Compte-rendu analytique par Jean-Marie Seeuws — Café Citoyen de Caen (13/05/2006)
Animateur du débat : Vincent Lequenne
» Politique et Société
Lois de la République ou la rue : qui l'emporte ?
Animateur - Chers Arcadiens, bonjour. Pierre-Michel est maintenant l’animateur titulaire, il a fait des propositions sur la présentation des cafés. Le café citoyen est un espace d’expression publique qui existe depuis 1997, ouvert à tous les citoyens. On y débat sur des sujets de société. C’est vous qui proposez les thèmes votés à chaque séance. Le café citoyen de Caen est organisé par l’association Arcadie de Caen, qui fait partie de réseau national « La nouvelle Arcadie » Les débats débutent traditionnellement par l’exposé de la personne qui a proposé le thème. Ensuite si vous voulez prendre la parole il suffit de la demander en levant la main. Un quart d’heure avant la fin on décide ensemble du prochain sujet. Un secrétaire de séance rédige une synthèse pour les adhérents. Pour adhérer il suffit de remplir le coupon du dépliant qui est sur la table du secrétaire. La nouvelle Arcadie a rédigé une charte pour vous permettre de vous exprimer librement en vous préservant du prosélytisme. Je vous lis un extrait de la charte : toute opinion concourant au débat peut être exprimée librement après la demande de prise de parole, toutefois les interventions partisanes ou dogmatiques sont contraires à l’esprit de la charte. La nouvelle Arcadie ne doit servir aucune idéologie. Le sujet du jour, lois de la république ou la rue qui l’emporte ? Je pense que c’est un sujet que Rosario a du proposer dans le cadre des événements récents sur le CPE avec les mouvements de rue qui ont eu lieu. Parce que les premiers ministres avaient l’air de tanguer sur ces décisions, il semble que le dialogue était difficile au départ, est-ce qu’il y a eu réellement dialogue, est-ce que le gouvernement de la République a pu faire appliquer sa loi.
1 - Je pense qu’on n’est pas obligé forcément de s’appuyer, c’est peut-être ce qui a suscité la question d’aujourd’hui, c’est pas forcément obligé de se référer au CPE, des mouvements de rue d’il y a maintenant un mois, je pense que la question peut être plus large, on peut s’enfermer vite en ne se basant que sur cette question du CPE. Je pense que le débat peut être plus enrichissant si on se pose la question de savoir qui fait la loi, parce que finalement c’est ça la question. Est-ce que c’est la force de la rue ou est-ce que se sont les lois de la république malgré toutes les déviances, les représentants représentent-ils bien le peuple, votent-ils convenablement. La question de savoir qui fait la loi sans forcément ériger la rue comme un héro ou au contraire faire en sorte que la rue soit balayée par une sorte de logique imparable qui consiste à dire que nous avons élu les députés et qu’on a rien à faire dans la rue. Je pense que la nuance est certainement à jouer là dessus.
Animateur - Je me suis un peu emporté dans l’idée de présenter telle que ça avait du être vu par la personne qui a proposé le débat. Effectivement ça part d’un fait médiatique mais cela peut être généralisé à toutes sortes de loi. Il est intéressant de se pencher sur le fonctionnement du système.
2 - Moi je prends la parole juste parce qu’il me vient à l’esprit à l’instant en écoutant Vincent. Finalement lorsque l’on se présente aux urnes, dans une démocratie lorsque le citoyen se présente aux urnes, est-ce qu’il se prononce pour élire un gouvernement ou des représentants, ou est-ce qu’il vote pour infirmer ou confirmer une politique conduite par les représentants de la société. Ce n’est pas tout à fait pareil. Aujourd’hui on parle de combat politique entre des hommes, alors qu’on devrait plus parler de positionnement, de choix et de regard sur la politique telle qu’elle est conduite d’un point de vue plus complexe au-delà des hommes. Et l’acte qui procède à la deuxième option est justement de faire un bilan et d’être impliqué dans la vie de la cité, d’explorer sur ce que le gouvernement a voté comme loi et comment il les a appliquées. A ce moment où l’on accomplit l’acte démocratique on se prononce là-dessus et pas le fait d’élire un ou des hommes politiques. Aujourd’hui j’ai l’impression que l’on fait les choses à l’envers, on attend la campagne électorale pour se déterminer alors qu’il faudrait voir l’acte de vote comme soit une sanction, soit comme une reconduction de toute une équipe qui a travaillé sous réserves d’en avoir fait le bilan. C'est-à-dire en gros avoir un regard à revers et non pas un regard à l’avance, interpréter de manière psychologique l’acte de se présenter aux urnes pour élire un gouvernement alors que c’est plutôt celui qui a vocation à confirmer ou infirmer une politique.
