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Honoré de Balzac (1799 - 1850)

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Compte-rendu synthétique par Marc HoussayeCafé Citoyen de Caen (27/03/2004)

Animateur du débat : Marc Houssaye

» Démocratie et Citoyenneté

Abstention : un risque pour notre démocratie ?

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Doit-on se réjouir de l'optimisme des responsables politiques au regard du léger recul de l'abstention au premier tour des élections régionales et cantonales de 2004 par rapport à l'abstention du premier tour des dernières présidentielles ? Comment cerner les causes de l'abstentionnisme ?

Le désintérêt de citoyens inscrits sur les listes électorales est tout d'abord présenté comme une forme d'égoïsme. L'individualisme des membres d'une société profondément tournée vers le consumérisme semble s'opposer a toute volonté de faire évoluer la politique. Même la mobilisation des adhérents des partis politiques se fait de plus en plus rare. Quelqu'un parla d'un impact nocif de la télévision qui annihilerait tout engagement bénévole dans des actions politiques.

Le problème du « devoir de voter » dans une société qui se veut démocratique se pose alors. Dans quelques pays, par exemple la Belgique, le vote est obligatoire et l'abstention est passible d'une amende. N'oublions pas ni les sacrifices du passé pour établir la démocratie en France, ni, qu'aujourd'hui encore, de nombreux peuples tentent d'y accéder. Quelqu'un rappelle l'image dont bénéficie la France encore de nos jours, notamment en Afrique, où notre pays est perçu comme « le pays des Droits de l'Homme et du Citoyen » ainsi que le pays de la Révolution. Quel exemple et quel espoir donnons-nous ?

Pour beaucoup d'entre-nous, ne pas aller voter est honteux. Mais comment expliquer que 40 % de nos concitoyens puissent s'abandonner à l'abstention ? Quitte parfois à s'en enorgueillir ? L'abstention ne pourrait-elle pas se vivre comme un moyen – certes stérile mais soulageant – de réagir à un blocage ?

Car la progression de l'abstention s'accompagne indéniablement d'une crise de la représentativité politique. Quelques personnes dans l'assemblée insiste sur le fait le monde politique est resté quasiment inchangé depuis des décennies. Un intervenant assimile même cette caste politique à une aristocratie. De plus, les partis politiques ne renouvellent pas assez régulièrement leurs dirigeants et cela fait perdre beaucoup de crédit à la démocratie, surtout lorsque les élus ne prennent plus en compte la volonté de leur électorat (mouvements de grève). Le sentiment que l'homme politique n'est tout compte fait qu'un professionnel ne sachant faire que des promesses comme on fait du marketing, sans jamais ne devoir rendre des comptes une fois élu, déçoit considérablement les citoyens (sentiment d'injustice). Quelqu'un pose la question suivante : « Ne faudrait-il pas institutionnaliser une sanction contre l'élu qui ne tient pas ses promesses ? ».

Parfois, la lecture des programmes politiques n'est pas claire. Par exemple, lorsque deux listes font alliance lors d'un second tour, des compromis sont souvent faits aux détriments de l'électorat. Cela augmente le symptôme du manque de confiance envers la caste dirigeante issue du sommet des partis politiques. Qui plus est, la représentativité des partis politique est de plus en plus discutable : si aujourd'hui 40% des électeurs s'impliquent dans des associations, seulement 1% sont « encartés » dans un parti politique.

Parallèlement, le problème de l'instruction civique apparaît. « Ceux qui votent sans savoir pourquoi devraient s'abstenir ! », dit quelqu'un dans la salle. L'engagement politique n'est donc pas si évident. Il faut des citoyens éduqués devant la complexité des rouages de l'État. C'est pourquoi, aussi compréhensible qu'apparaisse un message politique au regard d'une élite qui en comprend les tenants et aboutissants, il ne reçoit pas toujours l'adhésion du plus grand nombre. Ce à quoi répond-t-on dans la salle : « il n'y a pas de critère pour être citoyen ! Tout le monde peut voter. Et si je ne sais pas pour quoi ou pour qui voter, je ne m'abstiens pas, je vote blanc ! ».

