Compte-rendu synthétique par Élisabeth Rodot — Café Citoyen de Argentan (19/05/2001)
Animateur du débat : Élisabeth Rodot
» Démocratie et Citoyenneté
Qu'est-ce qu'être citoyen ?
Cette question a suscité en préambule une explication sur l’appellation « Café citoyen ». Un intervenant s’est étonné de la juxtaposition de ces « deux noms ». Or citoyen est à la fois un nom et un adjectif ( cf Petit Larousse 99 page 221). Cet adjectif exprime : « ce qui est relatif à la citoyenneté et aux conditions de son exercice ». Par ailleurs l’esprit de la charte de la Nouvelle Arcadie a été réaffirmé : Le café citoyen est un espace d’expression libre, ouvert à tous, dans le respect des règles de ladite charte.
Les intervenants ont tenté de cerner la notion de citoyenneté. Il a été fait référence à l’évolution historique du mot : sous l’antiquité, seuls étaient citoyens les hommes entre 18 et 59 ans (excluant femmes, enfants, métèques, esclaves) qui jouissaient du Droit de Cité, c’est à dire de participer à la vie politique de la cité. Sous la Révolution le mot « citoyen » remplaçait « Monsieur ou Madame » et désignait tout individu. Par ailleurs la première constitution de la République Française a été élaborée par l’Assemblée Constituante qui, à partir des Cahiers de Doléances, a intégré la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (1789) dans les fondements mêmes de la République. De nos jours le terme de citoyenneté fait appel aux notions de droits et de devoirs : est citoyen tout ressortissant d’un État qui accomplit des devoirs envers celui-ci (fiscal, militaire…) et respecte les lois ; en échange il bénéficie d’un ensemble de droits (droit de vote par exemple). A ce propos, un intervenant a estimé que pour être un bon citoyen il fallait participer aux recettes fiscales de la nation, considérant que l’impôt indirect (TVA) n’était pas une forme de contribution et ne relevait pas de l’impôt mais des « taxes ». Cette notion de citoyenneté peut être élargie, hors du territoire national à la citoyenneté européenne, et même mondiale.
Cependant au-delà de la simple définition, le constat a été fait d’une perte globale de l’esprit citoyen. Des exemples d’incivisme (manque de respect, fraude, délinquance financière…) ont été relevés. Des causes possibles ont été évoquées : dislocation de la famille, système de démocratie représentative qui déresponsabilise l’individu, culte de « l’Argent-Roi », valeur prépondérante au détriment des droits fondamentaux de la personne, manque d’honnêteté politique (Pourquoi les députés jouissent-ils encore de l’immunité parlementaire ?), culte de la pensée unique qui « formate » les individus.
Face à ces problèmes, il a été constaté que les citoyens se tournent de plus en plus vers le tissu associatif, pour tenter de construire autrement la Cité, attitude dont les pouvoirs publics ont tendance à se satisfaire, déléguant ainsi des missions fondamentales qui devraient leur incomber. Pour lutter contre toutes ces formes d’incivisme, chacun, à commencer par les hommes politiques, doit retrouver une conduite exemplaire. L’école a un rôle prépondérant à jouer comme vecteur d’une éducation citoyenne, en enseignant, entre autres, un certain nombre de principes ou de lois. La justice devrait pouvoir juger les hommes politiques en toute indépendance, de sorte que les simples citoyens ne se sentent pas seuls justiciables. Enfin le développement d’espaces citoyens, où chacun peut apporter sa pierre à un débat constructif, peut contribuer à redonner , petit à petit, son sens à la citoyenneté, même si ce principe a été considéré par certains comme utopiste.
Annexes :
« La garantie des Droits de l’Homme et du Citoyen nécessite une force publique ; cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’activité particulière de ceux à qui elle est confiée »
Art 22 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789
« 1°- Toute personne a droit de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays soit directement, soit par l’intermédiaire de représentants librement choisis. 2°- Toute personne a droit à accéder, dans des conditions d’égalité, aux fonctions publiques de son pays. 3°- La volonté du peuple est le fondement de l’autorité des pouvoirs publics. Cette volonté doit s’exprimer par des élections honnêtes qui doivent périodiquement, au suffrage universel égal et au vote secret ou suivant une procédure équivalente, assurer la liberté de vote.
Art 21 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948
« Il résulte que l’acte qui institue un gouvernement n’est pas un contrat, mais une loi, que les dépositaires de la puissance exécutive ne sont point maîtres du peuple mais ses officiers, qu’il peut les établir et les destituer quant il lui plaît, qu’il n’est point question pour eux de contacter mais d’obéir, et qu’en se chargeant de la fonction que l'État leur impose, ils ne font que remplir leur devoir de citoyen, sans savoir en aucune sorte le droit de disputer sur les conditions »
in « Le contrat social », Chapitre XVIII, de Jean-Jacques Rousseau
Interventions
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