Compte-rendu synthétique par Élisabeth Rodot — Café Citoyen de Argentan (23/01/2003)
Animateur du débat : Élisabeth Rodot
» Politique et Société
sondages : manipulation et/ou réalités
Les sondages occupent une place de choix dans nos médias : que ce soit dans un but de marketing, pour connaître les grandes tendances de l'opinion publique en matière de politique, ou pour de simples enquêtes sociologiques, il ne se passe pas une semaine sans que la presse écrite ou audiovisuelle publie des chiffres issus des Instituts de sondages. Nous nous sommes surtout intéressés aux sondages politiques : dans quelle mesure y a-t-il manipulation, de quelles réalités rendent-ils compte ?
Nous avons relevé un certain nombre d'effets pervers de la médiatisation à outrance des sondages. Ils ont joué un rôle prépondérant lors des dernières élections présidentielles : devant le matraquage continuel des médias annonçant un 2e tour Chirac / Jospin, beaucoup de citoyens se sont abstenus de voter « utile », laissant ainsi émerger Le Pen en 2e position. D'autres au contraire ont trouvé inquiétant le nombre de « sans opinion » annoncé et ont voté « utile »… Que ce soit dans un sens ou dans l'autre les chiffres ont une influence certaine sur le vote. Ne faussent-ils pas le jeu de la démocratie ? La façon dont les questions elles-mêmes sont posées peut aussi induire telle ou telle réponse. Inversement, les sondages ont aussi une influence sur nos dirigeants, qui ont tendance à infléchir leur politique ou leur stratégie électorale en fonction des résultats annoncés. Leur médiatisation excessive a aussi pour conséquence de centrer l'attention des citoyens sur le côté « course de chevaux » : dans quel ordre seront-ils à l'arrivée ? Cet intérêt pour le tiercé gagnant, exacerbé par les médias, ne détournent-ils pas le citoyens du débat de fond ? La presse politique, à la recherche d'une audience maximum, ne fait-elle pas alors de l'information un objet de consommation comme un autre, alors que c'est l'avenir propre des citoyens qui est en jeu dans une élection présidentielle ? La masse des citoyens sans opinion ne risque-t-elle pas de ressentir les résultats annoncés comme des directives de vote ? Le danger des sondages vient aussi du fait qu'on leur donne une valeur prophétique (que leur dénie d'ailleurs les sondeurs) : on a envie de savoir de quoi demain sera fait comme on veut connaître la météo des jours à venir. N'est-ce pas une erreur ?
La vocation des sondages n'est pas de prédire l'avenir mais de faire une photographie de l'opinion à un instant T. La démarche est scientifique, l'échantillonnage soigneusement constitué et les marges d'erreur annoncées. Leur but est d'informer le commanditaire (par exemple un parti politique) sur la façon dont sont perçues leurs idées, et ce sur une grande échelle.
N'est-il pas utile dans une démocratie de connaître l'avis de la base ? Nous avons parlé du référendum, qui est aussi un moyen de consulter le peuple, mais ne peut se faire que sur un point de la Constitution et, à la différence du simple sondage, est lourd de conséquences : quand on a voté « oui » pour Maastricht, la décision d'adhérer a été concrétisée. Les enquêtes publiques sont aussi un bon moyen de connaître l'opinion des citoyens sur un point précis. Encore faudrait-il qu'elles ne soient pas un simple alibi démagogique et que l'opinion exprimée soit réellement prise en compte, contrairement à ce qui s'est passé pour le tramway à Caen !
Les sondages ne sont donc pas mauvais en soi, c'est leur médiatisation brutale qui est dangereuse. Il faudrait apprendre aux citoyens à appréhender ces chiffres avec beaucoup de circonspection et de recul, à analyser les enquêtes publiées . Les chiffres en soi ne veulent rien dire, il s'agit de les interpréter de manière pertinente. On ne devrait jamais perdre de vue que, malgré l'apparence d'une approche hautement scientifique, il est très difficile de mettre en chiffres des réalités psychologiques (ce que sont les opinions), de même qu'il peut être illusoire de vouloir mesurer l'intelligence humaine !
Thèmes proposés pour le Café Citoyen du jeudi 06/02/2003 :
- Oser rire ?
- La condition masculine dans notre société. Thème retenu
- Une ou deux normandies ?
- Quel avenir pour Argentan ?
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