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Compte-rendu analytique par Jean-Marie SeeuwsCafé Citoyen de Caen (14/02/2009)

Animateur du débat : Marc Houssaye

» Politique et Société

Que signifie « mourir dans la dignité » ?

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Animateur - Le thème aujourd'hui est : que signifie mourir dans la dignité ? Je donne la parole à la personne qui a proposé le thème.

1 - Ayant eu à accompagner récemment des personnes en fin de vie, je me suis interrogée sur ce que la société offrait à ces moments de fin de vie. J'ai d'abord constaté que nous étions dans une société où la mort effraie beaucoup et que nous sommes marqués par un déni de la mort et un mythe de la toute puissance médicale, que la mort était vécue comme une ennemie à vaincre un peu comme une maladie, alors que moi je pense que de toutes façons la mort est inéluctable. Il faut quand même se rappeler que pendant des siècles la mort a été vécue comme naturelle, que c'était une familiarité et qu'il y avait des rituels pour cela tout au long de la vie. Ce n'est qu'au début du vingtième siècle que la mort est devenue tabou. La notion de dignité n'est pas nouvelle puisque déjà en janvier 1999, le journal France-Soir publiait un manifeste signé par 52 personnalités qui disaient : "nous voulons choisir le moment de notre mort, la manière de mourir et nous voulons mourir dans la dignité". Cette affirmation depuis a été beaucoup reprise puisqu'il y a eu Mireille Jospin, puis Claire Quilliot qui ont préféré choisir le jour de leur mort, qu'elle veut mourir vivante c'est-à-dire qu'on doit la laisser libre de mourir. Et puis il y a tous les débats, tous les combats que l'on connaît actuellement avec Marie IMBERT, avec cette femme qui avait le visage très déformé par la maladie ou plus récemment par Vianna en Italie. Il y a un débat qui s'est instauré dans notre pays, dans d'autres pays aussi sur la fin de vie, sur son accompagnement, il y a un mouvement qui se développe me semble-t-il en faveur de la réappropriation de la mort, une mort lucide, dont on ne veut plus être le sujet, une mort que j'appellerais moi dans la dignité. Mais la question est, c'est quoi mourir dans la dignité ? Alors j'ai plusieurs questions à poser. Est-ce que vous avez le droit de mourir, c'est-à-dire le droit à l'euthanasie ? Exiger d'un tiers qu'il vous donne la mort, est-ce digne ? Et si notre responsabilité pour demander cet acte, quelle violence demandons-nous aux autres en réclamant un tel geste ? Ensuite se pose la question de l'acharnement thérapeutique. Est-il le gage d'une mort digne ? Est-il digne de prolonger envers et contre tout la vie ? N'est-il pas plus digne et plus humain d'assurer au mourant le plus de confort possible ? La médecine doit-elle retarder la mort au risque d'une longue agonie ou au contraire accompagner le mourant en lui permettant de vivre le plus sereinement possible cette étape ultime de sa vie ? Mais aussi avoir la possibilité de maitriser ce moment, d'être accompagné, de pouvoir dire ses peurs, ses angoisses, être sûr qu'on ne sera pas abandonné et qu'on saura respecter notre désir de mourir, également que soit respecté notre désir d'être informé sur les thérapeutiques, sur la garantie d'être soulagé et pouvoir transmettre paroles et actes à ceux qui restent. Mourir dignement est-ce que ce n'est pas avoir la possibilité de maintenir jusqu'au bout une relation, un échange, d'être regardé comme aimable au sens propre du mot, c'est-à-dire digne d'être aimé et appartenant toujours au monde des vivants ? Je me demande aussi quelle part de liberté et de responsabilité nous est laissée face à la mort, quel rôle possède l'État, quelle garantie a-t-il à offrir et quel rôle en tant que citoyen nous avons pour permettre de pouvoir mourir dans la dignité ?

Animateur - Merci pour cette intervention qui pose beaucoup de questions en fait. Je vais donner la parole tout de suite pour que l'on entre dans le débat mais avant juste poser cette question, est-ce que vraiment aujourd'hui dans notre société on a peur de la mort ?

2 - Je voudrais revenir sur la manière dont vous avez introduit le sujet. Il est clair que la mort fait partie de la vie, c'est quelque chose de naturel. La question c'est surtout dans quelle condition et comment on peut accepter de prolonger la vie de quelqu'un qui de toute façon n'en a plus envie et quel moyen on se donne pour accompagner les personnes en fin de vie. Cela relance aussi le débat sur le fonctionnement de l'hôpital et éviter que le système de soin soit nécessairement rentable. [Cette intervention n°2 a été partiellement reconstituée car l'enregistrement est par moment inaudible.]

Animateur - Vous nous parlez de l'hôpital, vous nous parlez de l'accompagnement des personnes en fin de vie. L'accompagnement des personnes en fin de vie, évidemment on va parler d'euthanasie, mais essayons d'aborder la question, non pas seulement sous l'angle de l'euthanasie, mais également sur ce que signifie mourir dans la dignité. A mon avis, l'euthanasie ou l'accompagnement de fin de vie, peut-être que ça se rapproche plus, mais notre thématique est plus importante, plus large...

3 - Mourir dans la dignité c'est avant tout ne pas mourir dans la solitude. Quand on a vu pendant la canicule, mourir 15.000 personnes âgées, à cause, la plupart du temps, un problème de solitude. On peut se poser des questions sur la société actuelle, c'est très tentant de vouloir abréger la vie des gens par commodité, par intérêt, par commodité là on est en train de perdre toutes nos valeurs, c'est-à-dire la solidarité. Il faut qu'il y ait une solidarité, et quand actuellement les gens meurent à l'hôpital malheureusement, avant ils mouraient dans leur famille entourés de tous les leurs, maintenant on meurt à l'hôpital au milieu d'un appareillage extrêmement sophistiqué, malheureusement très douloureux pour ceux qui y sont. Moi j'ai vu l'expérience de mon beau-frère qui ne supporte plus tous les tuyaux qu'il avait, il voulait les arracher. Je ne sais pas s'il voulait mourir mais en tout cas je sais qu'il ne voulait pas supporter tout cela. J'ai lu avec beaucoup d'intérêt, je ne sais pas si vous l'avez lu, le livre de Marie de Hennezel, « Nous ne nous sommes pas dit au revoir ». Elle nous raconte la vie de ces gens quand ils crient à l'aide ce n'est pas forcément pour mourir, c'est parce qu'ils veulent qu'on les aide, qu'on les accompagne. C'est ça le véritable drame de notre société, c'est qu'on abandonne les gens et qu'on essaie de trouver des solutions de facilités. Moi je pense que demander la mort et la faire supporter par autrui, ben ce n'est pas normal, ce qu'il faut c'est accompagner les gens et la meilleure façon actuellement c'est les soins palliatifs. Il y a des unités de soin palliatif, malheureusement ce n'est pas développé en France, il y a des pays où c'est développé et croyez-moi quand les gens sont bien accompagnés, écoutés, qu'on apaise leur souffrance et qu'on les accompagne jusqu'au moment final et bien ils souffrent beaucoup moins.

Animateur - Je reprends deux choses, vous avez évoqué le terme de souffrance, est-ce que mourir dignement c'est mourir sans souffrance ? Vous avez parlé aussi de la solitude, est-ce que mourir dignement c'est mourir entouré ?

