui vivent dans un périmètre très raisonnable pour se déplacer et se voir de temps à autre ?
De plus, j’ai constaté un lien très paradoxal dans la communication à l’époque du 21ème siècle : les moyens de déplacement sont aussi des moyens de communication. Il me semble que l’on échange moins en moins face à face.
J’entends dire que beaucoup de personnes passent leur temps sur les divers réseaux sociaux. J’ai posé la question à des personnes pourquoi ça leur prenait autant de temps à communiquer derrière un écran, plutôt que de se voir en vrai. Elles m’ont répondu que cela évite de se déplacer, c’est plus rapide.
J’ai demandé si à leurs yeux les relations sont sincères, y-a-t-il une véritable écoute de l’autre ou pour l’autre ? Et s’il y avait une aide à apporter à tous ces gens « amis » sur les réseaux sociaux, y-aurait-il un écho ?
D’autre part, lors des diverses rencontres, sommes-nous vraiment écoutés, à l’inverse compris par les autres. Sommes-nous toujours attentifs à l’attente de l’autre, sous prétexte que nous échangeons des mots ?
Voici une proposition de sujet qui concerne la communication entre les êtres humains.
1. LA COMMUNICATION ÉCRITE ET LES NOUVELLES TECHNOLOGIES
Avec les nouvelles technologies, il y a de nouvelles manières interpersonnelles de communiquer.
Cette bulle dans laquelle il n'y a pas obligation à communiquer par l'oral est intéressante : c'est un nouveau langage qui s'invente.
1.1. Une communication rapide et impulsive
Les mails permettent d'aller plus vite pour transmettre l'information ; c'est un gain de temps. En outre, l'écrit peut être un moyen de communication plus facile pour certains.
Avec les SMS et les chats, il y a une instantanéité dans la pensée : il faut penser et écrire en même temps ; ce qui est différent de la correspondance épistolaire. Il y a une telle rapidité de la pensée que l'émotion prend une grande place : on lance des pulsions émotives. Il y a ainsi l'idée de partager dans l'émotion. Exemple de Trump avec Twitter : il n'a pas besoin d'articuler sa pensée. [Il communique ce qu'il ressent].
1.2. Les limites de cette nouvelle forme de communication écrite
- Au travail maintenant, on est bombardé de mails avec une prolifération de l'envoie avec mise en copie à d’autres destinataires. Mais parfois des mails qui n'ont pas besoin de réponse peuvent être utiles comme pour la veille documentaire.
- On communique plus vite mais moins bien. Il n'y a pas de profondeur dans ce que les gens expriment, c'est bâclé, il n'y a pas de sincérité. De plus, le niveau d'écriture, d'orthographe, s'est dégradé. Exemple de son fils de 17 ans qui lui écrit des SMS de la même façon qu'il écrit à ses copains. Exemple de communication de deux ados côte à côte par SMS parce qu'il y a du bruit !
- Il n'y a plus d’interactivité, l'humain disparaît.
- La communication par écrit permet de poser les choses mais peut aussi embrouiller, entraîner une mauvaise compréhension. Très souvent les SMS sont sources de mauvaise compréhension même avec les smileys. Il n’y a rien de mieux que de parler.
- On perd son temps sur les réseaux sociaux, chacun est dans son coin, il n'y a pas de vrais amis. L'être humain est un être de communication, d'émotion. Il faut peut-être d'avantage revenir au face à face.
- L'effet pervers des mails envoyés abusivement est que parfois l'information est loupée.
1.3. L'écoute
Avec l’émotion, est-on toujours à l'écoute de l'autre ? On a besoin de connaître un contexte. Exemple de communication par SMS pour partager une souffrance. On peut se sentir piéger par ce moyen d'expression : on nous impose quelque chose qu'on ne veut ou peut pas gérer. L'envoi multiple de SMS peut être angoissant car on nous impose une lecture à laquelle on ne peut pas dire stop contrairement à la communication orale.
Exemple d'une amie qui avait organisé une visite chez quelqu'un sans lui demander son avis et en l'informant par SMS.
