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Compte-rendu synthétique par Marc HoussayeCafé Citoyen de Caen (28/10/2000)

Animateur du débat : Marc Houssaye

» Économie

Économie, politique : qui dirige notre société ?

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De multiples contestations sociales dénoncent aujourd'hui le rôle démesuré de l'économie dans les décisions politiques. Aussi, économie et politique sont-elles souvent considérées comme antinomiques, ou plutôt poussées toutes deux par des intérêts contradictoires. Le débat a donc évolué à partir de cette opinion publique déjà bien ancrée pour ensuite se détacher de cette conception trop manichéenne.

Les intérêts d'une entreprise sont parfois en contradiction avec l'intérêt général. Citons pour exemple la catastrophe de l'Erika. Le but recherché par la firme était de moins dépenser. La marée noire fut la conséquence. Ou encore le dopage dans le monde du sport. La course au spectacle se fait ici au détriment de la santé des sportifs. Et un citoyen de citer l'affaire du sang contaminé. Ces dérives sont frappantes car elles se heurtent à la loi. Dans d'autres cas, l'illégalité ne se pose pas. Ainsi, une entreprise qui rejette des polluants dans des rivières paie une amende en guise d'absolution au vu des autorités. Pour étendre cette réflexion, « La SEITA [ Service d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes ] ne pourrait-elle pas être considérée comme un organisme contraire à l'intérêt général ? » s'interroge un intervenant.

De plus, nous assistons à une « véritable guerre économique » entre lobbies. Les intérêts corporatistes sont plus gouvernés par des préoccupations pécuniaires que motivés par la protection de l'environnement, la santé des citoyens, ou encore les conditions de vie décentes pour tous. L'apparition au XIXème siècle d'un système économique reposant sur la concurrence s'apparentait alors au progrès. Nous n'y voyons de nos jours que les rouages esclavagistes de la société de production et de consommation. Il a été fait brièvement allusion aux multinationales et à l'OMC ainsi qu'à la Bourse. Et il est vrai que ces systèmes sont révoltants par l'exclusion qu'ils engendrent. Car « l'économie d'un pays devrait se soucier de la satisfaction des besoins de tous » s'exclame un citoyen. Mais l'apparente opposition entre un pouvoir économique tout-puissant et un pouvoir politique soumis, voire complaisant, n'est qu'un raccourci source de malentendus.

En effet, une société se construit autour de ses échanges. Si l'économie est l'art d'administrer ces échanges, la politique possède un autre rôle : celui de projeter la société dans l'avenir. « L'économie est par définition la gestion de "la maison", la politique, quant à elle, est du ressort des idéaux » lance un intervenant. Économie et politique sont donc complémentaires. « Examinons la façon dont sont construites les villes. Nous distinguons toujours un marché, c'est-à-dire la zone d'échanges, une église, et un hôtel de ville qui représente le centre politique ». Ainsi, « nous ne pouvons pas séparer l'économie de la politique. Cette dichotomie n'est possible que lorsqu'il y a contradictions d'intérêts ». Ces contradictions, nous l'avons dit plus haut, nous apparaissent plus nombreuses ou plus flagrantes aujourd'hui. Mais la domination de l'esprit économique sur l'esprit politique s'est insinuée depuis longtemps dans les esprits.

Et déjà, économie et politique sont fortement liées dans la conception de Karl Marx qui s'appuie sur la segmentation de la société en classes sociales pour réduire le rôle de la politique à la répartition des richesses. Keynes développe dans ses travaux le terme d'économie politique et entretient ainsi une conception erronée de la politique comme pouvoir gestionnaire. Nos dirigeants actuels accordent plus d'importance au budget de l'État qu'aux débats d'idées et qu'à l'élaboration de projets de sociétés.

« Nos politiciens sont plutôt des gestionnaires ». Ils s'appuient en effet sur les sondages pour plaire aux gens. Faire des concessions aux corporations revendicatives devient de plus en plus fréquent. Car, déclare un citoyen, « lorsque l'aptitude à diriger une société n'est plus, il faut savoir gérer les mécontentements ». De plus, un parcours politique s'apparente de nos jours à une carrière professionnelle. Rappelons, comme nous l'avons déjà dit ici, que la politique n'est en aucun cas un métier. L'avenir d'une société ne saurait être usurpé par une fraction de la population.

Qu'en est-il du point de vue des citoyens ? Il est vrai que notre société de consommation nous impose une telle pression que nous ne sommes plus capables de choisir. Le citoyen s'efface derrière le consommateur. Mais nous ne réagissons que lorsque nos intérêts personnels sont en périls. Suite à la hausse du prix de l'essence, nous bondissons. Que l'on touche à notre porte-monnaie et nous nous insurgeons. Pour autant, il est des initiatives qui marquent et conquièrent le cœur des français. Ainsi, les journées sans voiture et, dans une moindre mesure, les journées sans tabac qui reçoivent l'assentiment de la population. Remarquons par ailleurs le changement de l'opinion publique concernant les aires piétonnes au sein d'un centre-ville.

Ainsi, l'esprit économique domine bel et bien l'esprit politique quasiment inexistant dans notre société. Dans tous les esprits, la politique se résume à gérer. Nous n'avons pas l'habitude d'exprimer nos aspirations pour la société de demain. Pourtant, une société sans utopie ne peut que se mouvoir aveuglément, sans direction précise.

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