Compte-rendu analytique par Christelle GANIER — Café Citoyen de Paris (16/12/2017)
Animateur du débat : Mehdi Guiraud
» Politique et Société
Doit-on avoir confiance en l’autre ?
Introduction : "Le bien vivre ensemble est un sujet qui me tient à cœur car nous avons tous besoin des autres. La confiance en l’autre, c’est-à-dire « le sentiment de quelqu'un qui se fie entièrement à quelqu'un d'autre » en est une de ses composantes, tout comme la bienveillance. Or, dans notre société moderne individualiste on apprend surtout à ne compter que sur soi-même. La méfiance envers les autres est ainsi très présente, ce que je trouve regrettable. Sans tomber dans la confiance aveugle, ne devrions-nous pas avoir confiance en l’autre ? N’en tirerions-nous pas bénéfice ? Et qu’est-ce qui fait qu’on n’a pas confiance ?"
1. ANALYSE DU SUJET
1.1. La définition
Deux notions en particulier ont été soulevées : « sentiment » et « entièrement ». Il y a une différence entre le « sentiment » et l’« émotion ». L’émotion est un mouvement, le sentiment, un regard intérieur ; il n’est pas ici question de se fier aveuglément.
A l’origine du mot « confiance » , il y a « fides », la foi. Mais il existe aussi une confiance laïque qui n’exclue pas la clairvoyance, la raison, la connaissance de l’autre. On peut spontanément se fier à quelqu’un mais il faut aussi une connaissance et une intimité. Il y a donc une notion de temps qui entre en jeu : la confiance se construit sur la connaissance et la durée. Un lien se noue, une connaissance, au sens « naître avec » de l’autre petit à petit.
Il y a une interaction avec l’autre et il est nécessaire d’être à l’écoute de soi et de l’autre.
1.2.« Doit-on » : notion d’obligation
Certains se sentent obligés et donnent alors une confiance aveugle, tout le temps. A l’extrême inverse, on trouve la méfiance permanente.
La vie en société repose sur la relation à l’autre. Il y a donc une obligation de confiance mais elle ne doit pas forcément être aveugle.
La confiance n’est pas innée. Pour autant, une partie est de l’ordre de l’instinctif.
2. LA VIGILANCE ET LE CONTRAT SOCIAL
Il est intéressant de réfléchir sur un sujet dont on est aussi l’objet. On parle de la confiance alors que justement, autour de cette table, on ne se connaît pas tous.
2.1.Une nécessaire vigilance
Autrefois la confiance était une question de vie et mort, on serrait l’avant bras pour vérifier si la personne n’était pas armée. A l’époque préhistorique, deux espèces humaines ont coexisté, la notion de danger était importante. Aujourd’hui, la notion de vie et de mort revient avec les attentats, il faut être vigilant. La confiance n’exclue pas la vigilance, il faut faire attention.
2.2.Le contrat social induit la confiance et la méfiance
Nous pratiquons de multiples formes radicales de confiance au quotidien. Par exemple, on ne vérifie pas la monnaie, on a confiance dans le conducteur de train, de l’avion. La relation de confiance fait partie du contrat social, sinon on tombe dans la paranoïa.
Il y a des contrats tacites de civilité entre l’individu et les autres, comme lors des Cafés Citoyens. IL y a la crainte que le contrat soit rompu, que l’engagement ne soit pas respecté.
C’est la société qui décide ce qui est bien ou mal et la société actuelle nous conduit à une forme de paranoïa. Le monde aujourd’hui nous inspire en permanence la peur. Le climat n’est pas un climat de confiance.
Le risque n’est pas promotionnel à la réalité mais à l’idée qu’on en a. Tout dépend du niveau auquel on évalue cette méfiance. Il y a une nécessaire gradation de la confiance.
A l’origine, il y avait une menace physique et une peur de la blessure physique. Avec l’évolution de la société, la menace est devenue aussi psychique avec une peur de la blessure physique mais aussi émotionnelle.
Il y a une méfiance vis à vis de tous ou de certaines personnes. La méfiance est une forme de protection.
On peut éprouver de la compassion pour les personnes qui n’ont pas confiance car la confiance apporte du bien être. Quand on n’a pas confiance, on n’est pas détendu et cela influe sur son propre bien être. La confiance apporte quelque chose de positif sur différents plans : émotionnel, social... Oui, on doit faire confiance !
3. COMMENT FAIRE CONFIANCE ?
3.1. La spontanéité
L’enfant donne sa confiance spontanément. Pourquoi les adultes ne font-ils pas confiance spontanément ?
Il peut y avoir une blessure qui aurait laissé une trace. Cela peut aussi venir de l’éducation.