3 - Il y a quand même une tradition, l’image d’un peuple souverain inspiré par l’intérêt général. C’est toute notre histoire même s’il y a une partie de mythe d’idéalisme. Et par ailleurs il y a un petit peu le problème de la politique contemporaine. Par exemple pour que le principe de la politique par délégation marche, il faut qu’il y ait une sanction. Effectivement quand il y a sanction, les pouvoirs étant limités dans le temps, or on s’aperçoit que les hommes politiques font des carrières éternelles, qu’ils ne sont pas vraiment sanctionnés. D’autre part ce qui ce passe aussi, c’est que le peuple n’a pas toujours son mot à dire sur ceux qui se présentent, c’est le parti politique qui choisit les candidats. Il y a aussi on voit très bien le discrédit de la classe politique qui donne l’impression d’avoir de moins en moins de pouvoir. Tout cela fait que justement il y a peut-être les contre pouvoirs, et la rue en est un, qui ont tendance à se développer
4 - Vous vous doutez bien dans quel sens j’interviendrai. J’avais proposé il y a déjà plusieurs mois de réfléchir sur l’instauration d’un référendum d’initiative populaire qui pour moi a un sens profond dans une démocratie qui est en principe le gouvernement du peuple par le peuple pour le peuple. Même si le peuple peut commettre des erreurs, ce n’est parce que le peuple est opposé au gouvernement qu’il a forcément raison dans sa majorité, mais il peut prendre ses responsabilités En ce qui concerne la question qu’on se pose aujourd’hui, les lois de la république ou la rue, je crois qu’il faut faire un compromis entre les deux. On ne peut pas dire absolument que la rue a raison de manière plus ou moins intense ou violente, les lois de la république non plus, il faut trouver un compromis. Mais à partir du moment où il y a un scission totale entre le peuple et le gouvernement il faut remettre tout à jour et trouver des représentants qui soient plus qualifiés et qui représentent réellement le peuple. C’est pour cela que j’ai pensé depuis bien longtemps à l’importance du référendum populaire. Ou bien alors que le gouvernement propose un référendum à partir du moment où l’on perçoit que le peuple est opposé à une décision prise en principe par le parlement. Aujourd’hui notre politique est dirigée par des hommes qui font carrière dans la politique et ce fait par nature ils se trouvent à l’écart du peuple.
5 - Je pense qu’il faudrait parler un peu du comportement politique des Français dans la pratique de la démocratie. Je crois qu’on est très marqués par le poids de l’histoire et notamment il y a dans la notion du peuple. Avant que l’on arrive à la démocratie représentative, la rue l’a emporté à une époque, la révolution. Effectivement c’était le peuple dans la rue qui était l’expression et qu’ensuite, bon, quand le pouvoir a été accaparé par les bourgeois, c’est la classe bourgeoise qui a profité de la révolution, on est arrivé à la démocratie représentative. Alors évidemment elle est ce qu’elle est, d’autant plus que les élus n’ont pas de mandat impératif, quand ils agissent ou font les lois, ils ne font pas en fonction d’ordre reçu mais en fonction de leur sentiment personnel, de la façon dont ils voient l’intérêt général. Il est un fait certain, c’est que peut-être aussi de notre côté il y a un problème au niveau du fonctionnement des institutions. On vit dans une monarchie républicaine si on peut dire, depuis quand même plus d’une trentaine d’années, les pouvoirs du parlement ont été réduits effectivement, ce qui fait que si on reprend l’expérience récente du CPE, on s’est rendu compte que le parlement a été mis devant le fait accompli, pratiquement sans possibilité de réaction puisqu’on lui a imposé le 49-3, et cela est une survivance de la monarchie. Peut-être que là il y a un problème à revoir. D’un autre côté il faut dire aussi que sur le plan de la pratique démocratique, les événements récents comme d’autres ont démontré qu’effectivement quand la rue l’emporte, c'est-à-dire que c’est elle qui prédomine et qu’elle a eu effectivement la une des médias, on se rend compte effectivement il y a eu des dérives, ne serait-ce que dans les universités où effectivement on a été empêché de travailler, je ne suis pas persuadé que la majorité était contre le CPE mais la majorité était aussi pour travailler. Evidemment quand on laisse la rue, il y a quand même des risques. Alors peut-être ce qui manque dans notre démocratie c’est qu’il manque quelques contre pouvoirs, il faut que les contre pouvoirs s’exercent, bon, éventuellement le peuple dans la rue, violent, c’est un contre pouvoir, moi je ne le pense pas, ça risque d’être dangereux, on a vu dans le passé des périodes et des troubles avec malheureusement ensuite des réactions beaucoup plus conservatrices. Donc je crois qu’il faut réfléchir effectivement à développer la démocratie, disons dans les structures intermédiaires de façon à ce que les hommes politiques ne soient plus laissés seuls face au peuple.
6 - Comme le suggérez Marc et pour éviter de se focaliser sur le problème du CPE, j’ai envie de revenir un peu en arrière au risque de répéter ce qui a pu déjà être dit. L’histoire de France est jalonnée, si l’on repart de la révolution, par un certain nombre d’émeutes, de révolutions de mouvements, appelons cela comme on veut, plus ou moins sanglants. J’y vois une explication sinon une excuse jusqu’à l’instauration définitive de la république, en ce sens qu’avant elle, structurellement il n’y avait pas d’autres moyens de s’exprimer. Je précise qu’à mes yeux tout cela n’est pas forcément mouvement du peuple non créé par le peuple mais imposé au peuple par différentes manipulations. Par exemple quand on dit la révolution de 1789 est la révolte du peuple, en fait il s’agit d’une fronde des classes privilégiées voire une partie de la noblesse qui voulait se débarrasser de Louis 16, puis cela a été beaucoup plus loin que les instigateurs espéraient. Donc après l’instauration de la république il existe structurellement d’autres moyens de s’exprimer et malgré cela, de plus en plus on constate que lorsque quelque chose est instaurée par les instances réglementaires, il paraît presque naturel de combattre dans la rue la loi qu’on ne peut combattre dans les assemblées parce qu’on est minoritaire. On considère cela aujourd’hui comme normal. Or je considère moi que quel que soient les défauts du système, les dérives du système, rien n’est plus dangereux que de combattre décisions des élus par la force de la rue, ou d’ utiliser la grève comme contre pouvoir politique. Perpétuer cette habitude c’est pour moi planter le germe d’une future dictature.