On oublie peut-être l'essentiel : savoir écouter (en plus de savoir transmettre).
Pour les personnes qui ont du mal à s'exprimer à l'oral, il y a l'appréhension de la réaction de l'autre. Au moins, à l'écrit, on ne se prend pas la réaction de l'autre en pleine face. Mais si on veut se protéger d'une réaction en direct, on peut retrouver l'émotion véhiculée par l'écrit. Et ces émotions ne peuvent pas être confrontées comme avec le face à face. Exemple de la colère dont l'expression est nécessaire. Or, elle n'est possible qu'en face à face.
En face à face, on réagit en fonction de l'autre personne.
1.4. Favoriser l’échange
La communication est un moyen d'installer un rapport de force et cela existait avant le numérique : cela passe par la manière de s'habiller, de s'exprimer, si on est un homme ou une femme… Il s'agit de faire passer une idée sans que ce soit une injonction. Il vaut mieux alors envoyer des mails qui entraînent une conversation, un échange. Il faut également trouver d’autres moyens de faire de l' « événementiel » comme un tableau dans le couloir avec des post-it.
Certaines entreprises en sont d'ailleurs arrivées à organiser des journées sans mails. Ainsi, les personnes sont obligées de se déplacer. Il existe également des chartes d'usage des mails.
2. LA COMMUNICATION ORALE
2.1. Le face à face
- Les jeunes ont plus de mal à prendre la parole, sont introvertis. Cette communication semble plus compliquée alors qu'elle est essentielle. On est trop pris par la routine, la fatigue… on est parasité par le téléphone, la TV, les consoles… On veut aller vite. On en oublie l'essentiel : l'être humain a besoin de communiquer, de faire passer des messages, des émotions.
Être au centre de l'attention peut-être intimidant. Quand on parle, tout le monde nous regarde. Certaines personnes sont gênées par ça et d'autres pas. C'est une manière de pécher une certaine reconnaissance, de l'attention. Ce n'est pas en une seule prise de parole mais une succession de prises de parole qui va déterminer ce que les autres vont percevoir. C'est par la pratique -notamment la charte et le bâton de parole y contribue. En effet, les premières fois qu'on prend la parole, c'est difficile. Mais après ces moments de « gloire » font du bien.
- La communication non verbale ajoute quelque chose de beaucoup plus fort d'où l'importance de placer le face à face au-dessus de toute autre manière de communiquer. Exemple du réseau social Seesmic qui permet de communiquer par l'intermédiaire de vidéo enregistrées. On se filme communiquant son message oral. Au bout de 3-4 mois, une proximité très forte s'était installée. Cela s'est suivi d'une réunion physique qui a été très intense.
L'attitude peut révéler beaucoup de choses.
2.2. Des nouveaux outils de communication « nuisibles »
- Le téléphone est un parasite.
Être mis en attente lors d'une conversation téléphonique est insupportable. Il y a là un manque de respect. On n'est pas à l'écoute de l'autre.
L'absurdité des nouveaux usages : répondre au téléphone à quelqu'un pour lui dire qu'on ne peut pas lui parler, être sur son téléphone et dire à quelqu'un qui te parle « Vas-y, je t'écoute ». Exemple d'un couple au restaurant : chacun est avec son téléphone : en fait, ils dînent à 4 !
- Cela fait partie de l'éducation de savoir privilégier la communication complète. Un émetteur, un récepteur, un canal. Le « bruit » empêche la communication.
- Pour les différents usages, on parle d’une courbe d'apprentissage. On est dans une époque où pour la première fois les parents et les enfants doivent vivre en même temps cet apprentissage. Auparavant une pratique sociale se transmettait. Exemple d’une mère qui ne comprenait pas l'usage que son fils faisait de son téléphone avec Twitter… Depuis qu'elle a un smartphone, elle est en contact permanent via Instagram, Whatsapp avec ses sœurs qui sont à l'étranger.
La première étape, c'est l'addiction. Ensuite, on prend du recul et on arrive à ne pas l'imposer à son entourage.