3.2. La taille du groupe
On est plus en confiance en petit comité comme lors d’un Café Citoyen. A l’origine, le groupe avait une petite taille, celle des tribus, puis il s’est étendu à la taille des cités et maintenant des métropoles.
3.3. Les actions de l’autre
On parle d’ « être digne de confiance », de dignité et de mérite. « Il a tout fait pour avoir ma confiance ». Cela renvoie aux actions de l’autre.
3.4.Entre méfiance et confiance
On peut avoir confiance ou pas selon les sujets : un médecin, laisser la porte ouverte chez soi, les politiques, son compagnon ou sa compagne (fidélité). Il n’est en fait pas toujours possible d’avoir confiance. Il y a une réalité malgré tout, on est toujours balancé entre la méfiance et la confiance.
On peut avoir souvent des gestes de vérification par rapport à la crainte du vol (portefeuille, porte fermée). Mais si on se fait voler, qu’est-ce qu’on perd finalement ? On sera toujours soi. On a l’impression que c’est une partie de nous qu’on vole. Or, les objets ne sont pas nous. On est né nu. Il y a un lien avec l’attachement, l’abandon. Avec la perte de quelqu’un, de quelque chose, la notion de confiance est mise en jeu.
4. L’ALTÉRITE
La notion de confiance est à rapprocher de celle d’« altérité » : l’autre est-il pareil ou différent ?
La rencontre avec l’autre n’est pas la jonction de pareils mais la jonction de singularités. L’autre est mon pareil et aussi mon différent. Plus la différence est grande, plus il est difficile d’avoir confiance. C’est plus facile de pair à pair, de genre à genre. Ce qui nous rapproche les uns des autres, c’est les choses communes. Ce qui est intéressant, c’est comment les singularités peuvent donner plus que la somme des singularités.
Il y a une sorte de continuum ; ce qui nous différencie, c’est la vie. La vie nous différencie, comme notre histoire et ce qui nous meut.
Avec les gourous l’individualité n’existe pas, elle est une illusion. Pour autant, l’esprit interprète l’autre comme n’étant pas moi. Sur quoi l’esprit pourrait se fonder pour dire « vous êtes moi », faire un ? Il n’y a pas de moi, d’autre, il y a cette chose, ce tout qui nous uni.
Une expérience a été réalisée : Dans un groupe, chacun fait un pas en avant en disant ce qu’il aime, et les autres le suivent s’ils aiment aussi. Ensuite, chacun doit exprimer une chose qu’il pense être le seul à aimer. Finalement, d’autres personnes le suivent. En fait, on se croit singulier parce qu’on n’ose pas assez s’exprimer.
La culture occidentale s’est construite sur l’individualisme (cf. révolution industrielle). Ce n’est pas le cas dans la société japonaise où le corps social est plus important que la personne ; le problème de la peur n’existe pas.
Se pose la question de l’identité : « Je suis le monde ». Quand on n’a pas confiance, il faudrait se dire « lui aussi il est le monde ». « Si le monde est un théâtre, alors l’identité n’est qu’un costume » : en dessous du costume, c’est l’humain. Il n’y a pas de raison de ne pas faire confiance.
CONCLUSION
La confiance s’est installée au fur et à mesure de la discussion. Ces mots ne sont que de l’air expulsé par nos poumons et cet air est le même.
Pour avoir confiance en l’autre, il faut d’abord être bienveillant avec nous-même, savoir qui on est.
La confiance à un niveau supérieur renvoie à la société qui doute d’elle-même. Il y a une difficulté à trouver son positionnement, à se projeter dans l’avenir.
Interventions
Jacques
mercredi 23 mai 2018 15:50:51 +00:00
Il n'est ni moral ni prudent de faire confiance aux autres : c'est toujours au détriment de la confiance que l'on doit avoir en ce que l'on est en train de faire, d'une part, et promesse d'échec, d'autre part ; sans doute repose-t-elle sur le postulat que l'individu est forcément mauvais, que seul le collectif dirait le bien...alors que ce collectif resterait composé d'atomes mauvais par essence, voire qu'il se trouverait la seule-vraie source du mauvais individualisme que les morigénateurs de cour se plaisaient à pourfendre sur les estrades. Oui, une mère pouvait faire sans compter, en secret, sans attendre le secours d'aucun collectif, pour ses enfants...quand le collectif ne pensait à faire de ces enfants que de la chaire à canon, bref: tout est vrai.
Jacques
mercredi 23 mai 2018 16:02:01 +00:00
Ce n'est pas en l'autre, qu'il fallait mettre sa confiance,mais en des lois sages et modérantes et ce, non point parce que l'individu serait mauvais mais, seulement, que le vivant était changeant.
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