Compte-rendu synthétique par Élisabeth Rodot — Café Citoyen de Argentan (27/06/2002)
Animateur du débat : Élisabeth Rodot
» Politique et Société
Pourquoi l'engagement politique suscite-t-il aussi peu d'intérêt ?
Devant le constat du désintérêt grandissant vis à vis de l’engagement politique et syndical, les participants se sont demandé ce que pouvait être un parti attractif sachant que la politique décide de la vie quotidienne des citoyens, que l’élu donne les orientations de la vie en société, il est paradoxal que les citoyens se désintéressent de la chose publique.
Beaucoup de citoyens ont peur d’être catalogués sous une étiquette ou embrigadés dans un parti dont ils ne partagent pas les orientations à 100%. Les hommes politiques souffrent d’une image négative. Les partis sont considérés comme des entreprises de marketing et l’adhérent potentiel craint d’être manipulé et utilisé comme un pion dans une stratégie qui le dépasse. Il existe également un très large décalage entre les discours et les actes. Le nombre excessif de mandats ramène l’activité politique à une affaire de « gros sous » et entraîne la suspicion sur l’honnêteté de nos élus. Certains citoyens regrettent également que les politiques traitent les problèmes de manière trop superficielle, qu’il n’y ait pas de vrai débat de fond à l’Assemblée Nationale et que l’absentéisme rende caricaturale cette institution.
En outre la politique semble ne plus faire rêver les gens. Les politiques mises en œuvre successivement s’acharnent à détruire les constructions précédentes. Il s’agit souvent d’une lutte idéologique, vérités contre vérités, mais pas d’un projet global à long terme susceptible d’entraîner l’adhésion du plus grand nombre.
Le système électoral tel qu’il est conçu donne une légitimité contestable aux élus puisque les votes blancs et abstentions ne sont pas comptabilisés dans les pourcentages définitifs. Le scrutin majoritaire donne également une vision fausse de la représentation nationale : aujourd’hui 64% environ des gens ne sont pas représentés par un député à l’Assemblée nationale.
En conclusion c’est tout le système électoral qui est à revoir.
La société de consommation dans laquelle on vit est aussi démobilisatrice pour les idées. Beaucoup de gens ne font plus d’effort pour réfléchir. Le Français est égoïste et préfère souvent s’occuper de lui-même. Seuls, la plupart du temps, les opposants à un (ou des ) projet(s) se déplacent aux réunions de quartier : il s’agit là d’une démarche souvent plus négative que constructive. Notre société est basée sur la satisfaction du besoin immédiat : les gens veulent tout, tout de suite et les politiques (par clientélisme) ont tendance à les satisfaire, une fois encore, au détriment d’une vision de long terme.
Les partis ce sont aussi des citoyens. Pour ceux-ci, adhérer à un parti, c’est profiter d’un espace de débat pour y être entendu, faire valoir ses idées et tenter d’avoir un impact sur la société, faire bouger les choses. Pour certains il s’agit d’un véritable sacerdoce, ils consacrent un temps considérable à leur action politique parce qu’ils ont des convictions fortes. Pour d’autres il existe mille manières de s’engager dès lors qu’on a envie de s’intéresser à la chose publique.
Le vote reste encore un des meilleurs moyens pour exprimer ses préférences comme l’ont compris un certain nombre de citoyens après le premier tour des élections présidentielles de 2002, qui en ont été réduits à manifester dans la rue.
Dans certains pays l’enjeu politique est tel que s’impliquer est une question de survie. Peut-être chez nous s’agit-il d’une question de confort. Il faut toucher à quelque chose d’extrême pour que les choses bougent, pour que les gens se sentent concernés. Par ailleurs le temps du politique n’est pas celui du citoyen. Il existe un décalage entre le moment de la décision et celui de la réalisation.
Face à ces constats, différentes solutions ont été mentionnées. Plutôt que d’afficher en permanence des certitudes, les hommes politiques feraient bien d’interpeller les citoyens, de développer des espaces de débat, de faire appel à leurs propositions, de rendre des comptes dans la transparence et la proximité. Les intervenants se félicitent de participer à un café citoyen permettant un vrai débat de fond en dehors de tout clivage ou étiquette politique. Il existe aussi un travail de fond éducatif à faire auprès des jeunes, par exemple, pour les intéresser au Conseil Municipal des Jeunes, et à l’action politique en général. Les hommes politiques ont aussi un gros effort de pédagogie et de communication à entreprendre auprès des citoyens. Réciproquement le citoyen doit être l’aiguillon de l’homme politique s’il veut changer ostensiblement le cours des choses.
Interventions
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