4 - Il se trouve que dans mon environnement de proximité j'ai vécu les trois cas qui viennent d'être exposés. Les deux premiers cas sont dans le cercle hospitalier, c'est-à-dire que j'ai connu un acharnement thérapeutique pour une personne en fin de vie, ce qui a été très traumatisant pour la personne et pour son entourage. J'ai vécu aussi un accompagnement par le corps médical, infirmière, médecin pour adoucir les douleurs de la personne pour qu'elle puisse effectivement vivre avec ses proches ce moment ultime et pouvoir prononcer le plus sereinement possible ces dernières paroles. J'ai vécu aussi le décès d'une personne dans son environnement familier chez lui, entouré des siens. Alors je peux faire des comparaisons. Le problème c'est la solitude de la personne et peut-être aussi la peur de ce moment à vivre qui est ultime, après il n'y en aura plus d'autres. Vous avez abordé aussi le problème économique du milieu hospitalier. Un simple petit rappel, je crois que l'on fournit à l'industrie automobile pas loin de 7 milliards d'euros, je crois si ma mémoire est bonne qu'on a trouvé assez rapidement. Il me semble avoir lu que le déficit hospitalier est de l'ordre de 10 milliards, là on n'a pas su trouver l'argent, il y a donc sur le plan société quand même une petite question. Les soins palliatifs, en fait avec ce que l'on a vécu avec le décès d'une personne dans le milieu hospitalier, je considère que ça a été très bien fait. C'est plus le problème de la publicité de l'acte. Il me semble que le milieu hospitalier, de tout temps, a essayé de réaliser l'accompagnement le plus adouci possible pour la personne et son entourage. Ce qui chiffonne le plus sur le plan sociétal c'est la publicité que l'on peut faire sur ce type d'acte. Nous sommes dans une société très avancée où on doit légiférer pour tout. C'est peut-être ça aussi qui peut poser question. Auparavant effectivement on ne cachait pas la mort, aujourd'hui on la cache et quelquefois même la naissance, le jeune papa on le prit gentiment d'aller voir ailleurs, que le moment n'est pas encore arrivé. C'est comme ça que j'ai vécu d'ailleurs, ma fille et moi nous sommes arrivés ensemble à la clinique et on me demandait ce que je venais faire là, au fond quelle était ma place. Mais j'ai vécu aussi une naissance accompagnée et ça c'était dans la joie, ce n'était que du bonheur. Pour les décès avec accompagnement et bien je dois dire que ça n'a pas été dans la douleur, ça a été dans la sérénité, cette personne a vécu son moment ultime en ayant un mot pour chacune et pour chacun et elle est partie dans la nuit , sereinement, accompagnée simplement de son mari et ça a été très, très bien. Je vous parle simplement d'une expérience vécue.

Animateur - Merci pour ces expériences, ce qui interroge aussi c'est qu'à priori, et c'est marrant vous faites le lien entre la mort et la naissance. Est-ce qu'aujourd'hui on n'a pas une certaine pudeur à l'égard des choses les plus naturelles ? Une pudeur et même peut-être une gène et donc on peut s'interroger sur cette gène qui peut apparaître aujourd'hui dans notre société et cette relation que l'on a avec cette dignité Qu'est-ce que mourir dans la dignité ?

5 - Je crois qu'il serait intéressant aussi de retrouver dans l'histoire le témoignage de gens qui sont morts dans la dignité, il y en a qui sont allés vers la mort et qui l'ont vécu de manière joyeuse, ce qu'on appelle, dans certaines traditions, les martyrs, qu'il s'agisse de la tradition chrétienne ou d'autres traditions religieuses. Et une petite parenthèse en passant, quelqu'un disait que la mort était un phénomène inéluctable, pourtant il y a une tradition qui révèle que certains sont passés directement dans un autre monde sans passer par la mort, Enoch ou l'histoire d'Élie emporté par un char de feu, c'est ce que dit la bible et je pense aussi à la tradition chrétienne et ses martyrs qui allaient à la mort en chantant, ils savaient que ce serait douloureux sur le plan physique mais ils le vivaient joyeusement. Et on parlait de la naissance tout à l'heure c'est vrai que c'est une sorte de mort aussi, l'enfant il est dans le sein de sa mère il ne doit pas s'occuper de boire, manger, vider ses excréments et s a première réaction quand il meurt, dans le fond c'est une mort, il pousse un hurlement de découvrir ce nouveau monde dont il ne connaît strictement rien. Je pense que ce rapprochement entre la naissance et la mort n'est pas sans intérêt, on peut aussi penser que la mort est un saut dans l'inconnu, mais c'est aussi une nouvelle naissance. Le problème est comment le vivre et comment le vivre avec les autres.

Animateur - Deux petits points, vous avez parlé d'Hénoc, du coup on peut s'interroger sur l'oubli, parce que mourir dignement n'est-ce pas mourir sans être oublié avec sa mémoire qui perdure etc. Et puis vous avez parlé, et je pense que c'est intéressant aussi pour notre débat, des personne qui abordaient ce moment fatidique avec joie, vous avez parlé des différentes manières d'aborder la mort et on peut penser que mourir avec dignité c'est affronter la mort avec honneur et bravoure. Cela a pu se manifesté ainsi, quand on défendait des valeurs par exemple.

6 - Je vais vous lire deux petites phrases qui sont parues dans le nouvel Obs qui concernent la mort d'Umberto Eco : » Umberto Eco revendique le droit de choisir sa mort dans tribune parue dans le Republica, j'ai le droit de choisir ma mort pour le bien de l'autre. La citation est coupée puis elle reprend : c'est ce qui m'a toujours enseigné la morale, pas seulement laïque mais aussi celle des religieux. C'est donc ce que disait cet intellectuel de 77 ans auteur du « nom de la rose » Dans je pense que dans la petite coupure et dans bien des autres il doit faire état à ce que je ressens, la mémoire et l'amour des proches, la vie qu'entretienne les autres en mémoire de nous une fois que nous ne sommes plus là, quelle image nous laissons quand on est dégradé, assisté, sous l'asservissement complet de l'autre, que l'autre rame pour vous maintenir dans un état à coté, est-ce ça l'amour du prochain de vous laisser en dépendance à ce point. Je trouve que nous avons une réflexion à faire sur ce sujet là, parce que partir c'est d'essayer de laisser la meilleure image de soi, c'est de ne pas laisser des traces qui auront du mal à s'effacer. Si l'on se souvient des civilisations anciennes pour les quelques écrits qui restent, on a des traces pour les Indiens, pour le Japonais, pour les Chinois, pour le Tibet, les Indes, où les vieux s'en allaient en dehors du lieu familial où ils vivaient pour aller mourir soit dans un désert, soit sur une montagne et quand ils ne pouvaient plus marcher les jeunes les accompagnaient, c'était le départ vers une vie éternelle et c'était accepté. Certains s'aidaient de poison, d'autres n'avaient pas ce moyen là et se laissaient mourir doucement mais la mort était acceptée dans les civilisations anciennes. Il y a quelques traces chez nous mais j'ai du mal à trouver des choses assez concrètes où les gens allaient dans les anciennes habitations troglodytiques, donc je pense que ça a toujours existé mais aujourd'hui au nom de certains principes philosophiques ou religieux on veut essayer de nous imposer la vie jusqu'au bout coûte que coûte. Je pense que là nous avons un gros effort de réflexion, est-ce que la religion est à ce point cruelle qu'elle doit nous faire souffrir jusqu'au bout, est-ce que certaines philosophies doivent nous amener à respecter la vie et à nous faire souffrir jusqu'au bout. Je crois que là il y a ce débat qui est nécessaire et qui devrait nous permettre de trouver une juste valeur.

Animateur - Je vais juste retenir un point parmi les différentes dimensions de votre intervention, vous nous dites que dans certaines civilisations, mourir dignement c'était mourir en retrait de la société, alors qu'aujourd'hui on souhaite plutôt être entouré, accompagné, qu'on ne meure pas seul. Donc en peut s'interroger aujourd'hui sur ce que signifie mourir dans la dignité, est-ce vraiment lié à la solitude ou pas, est-ce que finalement ce n'est pas une question personnelle, est-ce qu'il n'y a pas plusieurs manières de voir la dignité ?