7 - On se pose la question, finalement qui a raison ? Déjà je voudrais évoquer cette question de la raison démocratique parce que trop souvent on oppose ceux qui ont raison logiquement et la raison démocratique, et c’est vrai en démocratie ceux qui ont raison, ce n’est pas forcément ceux qui ont, comment dire, plus de lettres plus de logiques. Et si logiquement ce devrait être comme ça, mais c’est le peuple qui décide et la raison en fait c’est la raison du peuple, c’est la raison démocratique. En démocratie telle qu’on la conçoit aujourd’hui, donc la majorité absolue, c’est une question de nombre mais on est toujours en démocratie même si le peuple décide une grossière bêtise de loi par exemple. Pour moi c’est intéressant de reconnaître cette mécanique démocratique parce que même si la démocratie s’appuie sur des bases humanistes elle n’en épouse pas forcément toute la raison et c’est peut-être cela le challenge, faire en sorte que la raison démocratique soit humaniste sans que cela soit imposé par les dirigeants. Alors le problème de la rue pour moi, le problème qui peut surgir et qui surgit puisque cela existe depuis assez longtemps, c’est de plus en plus la pression communautariste qui fait qu’en fait on ne sait pas du tout si c’est vrai, si c’est juste de céder à une pression d’une manifestation, parce qu’on n’arrive pas à comptabiliser est-ce que c’est tangible de considérer que c’est le peuple qui remet en question une loi ou qui veut une loi supplémentaire. Finalement la manifestation on n’arrive jamais à savoir vraiment, on ne peut faire la loi, on ne peut savoir si réellement c’est le peuple qui s’exprime, ça peut être finalement une grosse mayonnaise communautariste qui essaie d’imposer quelque chose. Et pour autant c’est intéressant quand même la rue, parce que=’on voit bien avec les rouages du système sclérosé actuel il faut passer par d’autres biais, les manifestation à répétition sont simplement le signe qu’il faut faire autre chose, remettre en place pas forcément les structures actuelles qui sont assez verrouillées, on a du mal à se présenter par exemple lors d’une élection sans être d’un parti politique, mais pour autant il y aune volonté réelle d’implication des citoyens. D’ailleurs l’état s’en sert aussi comme moyen de pression. Et puis rappelons simplement qu’à la révolution c’est vrai que la rue a été omni présente, c’est peut-être aussi l’image violente de la révolution, mais n’oublions pas ce qui accompagne tout cela, les cahiers de doléances, il y avait aussi quelque chose de construit et non pas simplement de pression d’énervement ou d’exaspération.
Animateur - une précision à propos des mouvements de rue, avant les mouvements de rue qu’il y a eu pour prendre l’exemple médiatiquement très couru en ce moment à propos du CPE, il y a eu des discussions avec des représentants légaux, les syndicats par exemple, et les mouvements de rue ne sont pas venus seuls comme ça. On parle beaucoup des mouvements de rue comme étant l’émanation de n’importe quoi, non ça représente aussi un de ces contre pouvoirs dont vous parliez tout à l’heure Monsieur.
8 - Il me semble que le sujet donne à penser qu’il y aurait deux légitimités qui s’opposent, alors que moi il me semble plutôt que très concrètement c’est deux illégitimités qui s’opposent et en ce sens peut-on se demander vraiment s’il y a débat possible. On a dit tout à l’heure que les représentants n’étaient pas très légitimes, qu’ils représentaient finalement peu de gens, que représente la rue finalement ? Est-ce que la rue représente le peuple, sûrement pas, et sûrement pas de la même manière que dans les grands mythes révolutionnaires dont on nous rabat les oreilles tout le temps. La rue du CPE c’est pas la rue de 1791, la rue du CPE c’est un ensemble de gens certes qui se concertent ensemble qui n’ont pas d’ailleurs et là je rejoins Marc, qui n’ont pas de contre- propositions ce qui est dramatique en soi. Si la rue fait la loi il faudrait quand même faire en sorte que la rue ait une loi à proposer. Or la rue telle qu’on l’aperçoit depuis ces quinze dernières années n’est pas force de contre proposition par rapport à quelque chose, la rue est là pour dire non. On peut dire non, on a le droit toujours de dire non, mais on n’est pas dans une optique de construction. Donc en ce sens il me semble qu’on a deux illégitimités qui s’opposent et je ne vois pas très bien d’ailleurs pourquoi on donnerait raison plus à l’une qu’à l’autre. On se rend compte qu’on est dans des rapports de force uniquement qui ne sont pas des rapports je dirais de l’ordre de la démocratie, qui sont des rapports de force pure où les intérêts des uns s’opposent aux intérêts des autres, où l’on voit que le CPE est quand même juste un mois avant les élections du secrétaire général de la CGT et de la CFDT, il me semble que ça tombe rudement bien. Par exemple où la rue va s’opposer à des intérêts pas forcément personnels, mais on voit bien que l’exécutif est très largement malmené, il ne représente plus grand monde. J’ai pas forcément pour l’instant d’autre chose à dire que cela, mais je voudrais quand même bine souligner qu’on est pas dans un problème de légitimité ici, c’est un problème de remise en cause profonde de la démocratie, où l’on a très raisonnablement à se demander si on doit laisser à la fois faire la rue dans son opposition permanente et si on doit laisser les gouvernements faire passer n’importe quoi alors qu’ils ont été élus de manière tout à fait contestable aussi.
