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Compte-rendu synthétique par Marc HoussayeCafé Citoyen de Caen (13/01/2001)

Animateur du débat : Marc Houssaye

» Politique et Société

Qu'est-ce qui nous rend sociable : la loi ou la morale ?

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Notons tout d'abord que la problématique aurait gagné en clarté sous la formulation suivante : "Qu'est-ce qui nous empêche de devenir associable : la loi ou la morale?". Il est en effet question des rapports que l'individu entretient avec la morale - ou sa morale - et la loi, rapports l'amenant à prendre en compte, dans ses actions, ses démarches voire ses intentions, la société.

La loi et la morale sont des concepts liés à une structure sociale. Elles caractérisent une communauté, une société, une civilisation. Chaque citoyen appartenant à un groupe donné possède les principes moraux, les normes de ce dernier. Que l'individu soit animé du plus vif respect pour ces règles sociales, qu'il s'en amuse, ou qu'il les contourne, ces valeurs sont toujours des références.

La morale est la science du bien et du mal. Elle énonce des devoirs, prescrit certains comportements, en proscrit d'autres, érige des règles de conduite, dans le but de tendre vers le bien. Ce bien peut néanmoins être perçu de différentes manières. Et il en découle de multiples «conceptions moralisatrices ». Du laxisme au rigorisme. De l'ascétisme à l'hédonisme. Car la dichotomie primordiale entre le bien et le mal est une chose somme toute arbitraire. Ainsi, «une société régie seulement par la morale peut-elle s'enchaîner et se perdre dans des considérations normatives moralistes ». Un intervenant avança que « la religion est un vecteur de la morale. » Il prit pour exemple les Dix Commandements. Un autre d'ajouter que « la séparation de l'Église et de l'État sous la Révolution Française facilita la distinction entre la loi et la morale ». Il nous faut donc nous pencher sur cette destitution de la morale religieuse toute puissante qui conduisit à l'acquisition d'une morale personnelle, plus autonome. « Chacun d'entre nous peut construire sa propre morale » ajoute un citoyen. Cette morale individuelle se construit au fur et à mesure de nos expériences. Elle résulte d'un balancement continuel entre tolérance et intolérance, entre jugement et critique. Elle ordonne parfois de se remettre en question. La morale n'est donc pas figée.

Les lois naturelles sont indiscutables. Nous y sommes obligatoirement soumis. Les lois sociales sont des règles établies par l'ensemble du corps social. Par la même, elles expriment un idéal, une norme, une éthique. L'établissement des lois suppose l'existence d'un idéal commun. Et en ce cas, l'ambiguïté entre loi et morale persiste. « La loi véhicule aussi une morale » glisse un citoyen. Prenons pour exemple "La Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen". A l'inverse, une morale peut s'apparenter à une loi. Le "Tu ne tueras point" est en fait une loi; est entendu ici le fait que la vie en société est meilleure pour tous lorsque l'on décide de ne pas s'entretuer. Le contrat social s'appuie sur l'entendement des individus qui compose la société. La loi nécessite la participation de tous à l'élaboration de règles communes.

Pour un intervenant, « la morale se situe du point de vue de l'incitation, la loi du point de vue de l'interdit ». Ce positionnement par rapport à l'interdit peut d'ailleurs conduire à des dérives. Car l'on en vient à « considérer tout ce qui n'est pas interdit comme autorisé ». Et la solution à ce problème ne serait pas de multiplier les lois afin de combler les lacunes de l'appareil législatif. Mais bien de s'attacher à l'esprit des lois. Nous sommes proches ici du concept de loi morale.

« Chacun de nous est [donc] soumis d'une part aux lois, émanant de la sphère publique, d'autre part à une certaine idée que nous nous faisons d'une certaine morale, chose appartenant à la sphère personnelle ». De plus, « chaque groupe, chaque individu se construit une morale, en concordance ou non avec une morale plus générale ». Et lorsque deux morales, l'une propre à un individu, l'autre à une collectivité, s'entrechoquent, l'individu peut être amené à transgresser la loi. Rappelons-nous l'affaire du foulard islamique dans les cours d'école. Le port du voile s'oppose ici à la morale laïque républicaine.

Comment et dans quelles conditions pouvons-nous transgresser la loi ? Tout d'abord, « transgresser la loi signifie transgresser notre propre corps social ». En effet, le citoyen qui existe en chacun de nous s'attache à l'intérêt général; et donc s'efforce de respecter les lois, puisqu'elles en sont la mise en application. Transgresser une loi revient donc à nier notre propre engagement social, à nous écarter du corps social. Aussi, si une loi nous semble injuste ou désuète, il faut se regrouper et s'entendre sur son bien-fondé. C'est le corps social tout entier qui entreprend de changer la loi et ainsi d'établir un nouveau contrat social. Si un individu transgresse une loi, c'est un acte illégal. Tout au plus, ses agissements pourront paraître légitimes. D'où la nécessité du rassemblement sur la place publique. Au sein de telles assemblées, l'entendement est garanti, la volonté peut émerger, la démocratie est vivante.

Enfin, soulignons que lois et morales sont des notions dynamiques, que ce sont des constructions humaines et qu'elles reflètent l'esprit d'un groupe d'hommes et de femmes à un moment donné.

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