Compte-rendu synthétique par Élisabeth Rodot — Café Citoyen de Argentan (03/10/2002)
Animateur du débat : Élisabeth Rodot
» Politique et Société
Le bonheur est-il une finalité ?
En cherchant à répondre à cette question on s’aperçoit très vite que les gens ne parlent pas de la même chose. Nous avons du d’abord éclaircir la notion et tenter d’en donner une définition.
Il faut distinguer bien-être et bonheur. Le bien-être se rattache à une notion de plaisir, alors que le bonheur est quelque chose de plus profond qui peut atteindre la béatitude, la félicité. Il n’y a pas d’étalonnage possible, chacun essaie de parvenir au bonheur à sa manière : pour certains c’est en s’épanouissant à travers les petites choses du quotidien, pour d’autres c’est une manière de s’évader, c’est être aimé de ses proches, c’est prendre de la distance par rapport aux contingences matérielles et aux souffrances et frustrations qu’elles induisent. La religion ou la quête spirituelle peuvent aider à se détacher et à acquérir une certaine quiétude. Pour les Stoïciens, le sage va même jusqu’à accepter l’idée de la douleur et de la mort pour être en accord avec l’ordre naturel des choses. Le bonheur c’est aussi un état ressenti dans un paroxysme qui ne peut être vécu que par instants. L’épanouissement peut se décliner à travers quelques verbes qui tracent le chemin : quelle part accorder dans sa vie aux notions d'Avoir, d'Être, de Paraître, de Faire ? Quelquefois on a le bonheur sans s’en apercevoir, et c’est uniquement par expérience du manque ou du vide qu’on arrive à le définir et le ressentir. Le bonheur peut aussi se construire petit à petit à travers la soif d’apprendre, de partager, de choisir, de ressentir.
Cette conception s’oppose à l’évolution récente de notre société qui prône la satisfaction immédiate des désirs, engendrant par là-même beaucoup de frustration. L’économie maintient une emprise très forte sur les consommateurs qui pensent trouver le bonheur par la consommation au détriment d’une construction personnelle plus profonde. Par réaction à cet hyper-matérialisme, certains se réfugient dans les paradis artificiels, les raves parties, les comportements de rejet, développant ainsi le sentiment d’appartenance à un groupe.
Pour certains la vie passée imposait plus d’épreuves et les hommes avaient d’avantage conscience du prix des choses. Ils ne se posaient pas la question du bonheur, idée que l’on revendique aujourd’hui haut et fort. Le bien-etre immédiat remplace maintenant les valeurs de travail, de devoir, de fidélité mais est-on plus épanoui de nos jours ? Ne confond-on pas absence de contraintes, fuite des responsabilités et liberté ? La liberté de choix suppose un certain recul par rapport au vécu donc une éducation, donc des contraintes.
Le bonheur est-il seulement une recherche individuelle ou peut-on rêver d’un bonheur collectif ? Il n’y a plus d’idéologie capable de faire rêver les hommes. Nous n’osons plus avoir d’utopie pour notre société qui fabrique l’individualisme. On est passé du concept collectif à la recherche personnelle du bonheur (Comte-Sponville). Cependant si l’utopie manque cruellement, il faut continuer de se méfier de tous les totalitarismes et du bonheur « pensé » à votre place.
Finalement à la question posée au départ nous avons globalement répondu : oui, le bonheur est une finalité, et n’est même que ça ! C’est une démarche constructive, qu’il faut vouloir, qui réclame un certain courage. C’est la valeur ultime vers quoi l’on tend et qui est inaccessible puisque idéale. Si le bonheur n’est pas une finalité, quelle est la finalité ?
Thèmes proposés pour le Café Citoyen du jeudi 17/10/2002 :
- Faut-il légaliser l’euthanasie ?
- Quels atouts pour notre région ?
- Quel avenir pour ARGENTAN ?
- Le NET est-il un facteur de progrès dans la communication ?
- Le virtuel remplacera-t-il le réel ?
- Forces et limites du bénévolat ? Thème retenu
Suggestions bibliographiques :
- Du bon usage de la lenteur (P. Sansot)
- L’Art du bonheur (Dalai Lama)
- L’Euphorie perpétuelle (P. Bruckner)
- Un merveilleux malheur (B. Cyrulnik)
Interventions
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