9 - Je suis un peu d’accord sur l’illégitimité et l’opposition systématique de la rue, mais je pense que le principe premier de la république est de construire une machine, à poser des règles et des dispositifs dans le sens d’un intérêt commun. Et si on oppose à cela la montée des individualismes la conception de plus en plus individualisme de l’accès au bonheur à notre époque, il est normal qu’il y ait un divorce progressif avec des gens qui ne sont tournés contrairement à ce que l’on pense souvent, je ne suis pas tout à fait d’accord de dire que les hommes politiques en général ne pensent qu’à leur carrière et utilisent l’appareil d’état à cette fin, je pense que l’immense majorité des gens qui font tourner l’appareil d’état sont des gens qui ont une réelle vocation. Évidemment, ils peuvent profiter de leur mandat pour en profiter personnellement mais ces gens qui travaillent pour l’intérêt général ont aujourd’hui à satisfaire des besoins, des demandes, des souffrances qui procèdent de plus en plus de considérations individualistes. C’est très compliqué aujourd’hui de faire la différence entre la vraie précarité, elle existe il ne s’agit pas de l’éluder, il faut faire la différence entre la vraie précarité, bien sur pour être honnête la comparer à la précarité du reste du monde et puis à des demandes un petit peu sujettes à caution à mon sens, qui sont toujours plus de pouvoir d’achat, toujours plus de ceci de cela, jamais une vue collective en tous les cas rarement. La raison d’absence de contre proposition dont parlait Boris, le non c’est en gros ne touchez pas à mon truc à moi, je n’ai rien à proposer de manière collective.
10 - Je voudrais vous lire une déclaration qui a été faite par l’anglais David Thomson. L’habitude française de penser historiquement pèse la vie politique française sur le fonctionnement de son régime démocratique. Trop souvent la controverse politique menée en terme irréel, les batailles d’autrefois sont perpétuellement recommencées alors que les batailles actuelles qu’il faudrait engager sont laissées en suspens ou perdues sans combat. Je crois qu’on se penche trop sur les problèmes mineurs alors qu’on laisse de côté des problèmes très importants. Cela tient effectivement au caractère qui est contestataire par principe, je ne sais si vous vous rappelez un humoriste qui s’appelait Pierre Dac, on lui disait de quel parti êtes-vous, il répondait moi je suis du parti de ceux qui sont contre ce qui est pour et pour ce qui est contre. C’est vrai qu’effectivement dans ce pays on contre tout et comme on a dit il n’y a rien de positif de proposé, c’est ça le drame, en fait chacun se bat pour sa paroisse et l’intérêt général où est-il ? Et peut-être que les hommes politiques, on a eu des hommes politiques qui se sont intéressés au problème d’intérêt général, qui ont fait fi des intérêts particuliers, est c’est ça les véritables hommes politiques. Actuellement ils cherchent à plaire à obtenir des voix et finalement d’élection en élection qu’est-ce qui se passe, c’est ce que vous avez dit tout à l’heure, l’illégitimité du pouvoir c’est qu’en fait les gens se détournent des urnes et qu’est-ce qu’ils font ils manifestent dans la rue, voilà le résultat.
Animateur - Je pense qu’effectivement on peut revenir sur une des grosses problématiques. On parlait de l’illégitimité, l’une des grandes illégitimités des personnes élues est le fait pour ainsi dire de ne pas avoir de programme, c’est un peu comme si vous rendiez une copie blanche et que de toutes façons vous étiez noté, ils se présentent, ils ont la légitimité de se présenter, qu’ils aient un programme ou pas ils font partie d’un grand parti politique qui soi-disant en a un difficilement contestable sur la base des élections puisqu’on ne sait pas exactement ce qu’il contient et en fait il ne compare même pas à la réalité économique, enfin il n’y a pas vraiment débat puisqu’on ne sait pas vraiment ce qu’elle va présenter ni même son projet à terme de son mandat. Donc à mon avis le gros problème il est là avant tout, il y a une personne qui veut prendre des responsabilités, si vous êtes PDG, vous dirigez une entreprise vous avez une idée en t^te vous êtes moteur pour être élu vous pouvez n’avoir rien en tête connaître vaguement les institutions il y a tout un système pérenne pour faire fonctionner le système. Que vous ayez des idées ou pas éventuellement on vous donnera une idée comme le CPE du jour au lendemain sans avoir jamais eu aucune légitimité bizarrement il se fait que pas mal de gens sont un peu surpris et tombent des nues. Cela va dans le sens de la manière de voir politiquement. Donc je crois qu’il est là le problème, c’est que on ne peut pas se prétendre responsable, moi je crois qu’avant c’est que les responsables, les gens qui veulent prendre le pouvoir intelligemment doivent avoir quelque chose de concret à proposer aux gens et pas après se rattraper avec les médias pour essayer de maintenir leur pouvoir politique parce qu’on a besoin comme disait Pierre Michel, les gens qui prennent se pouvoir là ont de bonnes vertus etc ce qu’il faudrait c’est qu’ils aient un bon programme et des choix fermes.