Il y a un ensemble de réflexes, d'accords qui apparaissent quant à la façon de communiquer. Exemple en réunion : « Là, on éteint les portables ». Ces protocoles sont vécus comme une manière de dire « J'ai envie de communiquer avec toi de manière plus efficace ». Pas d'agressivité.
2.3. Le cadre
On peut avoir besoin des meilleures conditions pour pouvoir s'exprimer et écouter les autres. Exemple d'un bureau à 4 où on peut facilement être parasité par le bruit.
En open space, on peut rencontrer des difficultés au début mais ça présente l'avantage de permettre d'être au courant de ce qui ce passe dans l'entreprise.
Ces nouveaux espaces de travail se sont instaurés depuis 10-15 ans mais il faudrait s'en séparer car ils représentent la fin de la possibilité d'avoir une concentration longue. C'est le règne de la concentration « page de pub ». Cela a une conséquence néfaste sur la lecture. C'est compliqué de lire sur une longue période.
Exemple des dossiers transmis dans un parapheur. Avant, il y avait une réflexion pour déterminer qui seraient intéressés et on indiquait les noms. Alors qu'aujourd'hui on est parfois mis au courant par accident.
Dans les open spaces, on reçoit parfois des informations dont on a pas besoin. Et parfois, on se sent mis à l'écart, pas très considéré.
On n'a plus le côté privé. On peut surprendre ainsi des communications personnelles comme des prises de RDV médicaux.
C'est important de communiquer en entreprise. Or, En réunion, les informations sont souvent descendantes alors que ça pourrait être l'occasion d'échanges. On adopte alors parfois des stratégies d'évitement en apportant son ordinateur pour traiter ses mails.
On peut alors se demander « Mais à quoi bon communiquer ? »
3. LES MÉDIAS, HORS SUJET ?
Se pose également la question de la communication des médias qui sont un vecteur de communication.
« Trop d'infos tue l'info ». On est parasité par la communication des informations.
Exemple des “fake news” ou fausses informations. Cela correspond à prendre un bout de l'information et à faire beaucoup de bruit autour. C'est ainsi qu'il existe des sites de désinformations.
Ces sites présentent une lecture du monde vue que par leur prisme. Si ces sites existent, c'est qu'il y a des personnes pour les lire (Exemple : fdesouche.com). Cela montre combien les gens sont satisfaits quand on va dans le sens de leur colère. Ils redistribuent alors ces fausses informations. Il y a un rapport à l'émotion : on trouve une émotion qui correspond à leur colère mais il ne s'agit pas d'une information. C'est utilisé pour juger le monde.
Avec Twitter on balance des informations courtes [qui peuvent être incomplètes].
Il y a une différence entre l’information et la communication qu'on retrouve dans les grandes institutions comme GDF.
Parles des médias ne serait-il pas hors sujet ? Il y a-t-il un rapport entre la communication des médias et l'ouverture aux autres ?
Les médias permettent une ouverture au monde donc aux autres. Se pose la question des limites des médias.
CONCLUSION
On dit que pour qu'un couple fonctionne bien, il faut qu'il communique. Ainsi, dans la sphère privée, la communication est importante et doit être renouvelée. Il y a là quelque chose de paradoxal car normalement, si ça fonctionne bien, on n'a pas besoin de changer. Pourtant, il est nécessaire de faire des efforts. Au début, on communique et ensuite on communique moins. La communication n'est pas automatique, on doit donc y mettre du sien.
Effectivement, dans le couple, au début on communique mais c'est souvent la même personne qui communique même quand il n'y a pas de conflit.
La communication est importante dans le couple mais aussi avec tout le monde. Ce n'est pas toujours naturel : timidité, peur du jugement, peur de ne pas être compris, de ne pas s'exprimer clairement. La pensée n’est pas toujours bien construite.
Le pouvoir des mots : il y a des sens différents pour un même mot.
A quoi bon communiquer si l'autre a décidé de comprendre que ce qu'il veut comprendre ?
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Sujets proposés :
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• Les infos nous confortent-t-elles dans nos sentiments ?
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