7 - Je voulais dire que c'est qu'actuellement on ne permet pas à la famille de pouvoir accompagner les personnes, vous êtes obligés de prendre sur vos vacances ou sur le repos. Il faut savoir que le couple actuellement travaille à deux et pour faire venir quelqu'un à domicile c'est galère, c'est très cher. C'est pour ça que l'hôpital a voulu développer ce qu'on appelle les soins palliatifs, on essaie de recréer un lieu familial. Il faut dire aussi que certaines personnes préfèrent mourir à l'hôpital parce que ça les rassure au niveau médical, au niveau des aides respiratoires parce que c'est ça qui arrive en dernier et c'est vrai que ce n'est pas du à tout le monde. Mourir dans la dignité c'est peut-être aussi quand la personne a fini de souffrir aussi bien physiquement que psychologiquement, une fois que la personne a résolu, qu'elle a accepté qu'il n'y avait plus rien à faire, qu'elle a résolu tous ses papiers, tout ce qu'elle a pu dire à ses enfants, à sa famille, là la personne peut mourir et elle meurt paisiblement, sereinement.

Animateur - Juste une question, mourir à l'hôpital, ne pas mourir à l'hôpital, ça peut être aussi cette question là du point de vue de la dignité.

8 - Je voulais donner une piste encore différente de cette façon de mourir, nous n'avons pas encore parlé de la mort par suicide assisté qui est légale dans certains pays comme la Suisse, la Belgique maintenant, les Pays-Bas qui n'est pas encore du tout d'actualité en France, bien qu'il y ait une association qui s'appelle, Association pour mourir dans la dignité, mais cette association, je l'ai contacté, je vais être honnête, ne va pas jusqu'au bout et vous envoie en Suisse. Alors je ne peux pas tout expliquer, mais si vous avez des questions à poser, mais je peux cous dire que je l'ai vécu personnellement pour une personne proche que j'ai accompagnée et c'est véritablement à mon sens exactement la définition, c'est-à-dire que c'est une mort entourée, dans la dignité, sans souffrance et avec l'accompagnement, la présence des proches.

Animateur - Si vous avez des questions à poser à cette personne en particulier, ce sera après le débat. On cherche à savoir aujourd'hui tous ensemble ce que signifie mourir dans la dignité. Là, vous nous parlez de procédés qui ne sont pas en vigueur en France, le suicide assisté, on parle beaucoup aujourd'hui d'euthanasie. Le suicide assisté, c'est quand même un peu plus loin. On peut effectivement s'interroger sur la liberté de choix à l'égard de notre mort, comment souhaiterions-nous l'aborder personnellement, parce que évidemment on s'interroge d'abord de manière personnelle sur cette question.

9 - C'est là-dessus que je voulais parler, le problème de liberté, on parle de la mort, comme ça, mais en fait on s'aperçoit quand on la voit de prés que chaque individu peut avoir un choix, une volonté différente, il a des différences entre ceux qui sont conscients et ceux qui ne le sont pas. Je crois que ce qui est important, ce serait d'arriver à respecter, au moins pour ceux qui sont conscients, la liberté qu'ils ont dans le choix de leur propre fin de vie. Il me semble que le fait d'en parler, d'en parler autour de soi, en parler même avec ses enfants, moi j'avoue que je parle volontiers, enfin volontiers ce n'est pas de joie non plus, il ne faut pas exagérer, mais je parle volontiers autour de moi, même devant mes enfants de ce que j'aimerais pour ma fin de vie, parce que j'estime que parler de sa fin de vie c'est aussi parler de sa vie. Parler de sa fin de vie, c'est leur mettre dans leur tête que, même si on aime par-dessus tout la vie, il arrivera un jour où on sera appelé à disparaître et que ce jour là on peut leur laisser comprendre ce qu'on aimerait pour soi-même. On ne choisit pas pour les autres mais choisir je crois sa fin de vie quand on est conscient, en parler bien avant, en parler avec ses enfants, même avec ses petits enfants en fonction de leur âge, dans les questions qu'ils posent, savoir leur faire comprendre que c'est une chose inévitable qui fait partie de la vie, qui est une suite dans notre vie et qu'à un moment pour une raison ou pour une autre ça ca s'arrêter, je pense que c'est très, très important parce que ça leur permet de comprendre qu'on a notre propre liberté et qu'on a notre propre choix. Il n'y a des gens qui ne sont pas conscients, mais s'ils en parlent avant, ils ont la possibilité de désigner quelqu'un de leur famille qui sera chargé d'assurer leur décision de l'époque où ils étaient conscients. Je pense que ça c'est faisable aussi. Mais c'est vrai que c'est toujours difficile, c'est pour ça qu'on a ce problème là. Je vois chaque semaine des malades, j'en vois en fin de vie dans un cadre différent. Les gens vont vous dire ah oui, on ne peut pas savoir quelle est la réaction de la personne quand elle arrive en fin de vie mais je peux vous dire, par ce que j'ai vécu, j'ai vu des gens qui en parlaient, je ne peux pas faire de statistiques, mais pour moi les gens qui malades savaient qu'ils allaient prochainement partir, qui savaient mettre un nom sur leur propre mort, je les ai vu partir plus sereins que des gens que j'ai vu trainer dans un état douloureux pour eux et pour leur famille, mais qui n'en parlaient pas. Personnellement, je parle pour moi personnellement, je me dis que pour moi quel gâchis.

Animateur - Juste un petit point, d'abord vous nous dites finalement on se pose la question de mourir dans la dignité, qu'est-ce que ça signifie aujourd'hui dans notre société comme si on se tétanisait sur la mort, alors que finalement la vie il faut aussi la vivre avec dignité. Par contre ce qui est intéressant c'est de se poser la question aujourd'hui, pourquoi on se la pose de plus en plus, dans notre société je veux, on ne se la pose peut-être pas en Inde de cette manière là, pourquoi on se focalise aujourd'hui sur cette approche de la fin de vie.

10 - Je ne vais pas repartir sur ce que Marc vient de dire, je voudrais repartir sur l'acceptation et le regard que l'on peut porter sur la déchéance et la souffrance des gens qui vont mourir. Il me semble, pour l'avoir vécu de très prés, que l'acceptation à la fois de la personne qui va mourir et à la fois de son entourage est importante pour effectivement permettre cette dignité. A titre personnel j'ai eu à accompagner un être cher qui partait, il souffrait physiquement énormément, c'est à partir du moment où l'on a pu ensemble, ensemble c'est-à-dire en couple mais aussi avec le reste de la famille, parler de son départ, pouvoir lui dire si tu ne veux plus lutter, tu ne luttes plus, si tu veux partir, tu as le droit de partir, c'est ton droit à toi, c'est ta vie à toi, nous cela nous fera de la peine, mais nous on reste vivant derrière et on fera en sorte que tu reste vivant derrière. Ca c'est important, à partir du moment où l'on a pu se dire ça en famille, on a pu aussi dialoguer avec le médecin parce que c'est important ce dialogue, pour voir comment alléger les souffrances physiques, pour voir comment tout doucement parler de vie et non plus lui parler de la mort, il n' a plus parler de la mort, il a pu transmettre des choses, il a pu recevoir ses amis, il a pu dire toutes les dernières choses qu'il avait à dire à ce moment-là au reste de sa famille. On peut dire qu'il a eu une mort douce alors qu'il a énormément souffert avant, mais il a eu une mort douce parce qu'entouré des siens et il nous a laissé une mort douce c'est ce qui a permis au reste de la famille de vivre parce qu'il nous a dit des choses et à partir de là on est vivant, on peut regarder la vie tout à fait autrement. La déchéance, ma foi, je veux revenir là-dessus, c'est aussi le regard que l'on porte sur la déchéance, moi très honnêtement je regarde parfois des photos de mon conjoint, je me dis mon dieu il était comme ça et je ne l'ai jamais vu comme ça, c'est clair je ne l'ai jamais vu comme ça parce que j'ai continué à regarder en lui tout au long de sa maladie sa « déchéance » c'est que je préférais en lui comme je l'ai rencontré, comme je l'ai aimé, comme je l'aime toujours.

Animateur - Peut-être que mourir dans la dignité s'accompagne aussi de beaucoup d'échanges, de paroles, d'écoute, peut-être des choses qu'on a du mal aujourd'hui à accomplir. C'est peut-être aussi en en parlant et est-ce qu'on ne pourrait pas dire que la mort se prépare toute sa vie, aujourd'hui on n'a peut-être pas trop le temps d'y penser, est-ce que mourir dans la dignité n'est pas un travail de longue haleine.