11 - Il me semble que l’on a actuellement aussi, en France, une vision, chacun d’entre nous, une vision de la démocratie qui s’adapte mal aux problèmes très concrets qui se posent à nous. On fustige depuis maintenant quelque temps le système de la 5° république, système largement présidentiel qui donne la part belle à l’exécutif. Pourquoi, parce qu’on sait que lorsqu’il faut prendre une décision,lorsqu’il y a un problème prégnant et qu’il faut prendre une décision rapide la concertation est doit être courte, c’est une idée de base mais lorsque mais comme on parlait de PDG tout à l’heure, c’est aussi, lorsqu’il y a une décision à prendre, lorsque le problème est vraiment prégnant que la décision doit être rapide, très peu de gens doivent avoir à prendre cette décision, c’est hélas comme ça que ça fonctionne que l’on parle de démocratie ou non. Donc par essence il faut qu’un petit groupe de gens puisse décider ce qui doit être le bien. Ça c’est dramatique parce que ce n’est pas du tout la vision que l’on a de la démocratie. On a une vision de la démocratie qui à mon avis est quelque peu déliquescente qui est la démocratie du cause toujours, c'est-à-dire la démocratie il va falloir parler consulter tout le monde, demander l’avis à chacun et faire un modus vivendi qui va amener à la décision. Or on sait très bien que le modus vivendi souvent par rapport à un problème prégnant c’est la pire des solutions. Le modus vivendi ça va être des opinions personnelles pour essayer de trouver le plus petit commun multiple. On sait très bien que la vision politique ça n’a rien à voir avec le plus petit commun multiple, lorsqu’on parle d’intérêt général c’est pas du tout ça, l’intérêt général c’est pas du tout la somme des intérêts de chacun. Donc je crois qu’il faudrait peut-être revenir à cette idée et donc redonner une légitimité à nos dirigeants qui l’ont perdue mais il me semble qu’on est actuellement face à des problèmes qui demandent une décision rapide ferme et tenue. Alors que ce soit le CPE ou autre je suis quand même frappé de voir que depuis dix ans il y a quelques lois qui ont été mises sur place qui ont amené la rue à soi-disant décider et virer le ministre et on se rend compte après, et même au moment lorsqu’on parlait aux gens, ils disaient c’est une loi nécessaire mais on ne peut pas l’accepter. Je trouve cela dramatique, j’en ai deux en tête, j’ai le fameux mammouth de Claude allègre et la loi qui a fait sauter Sautter qui était la loi de réforme du trésor public où chacun qui travaillait aux impôts était parfaitement conscient qu’avoir une perception dans un village de 1000 habitants était totalement ridicule et coûtait très cher à l’état donc on a voulu réformer, donc évidemment les syndicats sont descendus dans la rue et bilan rien n’a été fait. Donc on est encore dans cet espèce d’immobilisme où finalement face à une proposition sans contre proposition on reste dans l’état initial. Je ne dis pas du tout que la proposition était bonne ou pas bonne, je dis que rester dans l’état initial alors que les problèmes sont éminemment graves et qu’on va dans quelque chose qui quand même semble déliquescent c’est dramatique. Or je crois que c’est à chacun d’entre nous de réviser sa vision de la démocratie, attention consulter tout le monde et chacun avec ce qu’on appelle les partenaires sociaux pour faire des choses, partenaires sociaux qui sont certes partenaires mais pas décisionnaires non plus, on peut les consulter avant on peut, mais est-ce bien obligatoire, on peut se poser la question. Donc je ne dis pas qu’il ne faut pas le faire, je dis qu’actuellement on est face à des problèmes qui demande une décision politique rapide forte et tenue
12 - Je suis arrivé en retard vous voudrez bien m’en excuser, j’entends depuis un moment tout ce qui ne va pas en France, c’est incroyable ce qui ne va pas. J’ai eu l’occasion d’aller un petit plus loin que la France et ça m’étonne beaucoup parce que tout le monde veut venir en France, c’est que la démocratie doit mal marcher puisque tout le monde veut y venir. Quand on va à l’extérieur et qu’on dit qu’on est Français, je peux vous dire moi, ah ! La France. Alors on peut regarder ce qui va et ne va pas en France, je ne sais pas, quand on voit les problèmes d’énergie par exemple, parce que l’énergie ne se traite pas à trois mois, c’est vingt ans trente ans quarante ans et même cinquante ans puisque les centrales, bon, tout ça c’est équipé, ça fonctionne, ah ! Mais on va dire ouais mais c’est atomique, bon d’accord, mais on a de l’énergie on a ce qu’il faut ça c’est claire, mais les décisions que ce soit gauche ou droite ils ont un peut le m^me programme, mais il n’empêche qu’ils ont mis en place ces choses là ça marche bien c’est déjà pas si mal. Je peux vous dire qu’il y a des pays, l’énergie c’est trois heures par jour. Alors les transports, tiens l’Airbus ça c’est un avion que le monde entier nous achète autant qu’on achète américain, c’est pas si mal que ça. L’A380 bon d’accord avec l’Europe on l’a fait on a fait les transports mais attendez les décisions ça fait vingt ans qu’on travaille dessus pour que l’avion arrive aujourd’hui, et il y en a pour trente quarante ans, c’est pas si mal que ça, que ce soit la gauche ou la droite hein !Alors les équipements que ce soit le TGV c’est pas si mal, tout le monde nous demande le TGV, on va en construire en Chine,bientôt le métro on va le faire en Chine bon OK, les ponts en Normandie etc tous les équipements routiers, c’est pas si mal. J’ai été dans certains pays, je peux vous dire que les autoroutes ici on appellerait ça une route à la limite mais il n’y a pas de goudron dessus. Chez nous à Marseille à Lille, mais ça c’est pareil c’est des équipements qui , des gens ont pris des décisions pour cinquante ans, l’autoroute qui va de Lille à Marseille c’est pas pour trois jours ni dix ans…..
