Compte-rendu synthétique par Marc Houssaye — Café Citoyen de Caen (24/03/2001)
Animateur du débat : Marc Houssaye
» Politique et Société
Doit-on repenser la prison ?
Repenser la prison ? La question est loin d’être secondaire. Elle est même audacieuse. Car le monde carcéral est bien trop souvent oublié, repoussé dans les bas-fonds de la société. Qui se soucie des exclus de la société ? Les citoyens doivent aussi explorer ce pan de notre société. Ils ne sauraient y être indifférents. Être citoyen est une démarche qui consiste à pouvoir se détacher de ses propres intérêts. Il faut débattre de la prison, de son utilité, de son bien-fondé, de ses possibles voies de réforme.
Dans toute société il existe des règles de vie commune. Lorsqu’une personne les enfreint, elle doit répondre de son acte devant la justice. « Dans les sociétés primitives, on pratiquait le bannissement. La révolution agricole a entraîné une expansion de l’urbanisme. Si bien que l’ostracisme n’est plus possible. Même les planètes les plus proches de la Terre ne sont pas colonisables. » C’est pourquoi de nos jours si un individu est considéré dangereux pour la société, on a recours qu’à la prison. Mais quelle est son utilité ?
« Il est plus facile de surveiller quelqu’un entre quatre murs plutôt qu’en liberté ». La prison possède donc un aspect pratique. Mais pour des intervenants, cette privation de liberté est une aberration. En effet, il n’existe pas de droit plus important que les autres. Ils doivent tous être respectés. Cependant, il est difficile de contrer l’opinion selon laquelle « l’honnête citoyen » doit être préservé de la malfaisance de certains, opinion qui justifie l’emprisonnement. Certes, un individu peut se révéler dangereux pour ses semblables. Mais que faire de cette personne ?
Certains Arcadiens proposent de faire porter aux délinquants un bracelet grâce auquel il serait possible de savoir nuit et jour où ils se trouvent. La sécurité de la société serait toujours préservée. Les affres de l’emprisonnement seraient épargnés.
Quand bien même nous admettions que la privation de liberté est le prix à payer pour « racheter sa faute », il ne faut pas que l’aspect humain en pâtisse. De récentes révélations sur l’état des prisons ont montré que le monde carcéral imposait quelques fois d’autres règles que cette privation de liberté : la privation de l’hygiène, de la nourriture, une promiscuité insoutenable. Ces conditions sont inacceptables. La prison est une administration comme les autres. Il devrait y exister un droit de regard. « C’est ce que tente de mettre en place l’O.I.P. », affirme quelqu’un dans la salle. N’oublions pas, ajoute un citoyen, les autres formes de prisons, par exemple les hôpitaux psychiatriques dans lesquels on incarcère les personnes jugées inadaptées. La question de Maurice Papon s’est posée. Certains parlèrent de peine exemplaire. D’autres s’interrogèrent sur l’utilité de garder en prison un grabataire.
Tout individu est capable de progrès. Le procureur, qui représente la société, recherche ainsi la peine nécessaire et suffisante permettant au contrevenant à la loi de comprendre sa faute. La prison doit donc posséder un rôle « éducatif ». Car aucune peine ne peut constituer une voie sans issue. Toutes doivent aboutir à une possible réintégration dans la société.
La prison isole de la société. De surcroît, elle concentre tous les délinquants dans un même lieu. C’est un monde entier que la société a construit. Avec ses règles internes, son fonctionnement propre, parfois obscur. Sa réputation est faite. On assimile la prison aux oubliettes. Et l’on se méfie d’un ancien détenu. La réinsertion reste alors difficile. Pourtant, puisqu’il sort de prison, cela ne signifie-t-il pas qu’il est capable de vivre en société, parmi ses concitoyens ? Le retour à la société en fin de peine est un choc, de même intensité sinon plus que l’entrée en prison.
La réinsertion doit donc se préparer. Dans la prison. Et dans la société. Outre le fait que l’on permette de plus en plus aux délinquants la possibilité de se cultiver – l’exemple le plus frappant dernièrement est celui de Philippe Maurice -, le travail est de plus en plus utilisé comme facteur de socialisation. « Cela permet d’apprendre un métier. Et de découvrir ce que l’on est capable de faire avec ses mains », argumente un citoyen. « Mais la société extérieure ne profite-t-elle pas de ces « individus déclassés » payés soixante pour cent du S.M.I.C. ? » rétorque un autre. Toujours est-il que l’activité professionnelle soude certainement les prisonniers entre eux et leur donne un but commun.
Enfin, il ne faut pas oublier que l’acte d’exclusion est véhiculée par l’ensemble de la société. Le monde de l’argent. La société de consommation. Jusqu’à notre façon de penser ; en effet, l’esprit cartésien procède par la mise hors contexte du problème avant de l’analyser.
La prison est l’expression de la supériorité d’un groupe sur une personne en terme de droits fondamentaux. Un groupe est de fait capable de neutraliser physiquement un individu considéré comme dangereux. La question de la prison nous oblige donc à repenser le rapport de force entre individu et société.
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