Quelqu'un explique que pour qu'un vote soit intelligible, il faut que l'électeur comprenne d'abord le rôle de chaque entité géographique. Une proposition est donc faite : chaque candidat pourrait expliquer clairement dans sa profession de foi quelles seraient ses prérogatives principales s'il était élu. Alors, dans un deuxième temps, le candidat pourrait faire valoir les plus-values que son parti politique souhaite apporter dans le domaine de compétence pour lequel il se présente. L'éducation civique, bien que présente dans le programme de terminale au lycée (niveau scolaire qui déjà se limite à une partie de la population), n'est pas sanctionnée au baccalauréat. Pourtant, il faudrait s'assurer que chaque citoyen, avant qu'il n'atteigne l'âge d'aller voter, mesure l'ampleur de sa responsabilité. Force est de constater qu'actuellement les moins de 25 ans sont massivement abstentionnistes.

Est-ce qu'une démocratie peut durer avec un abstentionnisme fort ? L'actuelle démocratie américaine le démontre peut-être, mais à quel prix ? « Le choix des familles politiques aux U.S.A. est réduit au plus strict minimum » avance quelqu'un dans la salle. Dans l'Antiquité, la ville d'Athènes, souvent citée en exemple pour le développement de la démocratie, a été régulièrement le siège d'oppositions entre démocrates et oligarques. En ce qui concerne l'histoire récente de la France, bien que la constitution de la 5ème République ait été approuvée par un référendum en 1958 où il y eut peu d'abstention, le droit de vote des femmes a été le fruit d'une ordonnance de De Gaulle et non un choix fait par un vote de tous les Français. Le peuple a donc émis une décision par le biais de son représentant élu.

L'abstentionnisme a joué un rôle important dans le scrutin des dernières élections présidentielles de 2002. Au premier tour, sur 41 194 689 inscrits, seuls 29 495 733 sont allés voter, ce qui fait près de 30% d'abstention. Au second tour, le taux d'abstention était passé à 20,29% des inscrits, celui des votes blancs et nuls et à 4,30% des inscrits, 5,39% des votants. En prenant également en compte les votes pour les partis extrémistes, nous pouvons clairement parler d'une majorité de votes contestataires et non plus de vote d'adhésion à des programmes.

De grandes questions sont donc posées : les représentants politiques souhaitent-ils vraiment faire un effort pour éviter l'abstentionnisme ? Si oui, comment vont-ils faire pour qu'il recule encore ? Pourquoi ne donne-t-on pas de poids au vote blanc qui devrait être traité comme un mécontentement vis à vis de tous les programmes présentés ? Pour quelles raisons un abstentionniste, qui s'est éloigné des urnes pendant une longue période, reviendrait-il voter ? Est-il définitivement perdu pour la démocratie ? Cet abstentionniste ne devrait-il pas, au bout d'un certain nombre de fois, être considéré comme ne faisant plus partie du corps électoral (une simple réinscription sur les listes électorales lui permettrait de pouvoir revoter) ? Cela aurait le mérite de ne plus élire des représentants avec le sempiternel et lassant match final 49%-51%…

Choix des thèmes pour le café du samedi 10 avril 2004 :

Nombre de voix | Thème
3 – Irak, un an après.
11 – Comment résoudre le problème des langues dans l'Union Européenne ?
15 – Pourquoi les Français n'aiment-ils pas leurs patrons ?
7 – Voyager a-t-il encore un sens aujourd'hui ?
14 – Le défi de l'Europe face à la menace terroriste
12 – Antisémitisme, antisionisme et problèmes israélo-palestiniens.
7 – F.N., effet de mode ou danger à venir ?
10 – Qu'est ce qu'un grand homme politique aujourd'hui ?
5 – Les États-Unis, faut-il encore les aimer ?

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