Animateur - Je vous rappelle le sujet du jour quand même parce que là on part très très loin, bon d’accord ok
12bis - Je veux dire par là, bon je pourrais vous citer la santé, la liberté, bon nos service publics tout ça etc l’éducation, notre éducation. Je veux bien après on va dans la rue on dit ça marche mal, nos décisionnaires font n’importe quoi ne sont pas ta ta ta Je dis non je suis désolé je suis peut-être le seul ici à dire ça c’est des gens qui ont été élus, bon après chacun mets son bulletin dans l’urne, on les a élus, le budget de la France c’est peut-être 2000 milliards, il ne s’agit pas de laisser tomber ça comme ça. On est d’accord c’est atomique, c’est pas atomique, moi je dis oui aller dans la rue, moi je suis tout à fait d’accord, mais c’est pas peine de mettre les CRS en face, les CRS ils n’ont rien à foutre là-dessus, voyez chez les Anglais on met deux ou trois flics et puis on va manifester. Moi je suis un peu d’accord sur la représentativité oui aller dans la rue pour dire non ce truc, alors on est de gauche alors on y va, on est droite alors c’est une autre époque on y va aussi. On va dire quelque part ça ne nous plait pas, bon, après c’est au décisionnaire de dire il faut faire des centrales atomiques nucléaires ça ne plait pas forcément à quelques-uns mais on va les faire quand même, on va faire des porte-avions, bon ça ne plait pas. Bon je trouve que c’est intéressant que la rue descende pour montrer son point de vue mais les décisionnaires qui ont des problèmes énormes à prendre, il n’y en a aucun dans la rue capable de dire ce qu’il faut faire. Donc moi je dis, holà ça ne va pas en France, moi je peux vous dire je suis content de vivre en France.
13 - Pour vous répondre, monsieur, la France ne va pas si bien que cela. En matière de santé, je suis bien placée pour vous le dire, ces dix dernières années au niveau du geste médical, on a fait d’énormes progrès, on a énormément raccourci la durée de séjour des patients, mais aujourd’hui on a complètement mis de côté l’aspect humain. Et je peux vous dire aussi, je suis aide-soignante, je sais de quoi je parle, j’aime mon métier mais je ne peux plus l’exercer comme je faisais avant, parce qu’on est en train de supprimer les aides soignantes. Par exemple on me demande, ce n’est pas la peine de laver les jambes de monsieur aujourd’hui, si on ne peut pas le laver demain ce n’est pas grave. Récemment j’ai quelqu’un de ma famille qui a été hospitalisé, je m’en veux beaucoup parce que je n’ai pas pu être présente à sa sortie, mais, comment on appelle ça, les ordonnances médicales tout était archi faux. Heureusement que j’étais présente le week-end dernier chez ma tante, j’ai pu retourner dans mon service pour chercher la calciparine, heureusement si je n’avais pas eu ce bidon aujourd’hui il serait décédé. Donc la santé va très mal. La poste je ne sais pas j’habite un quartier, je n’ai rien contre la poste, il y a des jours, je suis sure et certaine que mon facteur ne passe pas. Maintenant vous allez à la poste, vous faites un quart d’heure, vingt minutes de queue, je sais ce n’est pas faute du postier.
Animateur - Ce serait bien il y a quelques interventions qui sortent un peu de la discussion qu’on c’était proposer d’avoir, essayez de vous concentrer sur le sujet du jour, parce qu’effectivement on peut donner un certain nombre d’exemple mais il faut revenir au sujet du jour parce que sinon le débat ne va pas avancer.
14 - Je dirais simplement un peu plus, ici on essaie de s’imposer nous-mêmes des règles et des habitudes. Donc il y a un thème donné et l’école du café citoyen en quelque sorte consiste à s’astreindre à ce que nos propos notre réflexion convergent sur un même débat. C’est aussi on va dire une progression personnelle que de faire cela et c’est plus intéressant que de partir dans tous les sens. Donc attachons nous au thème du débat d’aujourd’hui.
