Compte-rendu synthétique par Charlène LE NUÉ — Café Citoyen de Paris (16/06/2010)
Animateur du débat : Thomas BRUN
» Politique et Société
Sur quels valeurs et principes fonder la société nouvelle à construire ensemble ?
Café Citoyen de Paris, 16 juin 2010: «Sur quels principes et valeurs fonder la société nouvelle à construire ensemble?»
Animateur du débat : Thomas LEGAUFFRE
Rédactrice du compte rendu : Charlène LE NUÉ
Le débat commence par le constat suivant : il y a aujourd’hui un consensus du monde intellectuel quant au fait que le modèle sur lequel a été bâtie notre société atteint aujourd’hui ses limites et sur la nécessité de le repenser (Cf Compte-Rendu synthétique du Colloque de Cerisy: “Changer pour durer”). Est-il possible de le réformer ou est-il nécessaire de créer un nouveau modèle de société ? Si oui, sur quels valeurs et principes fonder le nouveau modèle de société ?
L’ensemble des participants s’accorde en effet à dire que notre modèle sociétal est arrivé au bout de son idéologie et qu’après l’effondrement du communisme, nous allons certainement assister à l’effondrement du capitalisme sauvage. Mais comment changer le modèle de société ? Si l’on regarde l’histoire de l’humanité, l’on constate qu’elle est faite à la fois de ruptures brutales et d’évolutions. L’un des intervenants propose de trouver un point de rupture mais qui ne soit pas non plus une révolution brutale et violente : on sait ce qu’on perd sans toujours savoir ce qu’on va pouvoir retrouver, reconstruire ensuite.
La discussion se poursuit sur le fait que les changements que l’on veut voir venir doivent être issus d’une concertation large avant qu’on se retrouve face à une dictature, une « éco-dictature », érigée dans l’urgence au nom de l’intérêt général avec des ressources très limitées, des quotas, etc. Pour certains, cette concertation devrait passer par la création d’un gouvernement mondial. Mais la concertation à grande échelle est-elle seulement possible ? Les gens ont-ils envie d’autre chose ? Certains participants opinent que la majorité des personnes profite des atouts d’une société de consommation de masse sans se poser de question et que si l’on veut voir de nouvelles valeurs émerger, il faudra attendre que la population prenne conscience des limites du modèle actuel. Peu de personnes réfléchiraient finalement à l’avenir et ceci pour deux raisons majeures : tout d’abord une certaine peur de l’avenir, n’évoquant plus des jours meilleurs mais au contraire des jours bien plus sombres encore, empêcherait les gens de se projeter et les inciterait à vivre au jour le jour, ensuite, seul un petit nombre de personnes parviendrait à se consacrer à la réflexion sur la société tant le modèle actuel bride l’épanouissement intellectuel et l’individuation, la plupart des actifs n’ayant tout simplement ni le temps ni l’énergie de se consacrer à ce genre de préoccupations. Les personnes en marge du système seraient finalement celles qui seraient les plus conscientes de la non-pérennité du modèle actuel. Cependant, selon les participants, aucune évolution ni révolution n’aurait jamais été faite par la majorité mais aurait toujours germé d’un petit groupe d’individus.
La nécessité de changer de modèle de société étant posée, il faut à présent s’interroger sur les principes et valeurs sur lesquels fonder la nouvelle société à construire ensemble. Les valeurs en vigueur aujourd’hui apparaissent comme étant uniquement en lien avec une logique d’accumulation de biens matériels propres à notre société. L’impératif de réfléchir à de nouvelles valeurs paraît évident pour la majorité des participants. L’assemblée estime toutefois que le thème du débat est trop vaste et qu’il faudrait le décomposer. Souhaitons-nous aborder des thématiques culturelles, économiques, environnementales ?
L’ensemble des participants s’accorde à reconnaître la gravité des problèmes environnementaux. L’un d’eux propose de mettre la thématique environnementale au cœur du débat, la catastrophe écologique étant si aiguë qu’elle risque de déclencher une crise sociétale sans précédent. Si la catastrophe écologique parvient à un stade tel qu’on en vient à manquer de ressources vitales, toutes les autres préoccupations deviendront secondaires. Un autre participant propose de déclarer des droits à la nature, plutôt qu’évoquer sans cesse la notion de devoir de l’Homme envers l’environnement. Beaucoup estiment alors que replacer le respect de l’environnement au cœur de nos préoccupations est fondamental mais qu’il ne faut pas non plus négliger d’autres valeurs telles le travail ou la solidarité.
