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Honoré de Balzac (1799 - 1850)

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Compte-rendu synthétique par Élisabeth RodotCafé Citoyen de Argentan (24/04/2003)

Animateur du débat : Élisabeth Rodot

» Politique et Société

Savons-nous encore rêver ?

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La question posée fait bien sûr allusion au rêve éveillé, à l'utopie : nous autorisons-nous encore à rêver une société meilleure ? Osons-nous encore imaginer des lendemains qui chantent ?

L'utopie n'est pas complètement synonyme de rêve. Certes elle se nourrit de cette espérance qui est inhérente à l'homme, depuis qu'il a commencé à enterrer ses morts, depuis qu'il est devenu « homo religiosus » : l'espérance d'un au-delà. Elle se nourrit de cette quête de l'irrationnel, de l'absolu, de la transcendance, qu'exprimaient déjà les hommes préhistoriques dans l'art rupestre, et dont les mythes fondateurs des différentes civilisations se sont inspirés. Mais l'utopie entretient aussi un rapport très étroit, paradoxal et dialectique avec la réalité. Construction imaginaire qui permet de réagir au réel tout en s'en inspirant, elle recouvre la notion de projet porteur d'avenir. Elle a pour ambition de se réaliser, de transformer le réel. Et c'est dans cet écartèlement entre rêve et réalité que l'utopie prend tout son sens.

Le rêve utopiste est donc inhérent à la condition humaine. Mais qu'en est-il des grandes utopies collectives qui ont contribué aux transformations de notre monde ces deux derniers siècles ? Ont-elles disparu ? La mondialisation est-elle le fruit d'une utopie, avons-nous désiré collectivement son avènement, ou est-elle le résultat d'une évolution mécanique de l'économie de marché ?

L'échec du communisme a en effet sonné le glas des utopies politiques. Les sociétés modernes n'offrent plus un terreau assez homogène, le lien social n'est plus suffisamment vivace pour qu'une idée collective prenne racine et nourrisse des foules entières. Par ailleurs, depuis l'effondrement du bloc de l'Est, notre monde n'est plus structuré par la dualité, il est devenu une globalité uniforme et fermée sur elle-même, sans échappée possible. Nous sommes en train de sortir d'une ère de l'Histoire où le conflit entre le Bien et le Mal était le mode de règlement des problèmes. L'Histoire linéaire est en train de se clore au profit d'une nouvelle ère, plus cyclique. Le progrès, lui non plus, n'est plus vecteur d'utopie : plus rien n'étonne, le progrès a apporté plus de dégâts que de bonheur, l'idée de progrès nous a désenchantés. Enfin, le rêve individuel est devenu, comme le reste, une marchandise que nous vendent les médias à grand renfort de publicité et de consommation.

Si l'on peut regretter une certaine mort de l'utopie, il nous faut aussi reconnaître les dangers que comportent les grands rêves collectifs. En effet ceux-ci sont souvent générateurs de violence. Comme l'a bien montré Hanna Arendt, le totalitarisme guette les sociétés qui croient en une vérité unique pour tout le monde. Entre l'idéal communiste et le goulag il n'y a qu'un petit pas facile à franchir. Croire en un idéal c'est bien, combattre pour celui-ci en commettant des violences est une dérive à laquelle peu d'idéalistes échappent. Les kamikazes musulmans, qui rêvent d'un monde meilleur en semant la terreur, vivent-ils une utopie ? La réalité de la violence rattrape et abîme bien souvent les idéaux qui en sont la cause. Il faut aussi se méfier des manipulations à la source des grands rêves collectifs : ceux-ci sont souvent fomentés par un petit nombre de leaders, qui savent bien exploiter le besoin d'espérance de masses crédules. L'Histoire nous montre que les périodes d'utopie sont souvent suivies de périodes de désenchantement face aux horreurs commises au nom des idéaux. Là encore l'utopie est au cœur d'un rapport dialectique entre rêve et réalité.

S'il faut faire son deuil des grandes utopies collectives, qui ne sont plus guère possibles (sauf pour quelques rares bastions : Porto Allegre, écologie, altermondialisation), l'utopie individuelle est, elle,d'autant plus vivace. Il faut profiter du grand mouvement de retour à l'âme pour repenser son rapport au monde : qu'est-ce que JE fais là ? Quel est mon rapport à l'autre, à l'existence, à l'au-delà ? Qu'est-ce que je veux faire de ma vie ? Restent les espaces de liberté et de rêve que sont l'Art, la Religion ou l'Amour : espaces où chacun peut encore tenter de vivre son rêve.

Thèmes proposés pour le Café Citoyen du jeudi 15/05/2003 :

- Faut-il repenser l'organisation des villes ?
- Qu'est-ce qu'être français ? Thème retenu
- Le service public est-il en danger ?
- La mondialisation pour le meilleur ou pour le pire.
- Faut-il avoir peur des Etats-Unis ?
- Est-il normal d'être naturel ?
- Ma vie m'appartient-elle ?

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