Compte-rendu synthétique par Marc Houssaye — Café Citoyen de Caen (28/11/2009)
Animateur du débat : Bruno BUREL
» Politique et Société
Faut-il et comment rendre les hommes responsables de leurs actes envers les générations futures ?
La majorité des participants semble se sentir responsable de l'état actuel de notre société. Et plus généralement de notre planète.
« Si nous continuons à persévérer dans ce modèle de société de consommation à outrance, nous allons vers des lendemains qui déchantent », lance-t-on catastrophé dans la salle. « Nous léguons à nos enfants une société basée sur de l'irresponsabilité, condamnés à subir les plans tracés par leurs ainés ». La première difficulté résiderait alors dans notre incapacité à remettre en cause le fonctionnement de notre société. Qui plus est, ce modèle sociétal de consommation – production – pollution s'est installé à l'échelle planétaire ajoutant une nouvelle épreuve à surmonter (on évoque la croissance de la Chine et de l'Inde). La résistance du système à s'autoréguler fait dire à quelques-uns que la liberté des générations futures sera considérablement réduite. Entre catastrophisme ambiant et absence de mesure politique, difficile pour le citoyen de s'y retrouver : séduit par l'idée de vouloir agir à son niveau; conscient également que les dirigeants disposent pourtant de leviers bien plus décisifs. Il est aisé alors de devenir soit un spectateur détaché soit un observateur culpabilisé. Quoi qu'il en soit, un sentiment d'impuissance gagne la conscience du simple citoyen.
Quelques voix s'élèvent aussi pour relativiser cette responsabilisation du citoyen et dénoncer le manque de courage et d'audace de nos représentants. Qu'il est triste de constater qu'aujourd'hui le politique est considéré sinon comme un incapable du moins comme un irresponsable. Un irresponsable qui, par son inaction, perpétuent l'inertie d'un système à bout de souffle.
Car nos politiques sont bien loin de vouloir nous faire partager la vision d'un nouveau modèle de société. « On ne sait pas où l'on va » dit-on dans la salle. Et ceci s'applique aussi bien au niveau national qu'au niveau international. Même si le prochain sommet de Copenhague sur le réchauffement climatique suscite chez certains enthousiasme et espoir, l'attentisme est bien palpable dans l'assemblée. Ainsi, quelques citoyens attendent un signal fort de la part de nos gouvernants. « La taxe carbone devrait être mondialisée » lance-t-on dans la salle, « pour aider les pays sous-développés, premières victimes du réchauffement climatique, et pour développer des '' technologies propres '' ». « Tant que le lien entre la jeunesse (préoccupée en premier lieu par son avenir) et les dirigeants (aujourd'hui timorés en terme de programmes électoraux) ne sera pas rétabli, rien ne pourra se déclencher », lance un citoyen.
Mais « le crime n'est pas certain » rétorque-t-on. On suppose en effet que nos actes d'aujourd'hui engendreraient dans quelques années ce que l'on pourrait être tenté de qualifier un « crime écologique ». Comment alors juger les Hommes – qui plus est quelques-uns seulement – pour un crime qui n'a pas encore été commis ? Devons-nous pour autant toujours attendre que les faits soient indiscutables avant de réagir ? Ceux qui alertent l'humanité sont-ils condamnés à jouer les Cassandre ? N'avons-nous pas suffisamment d'indices, de faisceaux de présomptions, pour entamer un changement de cap ? Un citoyen s'amuse même à proposer, pour faire prendre conscience de ce que pourrait être la future crise écologique, de créer un programme de télévision de télé-réalité montrant des personnes enfermées dans un espace hautement pollué. Et pourtant, s'agit-il aujourd'hui seulement d'une question de prise de conscience ?
