Compte-rendu synthétique par Pascal Bruno — Café Citoyen de Ajaccio (25/05/2010)
Animateur du débat : Pascal Bruno
» Économie
Pourquoi y a t-il de plus en plus de pauvreté alors qu'il y a tant d'associations qui s'en occupent ?
En préambule Pascal rappelle les objectifs du café citoyen : réfléchir ensemble, se faire entendre, être acteur de la cité, ne pas être citoyen juste au moment des élections mais quotidiennement.
Il fait part à l'assistance des projets en cours :
ouverture d'un café citoyen enfants à l'automne
un projet d'échange avec la Savoie
un café des sciences
un café littéraire
des cours d'anglais le soir
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Tout d'abord le constat que la pauvreté progresse a été fait:
Quand les premiers Restos du cœur ont ouvert sur le continent, en Corse on disait " chez nous, il n'y en aura jamais parce que la solidarité joue. Le clan prend en charge les pauvres";
Une analyse de ce qu'est le concept de pauvreté a été esquissée:
C'est une notion qui varie selon les pays et les moments. En France le seuil de pauvreté est de 649 € mensuels pour une personne seule.
Le constat de l'augmentation de la précarité a été largement partagé. Pour autant, il a été rappelé que les conditions de vie sont globalement loin d'être aussi difficiles pour le plus grand nombre que dans d'autres régions du monde. Ce qui ne doit pas cependant pas masquer des cas de détresse et de désespérance bien réels.
Une analyse des causes de la progression de la pauvreté en Corse a été faite:
La Corse a un niveau de vie inférieur à celui du continent. L'intégration de la modernité, électricité par exemple, implique des factures ( on a installé le tout électrique dans les maisons des personnes âgées dans les villages d'où l'augmentation de la facture énergétique).
La sous déclaration de certains travailleurs fait que des gens se retrouvent avec une retraite minorée.
Dans les campagnes, on avait tout ce qui permettait une autosubsistance alimentaire. Aujourd'hui, à part un petit bout de jardin, les gens n'ont plus rien.
La société corse a pris du retard dans la prise de conscience. C'est une société qui niait la misère.
De nombreuses personnes pagées sont touchées. Lors d'un récent reportage à la radio, une personne âgée disait avoir 1500 € de retraite avec 700 € de loyer et avouait qu'elle était obligée de manger dans les rayons en faisant ses courses.
La raréfaction des services de proximité et des services publics en général aggrave encore la situation des personnes âgées.
Elles n'ont pas les moyens de se déplacer car elles ne conduisent plus. Il n'y a plus d'épicerie dans les villages. Quels appuis trouvent-elles ?
Les postiers représentaient un maillage social important. Ils disparaissent. Comment vont faire les personnes âgées dans les villages?
Au-delà des spécificités insulaires, il est des causes plus globales à l'augmentation de la pauvreté et de la précarité qui est un problème mondial
La mondialisation ne marche pas ( cf les études de certains experts américains)
L'écart entre les plus riches et les plus pauvres se creuse.
Une des causes du chômage des jeunes est que les organismes de formation n'ont pas de politique incitative. Il faut mieux orienter les jeunes car on observe dans de nombreux secteurs un déficit de formation et pas de réponses aux besoins.
Certaines formations qualifiantes ne trouvent pas de débouchés. Par exemple en Corse où le secteur porteur est le tourisme, les jeunes de l'école hôtelière ne sont pas pris parce qu'ils sont trop chers.
La solidarité disparaît car la précarité s'étend et favorise le recentrage de la plupart sur leurs propres problèmes.
Certains intervenants se sont interrogés sur l'utilité pour certains qu'il y ait une précarité afin de dissuader les salariés de revendiquer une amélioration de leurs conditions de vie.
Une autre typologie de causes du chômage est que la réglementation sur le travail n'est pas suffisamment appliquée.
Il faut veiller à l'application des lois du travail et, en particulier, à la déclaration de tous les travailleurs.
Il n'est pas normal, par exemple, qu'en demandant une liste de nourrices dans une mairie, on n'obtienne une liste avec une seule nourrice agrée, les autres figurant sur la liste travaillant au noir.
Il faut de déclarer le travail pour préserver l'avenir.