11 - Je voudrais remercier la personne qui a présenté le sujet parce que je trouve qu'elle l'a fait de manière très complète avec beaucoup de questions intéressantes, le fil du débat m'intéresse beaucoup. Je voudrais revenir sur deux points. Le premier la relation entre la mort et la naissance. J'ai eu l'occasion récemment d'enterrer quelqu'un et j'ai été frappé de voir comment ses dernières heures, sa dernière journée était relativement proche de l'état d'un bébé, en train de gargariser etc., il y a vraiment quelque chose là qui est frappant. Plus globalement, plus philosophiquement ça m'a fait penser à Nietzsche qui disait qu'il ne pouvait pas y avoir deux vides, un vide avant la naissance et un vide après la mort, il n'y a forcément qu'un seul vide. Je voulais revenir sur le choix, c'est vous qui m'y avait fait penser, monsieur, quand vous avez rappelé la phrase d'Umberto Eco qui disait qu'il voulait choisir sa mort, et finalement je me suis dit jusqu'à il y a peu personne n'a jamais pu choisir sa mort, jamais on ne définit ni le lieu ni le moment. Je me dis que si aujourd'hui on peut le faire, c'est le paradoxe médical qui fait que la médecine peut faire durer plus longtemps que prévu. C'est un paradoxe qui fait que l'on se sent dépossédé de ce moment ultime et en même temps c'est « positif » puisqu'on va pouvoir le choisir ce moment là. Il y a d'un coté une dépossession parce que médicalisé et qui va nous faire durer dans le temps et en même temps on peut se dire à un moment je pourrais dire stop. C'est donc un paradoxe qui me semble intéressant et qu'on pourra prendre pour nous, je veux dire par là que derrière cette dépossession médicale il y a peut-être une reprise de ce moment-là, un reprise en possession du dernier moment pourrait se faire selon moi, et je reprends ce que disais Marc, en faisant son chemin, donc mourir dans la dignité serait peut-être faire son chemin, son chemin de vie. Ca rejoint également la question du suicide assisté, question qu'on ne se posait pas avant et qu'on peut aujourd'hui faire, on peut préparer ce moment-là on peut entrer en possession. Mais je crois que le dénominateur commun me semble-t-il c'est comme à chaque fois la solidarité, en tout cas la non solitude.

Animateur - Vous parlez de l'investissement personnel, sur le choix, le moment de choisir, c'est une question fondamentale, comment choisir, est-ce qu'on a peur de la mort quand on a le sentiment de s'être accompli, c'est ça qu'on peut se poser comme question est-ce qu'on a peur de lâcher la vie quand il finalement on a fait tout ce qui nous semblait être bien, être juste, qu'est-ce que mourir dans la dignité finalement ?

12 - Est-ce qu'on peut avoir peur de la mort quand on a accompli toute sa vie, moi je dirais est-ce qu'on peut mourir aussi même si on n'a pas accompli toute sa vie, parce qu'on n'est pas forcément au bout de son chemin et pourtant je crois que l'important est de réussir à ranger ses affaires comme disais madame très justement on range ses affaires, on règle ses problèmes avec ses voisins, avec ses proches, avec ses amis et pourquoi pas on part en paix un peu comme vous le rappeliez un livre de Simone de Beauvoir, une mort très douce. C'est peut-être ça mourir dans la dignité. Je me pose la question et monsieur qui vient d'intervenir nous rappelle ça aussi, c'est la différence entre l'autonomie et la dépendance, on peut être complètement dépendant et être complètement autonome de ce que l'on fait, c'est peut-être ça mourir dans la dignité. Quand j'entends dire ne pas mourir seul, moi si j'ai envie de mourir seul, foutez-moi la pais, si j'ai envie de partir, les oiseaux se cachent pour mourir, il parait, et bien je crois qu'il ne faut pas dire que la solitude est forcément épouvantable, ça peut être un choix. Par contre ce n'est souvent pas un choix d'être seul, on peut aussi être seul dans un accompagnement trop envahissant, et pas seulement à l'hôpital. J'ai beaucoup entendu parler de l'accompagnement de fin de vie à l'hôpital, mais aussi de l'accompagnement de fin de vie à domicile, mais aussi de non accompagnement de fin de vie à domicile et de fin de vie non accompagnée à l'hôpital, il y en a partout. Le nœud du problème est surtout sur l'autonomie et la dépendance et c'est vrai qu'aujourd'hui on n'a pas les moyens, je ne sais pas s'il faut des moyens législatifs pour le faire, je suis professionnel de santé, jusqu'à présent on s'est bien débrouillé, comme ça, sans autre forme de procès. Donc pour reprendre le titre de l'affiche, que signifie mourir. Pour beaucoup mourir est un acte essentiel de la vie, la première maladie sexuellement transmissible forcément mortelle c'est la vie, ne l'oublions pas. J'écarterais toutefois les gens qui choisissent de mourir en martyr, c'est autre chose, ils font leur vie, c'est leur truc à eux mais ce n'est pas la même quand on est arrivé au bout d'un chemin qui nous est imposé par les circonstances. Et que signifie la dignité et bien oui c'est la sérénité et l'autonomie. Pour moi mourir dans la dignité c'est ça, est-ce qu'on est capable tous de le faire, c'est un autre débat. Merci d'avoir initié le débat cela fait 25 ans que j'exerce une profession médicale, on est tous les professionnels soignants confrontés à des choses douloureuses et des suicides de personnes âgées qui ont été mises en maison de retraite c'est épouvantable à vivre, en particulier pour les soignants aussi. Moi je suis content de ce débat, c'est la première fois que je vois un café citoyen bien que ça fait longtemps que j'en connais l'existence, mais ce sujet là m'a fait me déplacer.

Animateur - Je remercie tous les citoyens qui étaient là la dernière fois et qui ont choisi le débat. On arrive à ce moment du débat, on se pose la question suivante, on peut toujours s'interroger personnellement sur la manière de concevoir la dignité de notre mort, mais finalement c'est peut-être plus dur quand c'est à l'autre et là il y a peut-être la société qui doit agir, ou pas, enfin, qu'est-ce que vous en pensez ?

13 - Je voudrais intervenir sur plusieurs petits points. Je suis assez d'accord avec monsieur au sujet des martyrs, j'ai écouté tout à l'heure mais le coté martyr, ou le coté mourir dans l'honneur, je ne suis pas sure que les soldats par exemple qui ont débarqué sur les plages normandes étaient contents d'obtenir une balle dans la poitrine. Je serais donc assez critique sur l'idée de martyr, je comprends ce que ça veut dire, mais un petit regard critique sur mourir dans l'honneur, du moins aujourd'hui. L'autre point fondamental il me semble dans ce débat a été évoqué par la personne qui a commencé le débat, est-ce que la fin de vie va se réduire à l'euthanasie, je suis un peu inquiète là-dessus, c'est-à-dire on nous oblige à être pour ou contre l'euthanasie, ce n'est pas vraiment le débat parce que la fin de vie ne se résume pas à l'euthanasie, dans le domaine personnel on ne sait pas ce qu'on va faire, pour nos proches, que ce soit du domaine du privé ou du domaine du social on n'est peut-être pas tout à fait sur la même longueur d'onde. Moi je n'aime pas trop ce débat repris par les médias et par certaines associations. Qui nous obligent à être dans le pour ou contre. On a aussi parlé de solitude, a la fois parole, il faut aussi arranger ses affaires ça me semble important. Mais puisque 70% de la population meurent actuellement dans les institutions médicales, hôpitaux ou maison de retraite, c'est quand même beaucoup de monde. Madame disait à juste titre dans la solitude des mourants, on avait peur des personnes en train de mourir parce qu'on ne savait pas quoi faire même quand on est proche, on ne sait pas quoi dire. On peut inverser le propos, peut-être que ces personnes ont aussi peur de nous, de la manière dont on se comporte. Je crois qu'effectivement cette discussion sur la solitude comme disait Jung la solitude vis-à-vis de la mort c'est peut-être la vie, on se posait la question alors de la vie en occident puisque le débat était plus sur la société occidentale.