L’assemblée rebondit ensuite sur la valeur de « solidarité ». Chacun s’accorde à dire que notre sentiment de solidarité est peu développé, chacun vivant dans sa bulle en évitant au maximum le contact avec autrui au lieu de penser la rencontre. La société actuelle paraît bien loin d’un idéal de solidarité. Une notion de systémique est alors évoquée : la conscience du système. Aujourd’hui, chacun tente de s’enrichir personnellement au détriment de l’enrichissement du système, or il faudrait réveiller la responsabilité de chacun par rapport à la vie du système et l’encourager ainsi à œuvrer pour l’intérêt de la société, au lieu d’œuvrer pour son intérêt individuel et son enrichissement personnel. Œuvrer pour une solidarité intra et intergénérationnelle et tendre vers un système d’organisation coopératif où si je gagne, tout le monde gagne, la planète y compris. Dans cette perspective, l’un des participants affirme que nous avons beaucoup à apprendre du Web 2.0.
Qu’en-est-il des valeurs de « Liberté, Egalité, Fraternité » ? L’un des participants se prononce en faveur de la conservation de ces valeurs et de certains apports de la Révolution Française, tels la déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen ainsi que la notion de Contrat Social de Jean-Jacques Rousseau décrivant un idéal de République. Il serait cependant nécessaire d’en redéfinir les contours et notamment le rôle du citoyen et la répartition du pouvoir.
Certains membres de l’assemblée estiment alors que les valeurs « Liberté, Egalité, Fraternité » sont constamment bafouées et ne seraient finalement qu’utopie. Si les valeurs ne sont qu’utopie, pourquoi ne pas imaginer tout d’abord la société de demain pour ensuite en déduire les principes la régissant? La discussion se poursuit ensuite sur le concept même d’«utopie». Tandis que certains des participants rejettent l’utopie, d’autres estiment que même si le XXe siècle a connu des utopies malheureuses, il ne faut pas pour autant déconsidérer l’utopie en tant qu’outil intellectuel. Etymologiquement, l’utopie est un non-lieu à l’instant t mais qui peut devenir, selon l’un des intervenants, un lieu existant à l’instant t+n. L’utopie, en tant qu’outil intellectuel de modélisation, permettrait de définir la cible d’un individu, d’un système, de réfléchir à ce vers quoi l’on doit tendre. Une fois l’utopie définie se pose la question de savoir comment développer un processus qui permettrait de faire coïncider modèle existant avec modèle créé par le rêve, la projection, la raison. L’ensemble des valeurs à définir servirait finalement de boussole qui indiquerait une belle direction, un idéal à poursuivre plus qu’une finalité.
Le débat s’achève sur la proposition d’ajouter en plus des valeurs de «Liberté, Egalité, Fraternité», les valeurs de «Responsabilité», «Conscience du Système» et de «Travail». Le notion de «travail» serait cependant à redéfinir et n’est pas évoquée ici dans le sens de la pénibilité mais dans le sens d’épanouissement, individuation, réalisation de soi en tant qu’être à part entière. Sont également déclinées les valeurs d’«Auto-conservation» du système, d‘«Harmonie» entre épanouissement personnel et épanouissement du système et de «Douceur», tel le regard que l’on porte sur ses enfants, l’affection et le respect qu’on leur manifeste. L’ensemble des participants s’accorde cependant à dire que le thème du café citoyen devrait être rediscuté lors d’une prochaine session.
A la fin du débat, différents thèmes ont été proposés pour le prochain café citoyen qui aura lieu le 21 juillet:
1. Faut-il et comment reconnaître des droits à la nature?
2. Doit-on cultiver le mythe de l’enfant roi?
3. Combien de temps va-t-on continuer à leur donner notre argent?
4. Sur quels valeurs et principes construire la société de demain?
5. Nos élus sont-ils trop payés?
6. Doit-on reprendre notre avenir en main nous-mêmes ou continuer de passer par les institutions telles qu’elles sont? Autre formulation: Quel levier pour l’individu afin d’agir pour la société au-delà des institutions?
7. Peut-il y avoir cohabitation entre les traditions et les lois de la République?
8. Faut-il continuer à s’en remettre à des donateurs quand il s’agit du destin de l’humanité?
→ Après vote des participants, c’est la sixième proposition qui a été retenue:
«En tant que citoyen, doit-on reprendre notre avenir en main ou continuer de laisser les institutions seules définir le projet collectif ? Quel levier pour l’individu afin d’agir pour la société au-delà des institutions?»
Par ailleurs, le thème sélectionné par le Café Citoyen de Paris pour la Semaine des Cafés Citoyens est le suivant: «Les politiques agissent-ils encore dans le sens de l’intérêt général?»
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