Le travail au noir est souvent une nécessité pour les travailleurs et les décideurs publics ont, au- delà de leurs discours, conscience qu'il peut éviter une explosion sociale.
Les associations ont un rôle utile mais nécessairement limité
Les associations, malgré l'ardeur et l'implication de leurs membres ne peuvent enrayer la pauvreté à elles seules. Elles luttent contre les effets de la pauvreté mais ont peu d'impact sur les causes. La résolution de la pauvreté ne peut être déléguée aux associations.
La prise en compte de la pauvreté doit se faire par l'Etat. Ce devoir de solidarité avec les plus faibles crée une réciprocité. Laisser la lutte contre les effets de la précarité au secteur associatif, c'est de la charité.
La responsabilité des hommes et des femmes politiques est grande dans le développement de la précarité.
La misère est le résultat de 30 ans de politique dévoyée. Les élus ne s'impliquent pas assez au point que c'est à douter, pour certains d'entre eux, de leur détermination à préparer un avenir meilleur. La semaine dernière il y avait un article qui dressait un constat affligeant sur la participation des élus aux séances de l'Assemblée Nationale. Certains encaissent leurs indemnités mais n'y sont pas souvent et même jamais, ce qui témoigne d'un manque de considération pour leurs concitoyens.
Beaucoup de politiques se préoccupent essentiellement de leur réélection et ne prennent pas des décisions contraires à leurs intérêts électoraux même si elles vont dans le sens de l'intérêt général.
Le monde politique en général n'a pas vu venir la crise. Les politiques mises en œuvre durant trente années qui ont suivi les trente glorieuses n'ont servi qu'à masquer la baisse des revenus.
Les politiques n'ont pas de courage. L'influence des lobbies sur les amendements des parlementaires est très grande.
Il convient de dire aux élus que les réformes qui ont un but essentiellement comptable aggravent la destruction des liens sociaux et augmentent la misère.
L' Etat ne joue pas son rôle d'amortisseur social et de protecteur;
Les citoyens doivent faire preuve de courage politique et ne pas démissionner. Ils doivent se battre, échanger, parler pour faire changer les choses.
Un bémol a tout de même été apporté au poids de la responsabilité des élus dans la situation économique.
En effet, les élus ne maîtrisent pas tout et sont débordés. Les marchés financiers faussent toute l'économie et réduisent les marges de manœuvre politiques. L'économie mondiale est déterminée par des gens qui ne sont pas élus. D'autre part certains hommes politiques ont essayé de lutter contre la précarité. Michel Rocard, par exemple, a été chahuté pour le RMI et pourtant, c'était une solution au moins provisoire.
Une évolution des mentalités voire une révolution culturelle est indispensable.
La question de la répartition des richesses qu'évoquait Castoriadis ne peut plus être éludée.
Il y a trente ans dans les cours d'économie, les charges sociales étaient considérées comme un salaire différé, il y a eu un glissement sémantique.
Les déficits sociaux seraient illégitimes alors que le déficit militaire le serait.
Il ne faut pas accepter un langage formaté. Le bien public doit admettre certains déficits.
Les revenus du capital doivent autant contribuer à l'effort collectif que les salaires. Or les salaires représentent 48% des impôts et les cations seulement 18%.
La société aura de moins en moins besoin du travail de tous, le chômage augmente, avoir fait des études ne donne plus l'assurance d'avoir un travail.
Les sombres perspectives économiques incitent à un repli sur soi-même voire à un repli identitaire. L'individualisme amène le communautarisme qui porte au choix de boucs émissaires. On arrive à la détermination de classes " dangereuses" et à la criminalisation des classes les plus pauvres.
Il ne faut jamais oublier que, comme le disait Saint Exupéry, celui qui est différent, loin de léser, enrichit par sa différence.
Pour pouvoir avancer, il faut une société basée sur la confiance alors que nous vivons une société de défiance.
La conciliation de nos valeurs sociétales et du nécessaire développement de pays pauvres paraît très difficile.
La société de consommation qui entraîne de plus en plus de besoins a ses limites. Il faudrait revenir à des valeurs plus simples.
Il convient aussi pour tout un chacun d'avoir une attitude plus soucieuse de valeurs éthiques.
De nombreuses personnes dont notamment des jeunes gaspillent et ne se préparent pas ainsi à un futur citoyen.
Interventions
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