Animateur - Oui on peut essayer de savoir si ce n'est pas contextualisé ce débat, aujourd'hui on parle beaucoup d'euthanasie, de fin de vie, est-ce parce qu'on est dans une société vieillissante, en France on est de plus en plus vieux.

14 - La réflexion que je me faisais c'était le parallélisme entre la naissance et la mort, le début de la vie et la fin. Il semblerait que des pays, des cultures ont des générations, comment dire, vivent en parallèle de façon permanente ces moments particuliers de la vie. Dans mon métier, je suis plutôt au début de la vie puisque je suis sage-femme, les femmes que j'ai accompagnées qui étaient les moins déroutées par l'expérience de la naissance, qui est une expérience forte, c'étaient souvent des femmes issues de cultures méridionales, où la famille est très proche, ces femmes avaient moins de doutes par exemple. Je crois que dans ces familles la fin de vie est mieux accompagnée, il y a moins de placement de personne âgée en maison de retraite. Donc la question que j'avais, est-ce qu'un remixage des générations pourrait simplement favoriser la prise en charge de la fin de vie ? Les jeunes parents ne veulent pas trop s'encombrer des grands-parents, on ne sait pas quoi faire de nos personnes âgées et en même temps en parle de solitude à tous les étages.

Animateur - Est-ce que vous avez le sentiment que les générations dans notre société sont moins proches les unes des autres ou est-ce que vous pensez que les sociétés traditionnelles, on n'a pas parlé du Japon qui est une société où les traditions perdurent de ce point de vue là, les familles vivent encore plusieurs générations dans les maisons ? En Chine c'est en train de changer on peut s'interroger sur le lien entre générations et sur ce que apporte à l'approche de la mort.

15 - Je crois qu'on est en train de parler de choses qui, comme dirait l'autre, ne nous concernent pas, parce qu'à un moment donné on va forcément projeter notre avis, notre conviction, notre expérience pour essayer d'anticiper un moment pour lequel on a quand même une idée extrêmement floue et en tout cas très peu rationalisable. Le débat, par forcément ici, mais le débat en général, sur la mort dans la dignité pour essayer de la définir je ne suis pas certain que ce soit une bonne quête, parce que on va raisonner alors que la mort, je crois que la projection qu'on peut faire de la mort il y a une part de choses qui ne rentrent pas dans le domaine de la rationalité. Les anciens, certes trop superstitieux ou trop croyants répondaient quand même à cette idée, lorsque le prêtre donnait l'extrême onction il y avait quand même un jalonnement du parcours de vie, lequel aujourd'hui n'existe plus, que ce soit bien ou mal ce n'est pas le débat, m ais un tout cas notre société, objectivement rationaliste, a un peu obéré le coté spirituel qui nous fait aujourd'hui cruellement défaut. Donc on est en train de parler de choses éminemment spirituelles sans une once de spiritualité, c'est ça qui me gène profondément, c'est que je crois, je ne suis convaincu de rien pour le coup, mais je crois quand même que le débat raisonnable, voire la loi, c'est-à-dire l'explication écrite de la résultante de ce débat, va être quelque chose pour moi, s'il y a loi pour ou contre l'euthanasie ou pour ou contre le droit de mourir, à la limite je m'en fous, mais je crois que le simple fait de légiférer, le simple fait de décider c'est déjà avoir oublié 99% du problème qui nous concernera tous à un moment ou à un autre. En ce sens il faut être extrêmement modeste, extrêmement humble parce qu'aujourd'hui nous n'avons plus que les outils de la rationalité. Lorsque depuis notre plus jeune âge on nous faisait croire qu'il pouvait y avoir un paradis ou un enfer, on avait une réponse, certes que l'on pouvait considérer comme un peu bébête mais qui nous permettait d'orienter sa vie pour après sa vie. Aujourd'hui pour ne pas paraphraser Nietzsche qui ne l' a pas dit dans ce sens là, makis Dieu est mort et ça nous embête bien quand même, c'est-à-dire qu'à un moment donné on reste face à quelque chose qui n'est pas rationnel et pour lequel je suis pour le coup convaincu que l'on est tout seul, c'est-à-dire que quel que soit l'accompagnement, quels que soient les amitiés, les amours que l'on avoir autour de soi, face à l'absolu je pense qu'au moment ultime il y a quelque chose qui nous fait mettre absolument seul. Ca je dirais qu'à partir du moment où l'on n'apprend plus, où l'on n'est plus accompagné tout au long de notre vie avec cet espèce de petit conte de fée du paradis ou de l'enfer, ou dans d'autres civilisations autre chose, et bien du coup on est un peu démuni et il ne reste plus que l'apprentissage de la mort, mais là pour le coup au sens le plus douloureux du terme, c'est-à-dire sans préparation de toute façon, sans avoir peut-être orienté sa vie en disant que c'est trop tard, que de toute façon il y a plein de trucs que je n'ai pas faits et c'est dramatique. Finalement aujourd'hui à mon sens il faudrait réapprendre une certaine forme de spiritualité, probablement beaucoup plus laïque et, je dirais, moins dogmatique, mais en même temps une vraie spiritualité, c'est-à-dire qui puisse apporter, ou les réponses à une question pour convaincre, ou un état de recherche et un état permanent de la vie qui permette simplement à un moment donné d'apprendre à mourir.

Animateur - Effectivement les religions nous apportaient des réponses, effectivement. La déreligisation de notre société depuis la Révolution Française, qui avait ces raisons d'ailleurs, mais le fait que la religion n'apporte plus dans la société, le fait que l'on a laissé de coté ces questions qui doivent nous imprégner tous, chacun une voie particulière une voie personnelle. Mais on peut se poser la question dans un café citoyen que vient faire la société là-dedans, que vient faire loi, est-ce qu'elle a des choses à faire ou pas, le citoyen peut décider qu'il n'y a rien à faire, qu'il n'y a pas à légiférer. Je vais vous lire la contribution d'un membre qui n'a pas pu venir et qui va permettre éventuellement de rebondir

16 - Si nous n'avions qu'un seul point commun c'est bien de savoir qu'un jour nous mourrons, à plus ou moins brève échéance, mais surement. Pourtant nous n'avons pas tous la même approche de la mort, d'abord certains disparaitront brutalement, ils n'auront donc pas besoin d'y penser. D'autres au contraire passeront par une période de dégradation progressive qui provoquera leur sens de la dignité. Certes depuis quelques années on peut aider les gens à mourir en les gavant d'antalgiques de plus en plus puissants mais qui altèrent l'esprit et transforment l'être humain en zombie, c'est ce qu'on appelle l'euthanasie passive. Puis plus la mort approche plus on perd son autonomie obligeant à perdre son intimité ou au moins la discrétion pour effectuer les gestes quotidiens. Plus la mort approche plus on souffre moralement, pas tant de devoir s'en aller mais de voir la souffrance de son entourage. Chacun a la liberté d'approcher la mort avec sa propre idée, ses propres convictions morales ou religieuses, sa propre résistance à la douleur physique, voire morale, c'est bien un pouvoir personnel que tous reconnaissent. La société reconnaît même le droit pour chacun de mettre fin prématurément, donc de devancer les règles de la nature. Mais pour exercer ce droit il faut que l'individu puisse le faire seul, sans l'aide de quiconque, le simple fait de déposer dans la main du mourant un comprimé létal est passible de la cours d'assises. Cale signifie que la dignité de mourir n'est pas accordée à tous, que les pouvoirs publics s'immiscent dans l'intimité de chacun et que donc la dignité face à la mort est elle aussi réglementée.

Animateur - Donc là on peut se poser la question qu'est-ce que les citoyens peuvent dire sur cette question là.