15 - Je voudrais revenir sur la comparaison faite tout à l’heure entre la légitimité de la rue et celle des pouvoirs en place. Je pense qu’elles ne peuvent pas se comparer. A la période de la révolution déjà évoquée, il y avait en place un pouvoir légitime, il y avait aussi de manière légitime les privilèges de certaines classes. Les fameux cahiers de doléance que Marc a évoqué à l’instant, sauf dans quelques exceptions qu’un historien pourrait trouver, n’étaient pas faits globalement pour réclamer la république mais pour demander une participation à la marche de l’état de ceux qui en étaient écartés. Cette démarche légitime a débordé sur des émeutes pour aller au-delà de ce qui était demandé. Le débat d’aujourd’hui consiste à se poser la question de savoir si on peut mettre en parallèle le pouvoir des instances légitimes et le pouvoir de la rue. Une précision, une manifestation n’est pas à comparer à une émeute. S’il s’agit de défiler dans la rue pour que l’on compte les gens qui sont contre quelque chose mis en place, pourquoi pas. Cela peut permettre aux dirigeants de mesurer l’opinion, ça peut d’ailleurs s’ajouter aux sondages c’est à discuter. Mais cela n’a rien à voir avec les blocages, ça n’a rien à voir avec la casse qui s’apparente à l’émeute. Heureusement que la répression n’a plus rien de comparable avec celle de jadis mais le principe est le même. Une anecdote, on cite souvent le pouvoir de la rue au temps de la révolution. L’une des manifestations de l’époque qui s’est mal terminée a eu pour origine l’installation sur les champs de mars d’un podium prévu pour que les gens puissent y danser. Sous ce podium un père et son fils s’étaient cachés dès le matin dans l’espoir de pouvoir regarder sous les jupes des femmes au travers des interstices. Il sont été découverts on a cru qu’ils étaient là pour installer une bombe, il sont été molestés et cela s’est terminé en carnage avec des dizaines de morts. Et on transforme cet événement en volonté du peuple de monter sa rage et son désespoir, certains événements historiques sont ainsi déviés de leur sens originel. Pour revenir de plus au sujet du jour, ce n’est pas facile d’en discuter car pour modifier le comportement de la rue, il faudrait modifier la façon de choisir nos élus, en avons-nous le pouvoir, je pense que non. Les privilèges écrits ou en tous les cas légaux il y a un peu plus de deux siècles, sont devenus des privilèges de fait. Des gens sont nés ou se trouvent dans le bon wagon pour accéder aux classes dirigeantes et tous les autres qui resteront toujours exclus. Et même quand on dit l’électeur peut choisir, là aussi il faut en discuter. Alors comme je considère que le pouvoir de la rue est un pouvoir dangereux, l’histoire du monde montre bien que les révolutions chaque fois, même si au départ ça peut sembler sympathique, ça s’est souvent terminé mal, souvent cela sert au populisme lequel débouche généralement sur des pouvoirs qui ne sont pas du genre qu’on peut souhaiter. Quand je dis cela après avoir dit que je ne vois pas comment on peut modifier les habitudes, je dis que je pense être dans une période dangereuse.
15 - Sur la classe soi-disant oligarque sur les hommes politiques qui se présentent aux élections, je ne suis pas trop d’accord. On ne sait pas le score qu’elle fera, ni même si elle sera retenue au sein de la mécanique du parti socialiste, Ségolène Royal n’est pas quelqu’un issue d’une longue lignée familiale de hauts dignitaires politiques par exemple et elle est créditée d’un certain taux d’intention de vote, indépendamment de ce qu’on peut penser de la candidate. Il faut nuancer le trait des lignées d’hommes politiques de personnes politiques comme des gens qui se passent le témoin de génération en génération, je ne suis absolument pas d’accord avec cette vision. Ce qui est sur pour bien revenir sur le sujet, c’est qu’en effet les décisions qui sont prises aujourd’hui, parfois deviennent de plus en plus inaudibles. Il y a eu une époque où c’était prévu, senti par de grands penseurs de ce que devrait être une démocratie. Alexis de Tocqueville avait bien posé le problème, la démocratie, avant même d’ailleurs de se déterminer lui-même pour ce principe, qu’il a finalement jugé préférable à tous les autres, mais il disait aussi que c’était le meilleur raccourci pour avoir des sociétés certes plus justes, mais sans éclat et sans gloire. Cela veut dire qu’à partir du moment où l’on confie à un très grand nombre la décision de choses éminemment, alors à l’époque plus tourné vers la complexité, la beauté, l’intention des grandes campagnes de guerre, mais aujourd’hui sur des choses très techniques de plus en plus techniques où en effet ce qui procède de décision qui vont avoir une portée sur des décennies par exemple, qu’est-ce qui est finalement audible par la rue dans les décisions qui sont proposées. Même au niveau de la politique intérieure, demander à des gens de renoncer à des privilèges en terme de retraite, dire à quelqu’un qui a commencé de travailler à quatorze ans, tu ne vas pas arrêter à 60 ans tu vas travailler jusqu’à 65, c’est effectivement complexe. Si on montrait aux gens que leurs petits enfants risquent de ne pas avoir de retraite du tout, cela changerait les choses. Ce qui est grave aujourd’hui an France, ce qui crée le divorce entre la population et la classe politique, c’est qu’il y a peut-être un manque d’implication des uns dans la vie de la cité et un manque évident De communication pour des raisons que je ne vais développer aujourd’hui, un manque évident de communication de la classe politique qui considère définitivement qu’il y a des choses qu’on ne peut pas expliquer comme ça en trois lignes, que faire de la pédagogie ne sert à rien, qu’il y a des décisions qu’il faut prendre contre la population. On voit ce qui se passe.
16 - Je crois qu’il y a deux choses, pour rebondir sur ce qu’a dit monsieur, il y a deux choses qu’on arrive pas à faire de certaine façon peut-être le deuil, c’est d’une part sur certaines questions les clivages idéologiques sont artificiels et que malgré tout évidemment les hommes politiques se figent dans des postures, et cela ne facilite pas évidemment les explications. La deuxième chose qui est aussi sans doute douloureuse et pas claire à expliquer, c’est qu’il y a des politiques qui sont nées et imposées par des logiques qui ne sont peut-être pas maîtrisables ou du moins pour les maîtriser il faut essayer de les maîtriser mais peut-être ne sont-elles plus maîtrisables mais on ne le dit pas on ne l’explique pas, où sont les limites et donc pour moi il y a quelque part manque de courage tout ce qu’on veut et qu’évidemment quand on va dans le sens de la rue c’est une certaine facilité. La rue il faut aussi dire, il y a un côté festif dans la rue notamment pour les jeunes, je trouve on s’amuse bien on aime être ensemble et pourquoi pas dans la rue pour contester.