Attardons-nous un peu sur les fondements moraux de nos sociétés. Devons-nous blâmer celui qui fait de la sentence « après moi la fin du monde » une règle de vie ? Tout dans notre société nous invite à nous adonner à cette pratique. D'autant que d'un point de vue individuel, prendre en compte les générations futures requiert de se projeter au delà de soi-même, au-delà de sa propre mort. Et quelles relations avons-nous avec notre propre finitude ? Notre société ne nous laisse pas le temps d' « apprendre à mourir » comme dirait le philosophe. Encore moins d'envisager une relation de solidarité avec des êtres humains qui n'existent pas encore. Certes, de nos jours, la notion de progrès pourrait permettre cette projection. Mais le consumérisme ambiant coupe court à toute tentative de vouloir établir une relation privilégiée avec nos descendants. Dans ce contexte, l'individu est-il le seul responsable ? La responsabilité de chacun d'entre-nous n'est-elle pas diluée dans notre société devenue complexe et globale ?
D'autant que les dangers qui pèsent sur les générations futures ne sont pas uniquement d'ordre environnemental. On évoque les menaces que pourraient comporter la manipulation des cellules souches embryonnaires. On s'inquiète des produits chimiques utilisés dans notre alimentation. Les ondes électromagnétiques suscitent également de l'inquiétude. On aborde également la question de la grippe A et des organismes génétiquement modifiés. Émerge alors dans le débat la problématique du principe de précaution. Dans l'assemblée, on se méfie d'éventuelles dérives liées à un tel principe. Est-il raisonnable d'empêcher les Hommes de ne pas prendre de risque ? Science sans conscience n'est que ruine de l'âme, nous met en garde Rabelais. Mais science sans prise de risque, n'est-ce pas également désolant ? Pour responsabiliser les hommes, les mobiliser, faut-il user de la peur ? Une citoyenne nous dit qu'avoir conscience de sa propre mort imminente est un fantastique levier pour agir. Devrons-nous attendre de constater de nos propres yeux que l'humanité est en péril pour qu'un déclic psychologique survienne ?
Mettre en adéquation ses pensées et ses actes. Rester cohérent. Tout ceci n'est pas si simple. Car chacun d'entre-nous est empêtré dans de multiples degrés de responsabilités. Un citoyen prend l'exemple d'un métallurgiste qui déciderait, pour la survie de la planète (responsabilité vis-à-vis du monde), de démissionner. Se retrouver au chômage ne serait pour autant pas responsable à l'égard de sa famille et de ses enfants. Une responsabilité peut en contredire une autre. Il va sans dire que la responsabilisation nécessite une forme d'éducation.
Ce qui fait dire à certains qu'il faut passer par la loi pour obliger les gens à suivre des règles strictes. On prend alors l'exemple du tri sélectif ainsi que celui de l'interdiction de fumer dans les lieux publics.
Mais la loi tire son autorité lorsqu'elle est l'expression de la volonté générale. Or, les textes de lois, aujourd'hui élaborés par une poignée de partisans ne représentant qu'eux-mêmes, quand ils ne sont pas dictés par des lobbies, ne servent plus l'intérêt général. Il nous faut par ailleurs accepter que les politiques, sur lesquels nous nous reposions depuis des années, n'ont plus d'idée. Que les nouvelles idées doivent désormais émerger de la société civile. Et pour se sentir responsable, il n'y a rien de mieux que de participer. « Être homme, c'est précisément être responsable. C'est sentir, en posant sa pierre, que l'on contribue à bâtir le monde », écrit Saint-Exupéry. Pour rendre les hommes responsables de leurs actes envers les générations futures, il est fondamental que le maximum de citoyens participe à l'élaboration d'un nouveau projet de société.
Car l'enjeu est aussi de préserver la démocratie. Songeons que l'esprit démocratique constitue le terreau d’un monde plus responsable. Cherchons donc à faire participer le plus grand nombre. Par des référendums. Par des débats. Par des cahiers de doléances. La réflexion citoyenne pourrait certainement aider nos représentants à élaborer un projet de société n'obérant pas l'avenir des générations futures.
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