17 - Une idée qui m'est venues à l'esprit à propos de la loi bien sur il y a la loi, la loi qui est contraignante et nous fait prendre nos responsabilités, seulement chacun garde la liberté d'enfreindre la loi, le fait d'enfreindre la loi c'est prendre parti aussi, on obéit à une loi qui est différente, à une loi qui est intérieure. Toute la question revient, à mon sens sur les valeurs. On a évoqué les raisons de la mort et aussi de la naissance, je crois qu'il y a des exemples absolument magnifiques d'attitude face à la mort en sachant que ce sera très douloureux, très difficile, qu'on aimera bien que les amis soient là. Je pense à l'exemple de Socrate qui savait très bien que le choix qu'il avait fait était au-dessus de toutes les lois et que la société le condamnait à une mort assez difficile, il a eu la possibilité d'échapper à cette mort, pour ceux qui ont lu Socrate, ils connaissaient l'histoire je ne vais pas m'étendre là-dessus, il a accepté de boire la ciguë. Il disait moi j'ai confiance dans les valeurs que je défends, que j'ai affirmées, il appelait ça ligue des bienheureux, c'est une forme figurée de ce qu'il envisageait après la mort physique. Il a bu la ciguë et après avoir vécu une vie comparable à sa mort, toute sa vie a été comparable à sa mort puisque quand il a lu la pitié, du moins d'après la légende à propos de Socrate, il lui a dit mais tu es le plus sage de tous les hommes, même ça il ne l' a pas accepté, qu'est-ce que ça veut dire le plus sage de tous les hommes. Il s'est mis à interroger tous les êtres humains qu'il a rencontrés.[La suite de cette intervention est inaudible].

Animateur - Je vais juste retenir cette formule, vous dites il faut vivre jusqu'au bout. C'est bien là toute la question, quand est-ce qu'on décide que c'est le bout, quand est-ce qu'on décide pour l'autre que c'est le bout. Là évidemment il y a des questions de société qui s'impose. Que viendrait faire la loi là-dedans ?

18 - Un problème qu'on n'a pas abordé dans ce débat ou plutôt qui a été abordé sous l'angle de l'autonomie. En réalité la dignité pour quelqu'un qui va mourir est de savoir s'il est vivant mais quand on est dans une extrême souffrance des spécialistes et notamment des aides-soignants vous diront qu'on n'est pas dans un état de confiance et de liberté. Quand on parle d'Umberto Eco, il a dit cela quand il était bien vivant il a dit je vais mourir, je vais choisir ma mort etc., parce qu'il était conscient, il avait toute sa liberté. Mais quand on est dans un lit de souffrance, quand on se réfère à des gens qui ont l'expérience, j'ai lu le livre de Marie de Hennezel qui a accompagné beaucoup de mourants, c'est une psychothérapeute qui a travaillé dans les soins palliatifs, elle dit les gens ils demandent de l'aide mais pour qu'on les aide à moins souffrir, ils ne demandent pas la mort. Alors il y a aussi quelque chose qui est assez curieux, tout le monde vous le dira tous les gens qui ont vécu une mort de près vous diront que la mort on ne l'a choisie pas, ce n'est pas vrai on ne la choisit pas. On a vu des gens qui sont dans un état extrême, presque à l'agonie, moi j'ai vu ma belle–sœur à l'agonie complète et le lendemain ça allait très bien, elle a recommencé à manger et le soir elle est morte, pourquoi, parce que la mort est venue au moment où elle devait arriver. Alors ce qui est important c'est d'accompagner une mort pour qu'elle soit digne et ça je pense que le corps médical, on ne peut pas demander au corps médical de faire la piqure, parce que donner la mort par procuration ce n'est pas être libre ça, dire je veux qu'on m'aide à mourir mais ce n'est pas moi qui vais me donner la mort, je donne procuration un soignant de le faire. Il y a beaucoup de spécialiste du corps médical qui vous diront, nous notre déontologie, le serment d'Hippocrate, notre liberté je ne vois pas en quoi la liberté d'une personne pourrait être supérieure à notre liberté.

Animateur - Vous parlez du serment d'Hippocrate, le serment que font les médecins et qui les « obligent » à guérir c'est plutôt la vie qui les préoccupe, à priori quelque chose qui est dans le débat sur l'euthanasie. Il y a juste quelque chose qui m'a fait sourire, vous dites elle n'a pas choisi la mort, la mort est venue la choisir ce qui m'a étonné c'est que finalement vous la personnifiez encore, on a l'impression de voir la faucheuse avec sa grande cape noire. Finalement cette capacité de vouloir mettre quelque chose derrière la mort ne signifie un peu notre vie spirituelle aujourd'hui à l'heure actuelle.

19 - Je pense que l'on a mis longtemps à légiférer et à changer la législation sur la peine de mort. On a aboli la peine de mort avec Badinter, Mitterrand, ils ont eu le grand mérite de ne pas imposer la mort. Mais pourquoi ne fait-on pas la même chose, abolir la peine de vie. Moi j'admire énormément les gens qui énormément souffrants, énormément malades ont encore envie de vivre, o nt encore cette force, cette volonté de continuer, je trouver ça sublime et respectable mais j'ai beau penser pour moi d'une façon égoïste et pragmatique de refuser la souffrance, de refuser l'avilissement, de refuser les douleurs et de choisir ma vie, choisir ma vie ce serait aussi choisir ma mort et me la donner moi-même mais qu'on me donne le médicament que je prends seule en toute liberté. Qu'on légifère une fois pour toute sur notre droit personnel à vivre comme on veut le faire selon notre force, selon notre volonté.

Animateur - Une petite interrogation parce qu'on parle beaucoup de spirituel, de manque spirituel. Vous avez parlé de l'abolition de la peine de mort, on pourrait aussi s'interroger sur le sens du sacrifice, parce que sacrifice ça vient de sacré, de ce que l'on considère comme étant sacré. Le sacrifice est quelque chose qui a peut-être été un peu rejeté dans notre société. On peut s'interroger aussi là-dessus et donc du sacrifice à la dignité il n'y a qu'un pas. Je lance juste cette petite piste.

20 - Je voudrais revenir sur l'isolement, l'isolement des anciens était choisi. Ils se retiraient du groupe, de la famille, de la tribu, de l'endroit où ils vivaient en prévenant les autres qu'ils allaient dans la montagne. Donc c'était un isolement choisi, ce n'était pas un isolement comme certains peuvent le vivre, seuls, coupés de leur famille et de leurs racines, dans leur appartement. Sur le choix du moment, depuis les alentours des années 70où je me suis mis à voyager beaucoup, j'ai toujours dit à ma famille que s'il m'arrivait quoique que ce soit je ne voulais pas d'acharnement. Mais si j'ai un accident cérébral qui va dire que je peux me donner la mort ? Donc si l'entourage est prévenu depuis longtemps, si la famille, les amis, les proches savent la volonté de la personne, je pense que le choix du moment, il peut dépendre de soi quand on est conscient mais il arrive un moment où peut-être il peut ne pas dépendre de nous. La société doit nous aider à respecter nos volontés lorsqu'on ne peut plus malheureusement les mettre en pratique. Ce thème est vieux puisqu'avant la révolution de 68, je crois que c'est même avant 60, Jacques Brel avait écrit « Adieu l'Émile » qui parle justement du départ dans la joie et en bonne santé pour le bon souvenir de l'ancien où il recommande à chacun de fêter le mort et de ne pas s'attrister. Je vais rebondit sur la spiritualité, mais nous avons, quelle que soit la mort, une spiritualité naturelle, innée et forte puisque dans nos esprits vivent les anciens, c'est par nos esprits que nous rappelons nos anciens. Alors il n'y a pas que la spiritualité religieuse, il y a la spiritualité citoyenne, la spiritualité de la famille, des proches qui font vivre celui qui vient de nous quitter. Donc il faut essayer de reprendre ce que certains se sont appropriés puisque tout ce qui est d'inspiration philosophique ou religieuse vient des pratiques, des us et des coutumes d'avant que les religions existent. Les religions nous ont permis de traverser, 6000 ans pour les uns ou 2000 ans pour les autres, l'histoire, n'oublions que ce sont des philosophies de pensée, que ce ne sont pas des règles immuables et qu'il faut arrêter ce dogmatisme qui empêchent d'adapter les philosophies de la vie réelle au concret que nous rencontrons tous les jours. C'est dans l'esprit des anciens que nous tirons tout cela, donc il n'y a pas de mort puisqu'ils nous ont légué leur esprit.

