Compte-rendu synthétique par Benjamin BALL — Café Citoyen de Lisieux (10/02/2005)
Animateur du débat : Benjamin BALL
» Politique et Société
Quelles seraient pour vous les Lumières de demain ?
Après un rappel du siècle des Lumières en tant que période historique marquée par des événements décisifs, tant dans le domaine artistique que social et politique, plusieurs problèmes et solutions furent lancés.
Si on s'intéresse tant à ce mouvement des Lumières c'est peut-être qu'aujourd'hui nous sommes dans l'ombre. On ne reconnaît pas de courant majeur, d'une ligne de pensée qui rassemble, qui donne envie d'aller de l'avant. Un constat bien négatif est fait : de nos jours, on cherche plus à fonctionner qu'à être.
Il y a eu une remise en cause du sujet humain au cours du siècle, on perd de vue la notion d'homme. Il faudrait trouver des phares, des valeurs, bref de nouvelles Lumières. En effet, il a plusieurs fois été cité l'individualisme comme obstacle dans notre société et la consommation comme un de ses avatars.
Les contraintes écologiques, le climat, oblige cependant à changer les idées, à vivre autrement. « Un autre monde est possible », l'idée a aussi maintes fois été reprise, venant donner un espoir. Le mouvement alter mondialiste a très vite été cité comme mouvement propre à « illuminer » nos lendemains. Ceci dit, ce mouvement n'est-il qu'une utopie ou une réalité possible ? Le café citoyen fut lui-même présenté comme une alternative face aux individualismes, permettant de discuter ensemble et créer un collectif. Nous y reviendrons.
L'idée maîtresse, qui s'est vite imposée, est de chercher les bases d'un nouvel humanisme. L'illusion de penser qu'un Léonard de Vinci éclairera le monde fut vite rejetée. Les guides, messies et autres "führer" ont donné naissance à des dictateurs, des gourous, et fut source de bien des horreurs.
Le besoin de se créer un outillage intellectuel pour comprendre et analyser le monde dans lequel on vit semble indispensable. Aussi, à chacun d'œuvrer en ce sens, et se détourner de l'avoir pour s'orienter plus vers l'être reste la seule solution. Cela implique une prise de conscience collective. Espérons cependant qu'il ne faudra pas attendre un nouveau cataclysme pour cela. « La nature nous a déjà frappé, espérons que la prochaine fois ne sera pas la dernière ! »
Le système mondial fut présenté comme « un trou noir », qui aspire ceux qui s'y opposent, sauvegardant ainsi sa présence. Cependant, fut rappelé une phrase de Platon : « Le plus profond des ténèbres porte une lueur d'aube. » Le système fut aussi décrit comme une « Ploutocratie » : terme cité et associé à l'idée « d'un gouvernement mondial par le fric », qui récupère ceux qui veulent le contrer. A été ajouté que le système est conscient de sa folie, avec l'exemple d'un financier pro- action Total, même s'il en connaît les conséquences néfastes. Cependant l'enrichissement domine les esprits.
Nous négligeons le long terme au profit de l'avenir proche. Est privilégié en politique les projets ayant des répercussions rapides, même si des projets de grande envergure sont nécessaires, même si des projets sur le long terme sont indispensables. Notamment dans le domaine écologique, ce qui se rapporte à la planète.
Le savoir est tellement vaste qu'une approche systémique semble plus appropriée. Pour cela, faut-il œuvrer ensemble, créer un collectif et faire fi des barrières régionales et nationales. L'Europe est là, la mondialisation aussi d'ailleurs. On ne peut décemment plus penser demain comme hier ! Aussi, le collectif veut-il dire des groupes de travail, des groupes de discussion où l'être supplante l'avoir, tel qu'un café citoyen par exemple.
Tout comme au XVIIIème, créons ensemble, rapprochons nous. L'humain est en effet rejeté au fond du foyer, sans parler du poste de télévision qui prend la première place au sein des familles et crée un mutisme ambiant. La solution serait de se retrouver. Prendre conscience qu'être humain n'est pas uniquement se retrouver pour des gains de productivité économique, à l'entreprise, mais pour se retrouver vraiment et apprendre à nous connaître. Les fêtes, les bals populaires sont absents, recréons les !
« Nous vivons dans le Pire des Mondes ». Partout on entend parler de chômage, de guerre, de corruption, de misère, de hausse des prix…
Cela amène l'idée que « c'est couru d'avance », qu'il faut se résigner et accepter. Mais l'aide ne viendra pas de l'extérieur, nous sommes seuls à pouvoir nous sortir de ce cercle vicieux. « Chercher en nous », l'idée fut acquiescée par la majorité, comme solution pour échapper au constat négatif de notre société.
La mondialisation fut abordée comme cause de bien des angoisses pour les citoyens, qui ne pouvaient plus se sentir citoyens de rien. Sans frontières, comment se sentir ressortissant de quelque part. Citoyen du monde est bien vaste et fait peur. Quel gouvernement mondial ? Que deviendrons nos acquis, quels seront nos devoirs ? Autant d'interrogations lancées que de problèmes posés.
