Compte-rendu synthétique par Marc Houssaye — Café Citoyen de Caen (22/12/2001)
Animateur du débat : Marc Houssaye
» Politique et Société
Quelles alternatives au problème de l’exclusion ?
Le débat débuta avec le constat d’un ex-S.D.F. qu’aucune des solutions proposées aujourd’hui ne résout le problème de l’exclusion. Condamnant « les brefs appels sentimentaux et émouvants pendant les fêtes de Noël qui ne font pas changer durablement d’attitude les gens », il met en évidence l’imbroglio des solutions palliatives, artificielles et inefficaces à long terme.
Car l’exclusion de nos jours n’est contrecarrée qu’à coup de remèdes provisoires, par ailleurs souvent initiés et assurés par des associations. Pour exemples, citons les Restos du Cœur et le DAL. Cet ancien S.D.F. ajoute qu’il s’est sorti de cette voie sans issue uniquement grâce à son entourage, sa famille, ses amis. Selon lui, le relationnel et la solidarité sont négligés dans notre société. Les mesures gouvernementales seraient insuffisantes et manqueraient d’ambition. Certainement parce que la mécanique de l’exclusion remet en cause le fonctionnement même de notre société. Et que s’attaquer à ses causes profondes exige de puissantes volontés et d’énormes efforts.
On s’attarda pendant le débat sur le R.M.I. Ne remettant pas en cause l’assistance nécessaire qu’il apporte aux personnes sans ressources, certains citoyens se pose la question de son évolution depuis sa création. D’abord parce que les érémistes sont de plus en plus nombreux (plus d’un million cinq cent mille aujourd’hui), ensuite parce que plus aucun projet de réinsertion n’accompagne ceux-ci. « Le R.M.I. n’est plus qu’une allocation pure et simple ». Nécessaire, voire vital, mais pourtant sans aucune perspective d’avenir. Ces allocations donneraient finalement bonne conscience aux administrés. Quelques-uns pointèrent du doigt « la facilité des Français à profiter du système ». D’autres les « lourdeurs d’une administration enchevêtrée et engluée ». Beaucoup de nos concitoyens resteraient plongés dans un attentisme, ni assez ni trop satisfaisant pour pouvoir le remettre en cause. Quoi qu’il en soit, force est de constater la gigantesque inertie sociale dans laquelle nous sommes.
Quelqu’un proposa de suivre l’exemple des Suisses chez lesquels le R.M.I. n’est touché qu’en contrepartie d’un travail rendu à la collectivité. « Mais n’est-ce pas sombrer dans la dictature du travail ? » s’interroge-t-on dans la salle. « Nous devrions plutôt mettre en place un R.M.U., un revenu minimum universel, permettant à chacun d’entre-nous de satisfaire ses besoins les plus primaires, indépendamment du travail qu’il peut fournir ». N’oublions pas ce qui fait la spécificité française, le fond commun, la solidarité. On proposa également que les pouvoirs publics associent les exclus à la recherche de solutions, de permettre aux exclus d’accéder plus facilement aux sphères décisionnelles, et plus globalement de leur faciliter l’accès à l’expression publique, enfin de jouer de la solidarité et de mettre en place des systèmes de parrainages.
Le processus d’exclusion est interne à notre société. Ne réduisons pas l’exclusion à sa dimension économique. Le phénomène d’exclusion est inhérent au fait qu’il existe des normes. La constitution d’un groupe entraîne automatiquement l’exclusion des individus qui n’en font pas partie. « Aujourd’hui, nous assistons à l’exclusion du trop pauvre, du trop riche, du trop lent, du trop moche, etc. ». A contrario, la pensée humaniste tend à considérer et à respecter les différences de chacun cependant que tout le monde avance ensemble. Notre société, centrée sur le productivisme et la consommation, exclut les jeunes et les vieux, les malades et les handicapés.
Notre rapport au travail doit donc foncièrement changer. Selon Rousseau, le travail n’est que la juste rétribution de la personne relativement à ce que lui procure la société. Aujourd’hui, nous sommes dans une société d’accumulation de biens. « Nous produisons plus que ce que la société ne nous donne. C’est cette spirale d’accumulation qui exclut, à l’instar de la force centrifuge. Plus nous consommons, plus nous travaillons. Et plus nous travaillons, plus encore nous devons consommer ».
Dans un avenir proche, chacun d’entre nous devra peut-être renoncer à une partie de ce qu’il a ou à ce qu’il aspire posséder. « Je n’ai peut-être pas besoin d’acheter tous les six mois le magnétoscope dernier cri ? ». D’aucuns disent qu’il faut relancer l’économie par la consommation. « Voilà un cercle vicieux ! » s’exclame un citoyen. « On crée sans cesse de nouveaux besoins. » « Nous sommes matraqués par la publicité ». N’oublions pas que ce sont nos besoins qui créent le travail et non l’inverse. « Mais notre société de consommation qui s’appuie sur des notions d’anticipations et de « toujours plus » pourrait s’effondrer si elle s’arrête brutalement » souligne-t-on.
Nous l’avons vu, la source principale du problème de l’exclusion, et peut-être d’autres, semble provenir de notre conception du travail, cette notion qui lie l’individu à une société, dont on ne parle pas assez mais à laquelle pourtant nous devons réfléchir pour espérer définir les termes d’une société nouvelle.
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