Animateur - Vous voulez parler de la transmission des générations précédentes qu'on essaie de faire vivre à nouveau. Il y a une chose qui m'intéresse vous avez parlé de la spiritualité du citoyen, la spiritualité de la famille, la spiritualité des religions, est-ce que finalement ce n'est pas symptomatique de notre société, on essaie de diversifier tout, de découper, finalement ces questions s'immiscent dans toute la vie que ce soit la vie publique ou la vie privée. Finalement est-ce qu'il y a une autre manière d'aborder le monde en découpant, en rationalisant en essayant de disséquer, en essayant de discriminer, est-ce que ce ne sont pas choses qui nous empêchent de vivre sereinement.

21 - Le fil du débat m'a amené à l'idée suivante, je ne suis pas un expert donc je vais le formuler comme ça. Les hommes préhistoriques globalement, à un moment ont décidé d'enterrer leurs morts et ça a été une rupture entre avant et après. Avant les gens partaient et après ils ont dit les gens qui partent on va peut-être ritualiser le départ, les considérer. Ça me fait penser à l'accompagnement qui a été évoqué par rapport à l'extrême onction, je me dis que finalement c'était un peu la même chose. La société s'est emparée du fait de la mort avec le religieux, à ce moment-là omniprésent dans notre société et qui a ritualisé le passage à la mort avec l'extrême onction, les derniers sacrements. Ce que je veux dire c'est qu'aujourd'hui on se pose la même et éternelle question, c'est comment accompagner ceux qui partent. Je trouve qu'aujourd'hui c'est présenté un peu comme un scandale, aujourd'hui on n'a plus le droit, on ne sait plus comment faire, on est dépossédé de ça, d'accompagner, c'est le médical qui décide. Je me dis qu'en fait nous ne faisons peut-être qu'exercer notre conscience universelle d'humain à savoir, cette éternelle question, comment accompagner ceux qui partent et à l'inverse des temps plus anciens on peut choisir, ceux qui ne souhaitent pas l'extrême onction n'auront pas l'extrême onction.

Animateur - alors là on aborde quelque chose de vraiment sociétal. Vous parlez de rituel. Qu'est-ce que vous pensez aujourd'hui de notre société ? Comment voyez-vous notre société et la façon qu'elle a de nous proposer des conventions sociales ? Qu'est-ce que vous pensez de ces rituels s'ils existent ? Sont-ils trop nombreux ? Pas assez nombreux ? Mal faits ?

22 - Bienheureux que nous soyons le résultat d'une procréation sexuelle parce qu'il y a une très grande diversité dans l'expression et les propos tenus. On s'aperçoit que chacun se pose des questions, a eu des blessures ou au contraire du baume au cœur parce que les choses « se sont bien passées ». Mais je crois que tout en étant différents nous sommes influencés par notre environnement familial, de la cité, de la ville et du pays. Mais il y a quand même une certaine richesse malgré tout dans cette approche, je crois qu'en fait nous appréhendons tous ce moment là parce que nous ne savons comment nous, chacun d'entre nous allons nous comporter, nous avons un souhait, pouvoir mourir avec sérénité mais nous sommes aussi quelque part inquiet de notre comportement, serons-nous en état de faire front ou pas. Et puis il y a la question sous-jacente puisque de plus en plus nous finissons notre vie en milieu hospitalier et on a peur quelque part de l'acharnement thérapeutique. Alors à partir de là se pose une question, si je me mets à la place du corps médical, où se positionne le curseur. Je crois savoir que c'est une décision collégiale, non ? Ah, mais il semblait que cette décision était prise à plusieurs. Nous sommes encore aujourd'hui sur le coup de ce qui vient de se passer en Italie où une jeune femme victime d'un accident de la route a été maintenue en vie de façon artificielle pendant 17 ans, ça nous ne le voulons pas. A ce point du débat une question se pose en ce qui me concerne, d'une part l'appréhension sur notre comportement, l'appréhension sur un acharnement thérapeutique et j'ai une troisième appréhension qui vient là-dessus c'est effectivement que la société légifère, j'avoue que ça me gène beaucoup. Je reconnais que pour mon cas je ne le souhaite pas, ça ne sera pas de ma décision.

Animateur - Finalement on se demande toujours ce que c'est mourir dans la dignité, on a l'impression que chacun aborde sa propre dignité de manière différente.

23 - Je me suis posé la question, est-ce que la société doit légiférer, je pense qu'il est inévitable que la société légifère. Si on se montre favorable à la liberté de l'euthanasie qu'est-ce qui va se passer, il y a des actes qui passeront, qui seront des meurtres qui passeront sous le couvert de l'euthanasie c'est là tout le dilemme qui nous fait tant souffrir. On souhaite que quelqu'un qui désire réellement mourir, encore que parfois des gens disent qu'ils veulent réellement mourir et puis quelques heures après, quelques minutes après, quelques jours après on les voit tout guilleret disant mais non c'est formidable la vie, pour savoir discerner c'est très difficile. Alors si on se montre trop favorable à l'acte euthanasique ça laissera la porte ouverte à des gens cyniques qui sous couvert d'euthanasie feront le nécessaire pour favoriser cette mort J'ai lu un article sur un débat de médecins, je crois que c'était en Belgique, ils disent qu'il faut au moins deux médecins qui soient entrainés dans l'acte pour permettre à la personne de finir par un acte euthanasique. Alors attention quand on dit qu'il faut laisser la liberté de mourir, quitte à prendre des médicaments et tout ça, il y a les deux faces, il y a la liberté de mourir et aussi la liberté de guérir. Moi je sais, ce n'est pas une conviction publique, je le dis ouvertement, je crois que je ne suis pas le seul ici, il y a des moments où on en a réellement marre, marre, marre, je suis prêt à crever et puis on retrouve une bande copains, on boit un bon coup ou bien on fait une ballade, ou même tout seul et la vie reprend, on ne sait pas pourquoi, on ne sait pas comment mais la vie reprend.

Animateur - C'est important, vous parlez de choses graves, des choses qui tiennent de la responsabilité, de l'euthanasie par exemple mais il faut faire attention aux dérives. On pourrait se remémorer les dérives hygiénistes du siècle dernier, sous couvert d'abréger des souffrances on jette le bébé avec l'eau du bain.

24 - Merci de me donner la parole, je voulais revenir sur le thème mourir dans la dignité. Mourir on est à peu près tous d'accord sur la signification, dans la dignité déjà ça porte un débat chacun pouvant avoir sa notion de la dignité. Je pense, et là c'est un jugement personnel, pour beaucoup c'est de choisir le moment où on va mourir et l'état dans lequel on va mourir. Le problème est qu'actuellement dans notre société avec le progrès médical ce moment arrive de plus en plus tard avec deux risques. Soit on a la conscience mais physiquement on ne peut plus se suicider, abréger ses jours et donc ça pose le problème du législateur puisque le corps médical n'a pas le droit actuellement même si expressément on a donné notre volonté et qu'on le réclame le corps médical ne peut pas. L'autre risque, on n'a plus de conscience donc on arrive dans un état qu'on peut dire de légume, j'ai un exemple personnel je suis en train de vivre ça, et donc je retiens les propos qu'a dit monsieur au départ, je sais que ma mère n'aurait pas voulu savoir qu'on la voit dans l'état où elle est, moi je n'aime pas non plus cette situation là. Pourquoi la société se pose le débat, on est dans une société individualiste et qui tourne à l'économie, avec l'économique. Au niveau individualiste la mort c'est pas terrible quand on est dans une société de jeunes beaux etc., donc la dégradation c'est tabou, mais la maladie fait vivre le corps médical et donc ça arrange certaines personnes, sauf que l'on est dans une société où l'étiage des personnes âgées va être de plus en plus important et la société se rend compte que ça va couter très, très, très cher et les jeunes générations ne vont peut-être pas vouloir assumer tout. Donc ça pose le problème économique, c'est peut-être choquant mais à un moment ou à un autre le débat va se poser, je n'ai pas la réponse.