Il est difficile de s'impliquer dans un monde qui nous échappe. Aussi, le citoyen laisse faire, et accepte donc son sort, car il sent qu'il n'y peut rien. Cela dit, s'engager semble la seule solution pour comprendre et espérer changer les choses. Victor Hugo fut cité pour appeler à la lutte, à user des outils magnifiques qui nous sont donnés tels qu'Internet : « Celui qui lutte peut perdre, mais celui qui ne lutte pas a déjà perdu ! ».
Attention aux groupes, aux ensembles qui tentent de combler nos aspirations telles que la publicité, les groupes sectaires totalitaires… Pour cela se construire solidement et ne pas rester seul s'impose pour tous. Les religions ont souvent servi les pouvoirs en place. Ne pas pour autant les rejeter, tout dépend ce qu'on en fait, comment on les envisage.
Reprenons aux Lumières le concept d'antinationalisme pour œuvrer ensemble. Le collectif est la voie. Nous sommes les Lumières de demain, c'est en nous qu'ils faut les trouver et les faire ressortir, pour voir non pas le Meilleur des Mondes, mais un monde meilleur et surtout, plus humain !
LE SIÈCLE DES LUMIÈRES :
Présentation
Terme qui désigne le XVIIIème siècle en tant que période de l'histoire de la culture européenne marquée par le rationalisme philosophique et l'exaltation des sciences, ainsi que par la critique de l'ordre social et de la hiérarchie religieuse, principaux éléments de l'idéologie politique au fondement de la Révolution Française. Expression fréquemment employée par les écrivains de l'époque, convaincus qu'ils venaient d'émerger de siècles d'obscurité et d'ignorance, et d'entrer dans un nouvel âge illuminé par la raison, la science et le respect de l'humanité.
80 ans environ…
Durant près de 80 années, la France a connu la paix intérieure et la prospérité économique. L'esprit philosophique se développe dans les salons, les clubs, les cafés, et dissout progressivement l'autorité monarchique. Le siècle des Lumières s'étend de la mort de Louis XIV en 1715 au coup d'état perpétré par Napoléon Bonaparte le 18 Brumaire an VIII _soit le 9 novembre 1799_, annonciateur de l'Empire. Entre ces deux extrêmes :
- La régence (1715-1723)
- Le règne de Louis XV (1723-1774)
- Le règne de Louis XVI (1774-1791)
- La révolution Française (1789-1799)
Science et savoir
Né une foi inébranlable dans le pouvoir de la raison humaine. Isaac Newton a formulé les lois de la gravitation. Aussi, si l'humanité pouvait révéler les lois de l'Univers, il y avait un espoir de découvrir les lois propres à la nature et à la société humaine. L'acquisition du savoir se fera désormais par l'observation de la nature plutôt que par l'étude de sources autorisées comme la Bible. C'est le rejet des arcanes de la théologie chrétienne et le développement du déisme, ainsi que la remise en cause en général des idées et valeurs reçues. « Ose savoir » disait Emmanuel Kant. Les expériences scientifiques sont à la mode dans de nombreuses couches de la société, même la noblesse et le clergé. De nombreux livres sont publiés, de nombreux journaux voient le jour et prennent part à une large diffusion des savoirs.
Un mouvement collectif sans précédent
Cette période connu un mouvement intellectuel nouveau car cosmopolite et antinationaliste. L'Encyclopédie (1751-1766) que publia Diderot est une grande œuvre, pour la collaboration de nombreux philosophes, pour la somme de connaissances rassemblées et l'arme polémique qu'elle offrit. De partout on entretenait des contacts étroits avec les philosophes français. C'est ainsi qu'on collaboré au mouvement : Kant d'Allemagne, David Hume d'Écosse, Cesare Beccaria d'Italie, Benjamin Franklin et Thomas Jefferson des Colonies britanniques d'Amérique…
Héritage
Les Lumières nous lèguent un gros héritage : Le déclin de l'Église, l'ouverture de la voie au libéralisme politique et économique, les bases des changements démocratiques dans le monde occidental du XIXème siècle…
A découvrir ou redécouvrir :
- Le Dictionnaire historique et critique de Pierre Bayle (1647-1707)
Ouvrage qui fait appel à la tolérance, à la lutte contre les superstitions et les préjugés, ce dictionnaire va inspirer tout le mouvement de pensée du XVIIIème siècle et deviendra l'arme privilégiée du camp des philosophes.
Les deux heures du débat écoulées, plusieurs sujets furent proposés pour le prochain café (Sujet / Voix) :
- Peut-on concevoir un gouvernement mondial ? 7 voix
- La consommation est-elle inéluctable ? 6 voix
- Quel est dans notre société le rôle des syndicats ? 7 voix
- Comment joindre Europe et syndicalisme ? 4 voix
- Comment relier les politiques européennes ? 3 voix
- Le consommateur peut-il redevenir citoyen ? 11 voix
Prochain café citoyen jeudi 10 mars : LE CONSOMMATEUR PEUT-IL REDEVENIR CITOYEN ?
Interventions
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