Compte-rendu synthétique par Élisabeth Rodot — Café Citoyen de Argentan (10/01/2002)
Animateur du débat : Élisabeth Rodot
» Sciences
Le progrès est-il rassurant ?
Progresser veut dire « aller de l’avant ». L’homme a toujours cherché à élargir le champ de ses connaissances. Nous nous sommes demandé qui décidait d’avancer dans tel ou tel domaine, quel était le moteur de cette volonté de progresser ? Est-ce le propre de l’homme, ou un besoin inné de compétition ? Mais le fait d’augmenter ses connaissances n’implique pas forcément un mieux qualitatif. Nous avons décliné différents domaines où la notion de progrès pouvait être analysée tant dans ses aspects positifs que dans ses effets pervers. Le progrès scientifique et technique se mesure aux facilités de la vie quotidienne, le progrès social et culturel est plus difficile à évaluer. L’idée de progrès est connotée positivement depuis le 18ème siècle par opposition au conservatisme ; de nos jours cette connotation positive ne va pas forcément de soi. Nous avons aussi réfléchi à la perception relative de la notion de « progrès » en fonction de la manière de lire l’histoire et d’évaluer le bonheur individuel ou collectif qui en résulte.
Certains progrès sont incontestables : les avancées dans le domaine médical, scientifique, technologique et médiatique avec les implications très concrètes dans la vie quotidienne ( greffes d’organes, échographies, électricité, télévision, ordinateurs, machine à laver, couche-culotte…). Ces progrès qui bénéficient au plus grand nombre constituent un fait globalement positif. Plus l’homme élargit ses connaissances, plus il comprend que le champ du progrès est sans limites : c’est peut-être là, le moteur qui fait avancer la recherche.
Le progrès a aussi libéré de nombreuses tâches pour la population féminine et contribue ainsi à la « libérer ». Aux détracteurs du progrès sous toutes leurs formes (négationnistes, obscurantistes..), on peut objecter que les populations du SUD qui n’en bénéficient pas, l’envient de manière évidente.
Malheureusement ces bienfaits s’accompagnent souvent d’effets pervers : pollution, surconsommation, surproduction, épuisement des ressources naturelles….mais aussi mettent en danger l’intégrité de la personne humaine au travers des découvertes scientifiques liées au clonage, à la carte du génome…. Le problème est que le progrès scientifique est inféodé au pouvoir économique qui l’instrumentalise. Les experts en tous genres contribuent à servir cette tendance que le citoyen lambda ne saurait contester. D’autre part trop de connaissances noient l’individu qui a du mal à donner un sens global et cohérent à une multitude de savoirs découpés en kit. Il est également évident qu’à l’échelle de la planète seul un petit nombre d’individus bénéficie du progrès : nous sommes loin d’un partage équitable. En occident on bénéficie du progrès technique et de la consommation tous azimuts, mais sur le plan humain la tendance est à l’anesthésie des individus qui se retrouvent le plus souvent dans le seul acte de consommer.
Autres effets pervers, les avancées dans tel ou tel domaine s’accompagnent de l’abandon de pans entiers de connaissances antérieures souvent liées au bon sens populaire. On a développé l’énergie fossile ou nucléaire au détriment de sources d’énergie diversifiées préexistantes : moulins à vent, à eau…Il en va de même pour les médicaments où la chimie a quasiment effacé la phytothérapie…Les enfants ont accès à des connaissances très complexes par internet, entre autres, mais ont perdu les savoirs de base cycle de la nature, observations des animaux...etc. Un intervenant précise que les enfants, en maîtrisant mieux certaines techniques que leurs propres parents perdent la notion de la valeur des adultes. ( désarroi des enfants qui n’ont plus de tuteur, manque de respect envers les personnes âgées...).
Le progrès peut être bénéfique à condition que l’homme n’en soit pas dépendant au point d’en être fragilisé. Toute avancée est positive si elle est partagée par tous. Il importe que tous les modes de pensée, de la base à l’élite, soient pris en compte afin d’éviter les monopoles ainsi que les déperditions de savoir. On peut se demander s’il est possible de fixer des limites au progrès, ou si on est condamné à un progrès infini . L’homme aura-t-il la capacité de progresser aussi sur le plan spirituel face au rouleau compresseur du progrès matériel ? Chacun de nous, en tant que citoyen responsable, a son rôle à jouer dans l’évolution à venir.
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