Animateur - Vous lancez plein de nouvelles pistes pas toutes sur le plan strictement économique ce serait retirer une part d'humanité à nos problématiques, mais on peut s'interroger sur le choix de société vers laquelle on se dirige mais avec évidemment, voilà la démocratie, le fait que l'on vieillisse plus que l'on rajeunit et puis le poids des société pharmaceutiques, des lobbies pharmaceutiques.

25 - On peut raisonner sur la mort en demandant objectivement si la mort est un problème, parce que c'est quelque chose qui est inéluctable jusqu'à preuve du contraire et c'est quelque chose que l'on ne va jamais pouvoir résoudre. Donc je n'appelle pas ça un problème en tant que tel. Par contre je crois que ce n'est pas mal aussi de se poser les questions dans ce sens là parce qu'il y a bien quelque chose que l'on peut faire, c'est se préparer, encore une fois et se préparer ça peut prendre plein de facettes mais à un moment donné notre vie doit s'orienter. Alors à un moment donné, probablement à l'âge adulte, peut-être même avant, s'orienter à penser. Moi je sais que j'ai une façon de la faire en empruntant un bon mot à Pierre Desproges, un mot qui me semble très juste, quand on me demande comment tu vas, il m'arrive assez fréquemment de répondre "je m'occupe en attendant la mort". Alors au-delà du bon mot, je peux vous dire que ça m'aide beaucoup parce que ça me permet de relativiser un certain nombre de choses, de me replacer dans un univers qui forcément va être au-delà de mes petits problèmes et le dire, c'est un rituel très personnel, mais c'est quelque chose qui, voilà, tout d'un coup me replace. Alors bon c'est un bon mot, ça fait rire les amis mais ce n'est pas que pour ça. Je voudrais prendre un autre exemple parce qu'il y a un ami, l'un d'entre nous qui nous a quitté prématurément, dix jours avant de mourir, je le connaissais vraiment très bien, il m'a appelé, il m'a demandé, est-ce que tu sais, tu te doutes, il avait une longue maladie, pas dix jours parce que dix jours avant il n'était pas tout à fait en état de parler, mais on va dire une vingtaine de jours avant si je me souviens bien, il m'appelle pour me dire tu sais que je risque de ne pas être là le mois prochain ? Il me semble lui avoir dit oui il y a des chances. Et il m'a dit "est-ce que tu ne veux pas prendre mon appartement ?". La première chose qui m'est venue à l'esprit, je lui ai dit : "j'ai horreur de la déco". Donc forcément tout ça permet de relativiser beaucoup de choses, ça permet de comprendre que finalement et bien oui on va se placer dans quelque chose qui est inéluctable, il ne faut pas non plus en faire une espèce de pitié, d'auto flagellation. Mon ami m'a dit il y a quelque chose que je voudrais faire, il voulait accompagner sa mère aux pompes funèbres pour choisir sa tombe pour ne pas qu'elle se fasse arnaquer, parce qu'il considérait, et à mon avis à juste titre, que dans ces moments là certaines personnes utilisent la peine des gens, et là en l'occurrence la peine d'une mère, donc comme on peut savoir à quel point ça peut être fort, donc en profiter pour vendre des choses avec des poignées en or absolument inutiles dans la terre. Tout ça pour dire, et je fais court, je crois qu'il faut peut-être apprendre à dédramatiser les choses, mais je crois que ça s'apprend, ça se travaille peut-être, ça s'apprend comme beaucoup de choses, dédramatiser essayer de comprendre que ben oui ça va finir. Alors ben oui c'est comme ça, peut-être aussi ça redonne du sens, parce que l'idée de la solitude, l'idée que les choses s'arrêtent, mais il n'y a pas que la mort qui fait arrêter les choses, un couple qui se sépare ça s'arrête, un travail qui se termine ça arrête, la vie est faite de ces choses qui commencent et qui s'arrêtent. Je crois que si on veut acquérir un petit de sagesse il faut se dire, essayer en tout, je crois que ce n'est pas simple, essayer de se dire que la vie est faite principalement de ces choses, et on l'a vu avec la naissance et la mort, mais principalement de choses qui commencent et qui finissent, et que c'est comme ça, quelle que soit notre santé, notre vision du monde, notre couleur de peau, il y a des débuts et des fins à toutes choses et qu'il faut s'y préparer.

Animateur - Ce sont des choses qu'on n'a pas l'habitude d'aborder dans notre société : qu'est-ce qui est éternel ? Qu'est-ce qui est fini ? Et puis s'inscrire dans une démarche de finitude, d'accepter la mort, c'est ça aussi qui nous manque aujourd'hui, accepter la mort. Et puis vous nous parlez de l'humour qui permet de prendre du recul, de la distance, c'est vrai que c'est important dans les moments les plus tragiques. D'ailleurs est-ce qu'on ne parle pas de tragi-comique ?

26 - Je voulais simplement encore préciser qu'il existe ce genre de contrat, dommage seulement que ce ne soit pas en France, qui justement permet à n'importe quel âge de choisir de mourir le moment voulu. Ce contrat j'en ai un dans mon sac, je l'ai signé il y a quatre ans, mes proches sont évidemment informés, on a tous vécu cette situation, tout le monde sait de quoi je parle. Je peux vous assurer que ça enlève de la tête tout un tas de soucis, ma mère, sa décision a été prise, sa décision a été prise quand elle avait toute sa vie entre les mains et elle a été sereine et digne, alors qu'elle ne l'était plus par la peur de mourir elle ne savait pas comment. Elle a donc choisi ce moment en étant encore en possession de ses moyens intellectuels bien sur, mais aussi physiques, elle marchait, elle avait un certain âge, elle était aveugle, le jour où elle ne pouvait plus, tout était organisé c'est incroyable, ça ouvre le dialogue, ça donne la paix.

Animateur - Encore une fois, il faut en parler. Et puis il y a des choses qu'on doit accepter sans forcément avoir totalement la liberté de s'être assuré qu'on a tout le temps le choix, qu'on a soi-même choisi ; peut-être qu'on est trop prétentieux aussi à vouloir tout le temps choisir, enfin jusqu'à l'acte ultime...

27 - Quelques mots sur comment accompagner ceux qui partent, je voudrais dire aussi comment accompagner ceux qui restent. Je crois qu'accompagner sa mère choisir son cercueil, c'est une façon d'accompagner ceux qui restent. [Cette intervention a été interrompue la le changement de cassette.]

Animateur - Nous allons maintenant choisir le thème du prochain débat.

Choix de la problématique pour le Café Citoyen du 28 février 2009 :

1 - Qu'en est-il de l'égalité parentale ? 12 voix
2 - L'Europe est-elle démocratique ? 5 voix
3 - Une crise sociale et économique majeure peut-elle remettre en cause la démocratie ? 19 voix
4 - Sommes-nous réellement en démocratie ? 8 voix
5 - Qu'est-ce qui justifie le montant d'un salaire ? 27 voix
6 - Peine accomplie, faute pardonnée ? 24 voix
7 - Une gouvernance nationale est-elle dissociable d'une gouvernance mondiale ? 4 voix
8 - Le protectionnisme : frein ou accélérateur de la crise ? 3 voix
9 - La séparation des pouvoirs est-elle garantie aujourd'hui ? 6 voix
10 - Qu'attendons-nous de l'Europe ? 10 voix

PROCHAIN CAFE CITOYEN LE SAMEDI 28 FÉVRIER : Qu'est-ce qui justifie le montant d'un salaire ?

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