17 - Il me semble qu’en France tout au moins, la vision qu’on a de la rue est une vision largement idéologique et mythique, je m’explique. On a déjà parlé plusieurs fois cette après midi de la révolution française, les grandes figures on va dire qui ont construit les syndicats français sont des grandes figures issues des grands mouvements sociaux du 19° siècle, on a des références permanentes. Jusqu’à il y a encore peu de temps on avait : la liberté guidant le peuple, sur nos billets, on voit quand même Marianne sur les barricades, on a une vision mythique sur ce qui est le mouvement, sur la façon dont le peuple doit prendre le pouvoir, qui est très historique en fait, largement idéologique .Or dans le monde d’aujourd’hui où l’idéologie a été largement battue en brèche tout au long du 20° siècle, les grandes idéologies sont mortes. On voit bien, je n’ai pas d’opinion forcément là-dessus, il y a un pragmatisme énorme puisque l’économie dominant, effectivement la politique n’est plus on va dire qu’un affaire de gestion pour une meilleure économie et pour un mieux vivre fondé sur des principes que sont la consommation, le pouvoir d’achat etc. Tout ça sont des choses pragmatiques voire terre à terre. Or les gens qui vont dans la rue sont des gens principalement issus, j’aime pas le mot mais je vais le dire quand même, issus d’une certaine gauche, y compris quand le gouvernement est lui-même de gauche, et ont voit quand les gens de droite vont dans la rue c’est aussi pour des questions idéologiques, la loi contre l’avortement, l’école libre, le pacs etc. Or lorsque la gauche historique va dans la rue elle y va pour se battre avec son idéologie avec ses racines avec des choses importantes bien ancrées contre des choses largement pragmatiques y compris d’ailleurs contre ses propres cadres, puisqu’on voit bien que lorsque des partis comme le parti socialiste sont au pouvoir ils sont confrontés à un principe de réalité qui ramène l’idéologie initiale à un rang de choses largement pratiques et concrètes. C’est pour ça d’ailleurs que les gauches historiques des pays anglo-saxons sont ce que nous on appellerait largement le centre aujourd’hui. Le labour de Tony Blair lorsqu’il était dans l’opposition était un parti tout à fait comparable au parti socialiste actuel, on voit bien que depuis les quelques années que Tony Blair est au pouvoir vers ce qu’on appellerait une droite voire une droite un peu forte sur certain point concernant la sécurité etc. Ce que je veux dire par là est que notre vision mythique de la rue est une vision idéologique construite sur des choses respectables mais idéologiques et mythiques, donc c’est peut-être un peu pour ça qu’elle perd de sa légitimité, on voit bien que face aux problèmes d’aujourd’hui cette façon de prendre la pose j’ai envie de dire à la manière du Gavroche sur les barricades a un peu vécu. Tout ça est un peu lié à cette idéologie soixante-huitarde, nos caciques sont quand même des anciens de 68, il faut bien que les enfants fassent la même chose que les parents, ils veulent refaire leur 68, chaque génération a son 68. Tout ça sont des choses qui s’accumulent ensemble et qui font qu’on est en train de prendre des postures par rapport à des choses qui sont largement concrètes.
18 - Il y a une question qu’on ne s’est pas posée jusqu’à maintenant, on a parlé beaucoup de la rue, on n’a pas beaucoup parlé de la loi. Alors il faut se poser la question, est-ce qu’il n’y a pas une incompréhension es français vis-à-vis de la loi, la loi se serait dévalorisée. Je pense beaucoup aux lois qui s’accumulent les unes sur les autres et qui deviennent incompréhensibles pour les français. On leur dit la loi c’est la loi, nul n’est censé ignorer la loi, quand on sait l’accumulation des lois dont certaines datent de plus de cinquante ans, il y a encore des lois de Vichy, on peut se poser la question si c’est pas un problème de la part de nos élus qui dictent la loi comme on fabrique des petits gâteaux. Tenez on va vous faire une belle loi, vous manifestez, on va vous faire une belle loi. On a vu des lois qui ont été faites, on appelait ça la démocratie de l’émotion, il y a un crime horrible, il y a un événement exceptionnel donc on fait une loi pour parer à ces problèmes là. Il y a aussi ce qu’on appelle la démocratie d’opinion, l’opinion publique veut telle ou telle réforme, on fait telle loi. Donc on peut se poser la question, la loi est-elle encore bien comprise dans le public.
19 - Loi de la république ou la rue, qui l’emporte ? Moi je dis c’est la rue qui choisit le gouvernement et c’est lui qui établit les lois de la république. Malheureusement on ne consulte plus la rue lors de l’adoption de ces lois. On a supplanter à cette espèce de pyramide où la base est élargie, la base c’est le peuple et le sommet est rétréci, le sommet étant nos élus. Leur politique c’est ça on est élus on a promis, mais ce n’est pas les choses promises qui sont réalisées. Oui je pense c’est vrai la rue peut l’emporter, la rue quand elle est fâchée que ce soit de manière un peu sauvageonne pas plus démocratique elle l’emporte. On a vu dernièrement, on a vu le CPE et on a vu la crise des banlieues, bon peut-être ce n’est pas résolu, mais la rue a agi d’une manière un peu comme a pu. On a vu récemment le lâcher des ours, la rue n’était pas pour elle a réagir devant la ministre de l’écologie, la rue a vomi ce qu’elle avait à vomir, voilà. On a des exemples un peu plus lointains on a vu au Népal ce que la rue a fait, j’étais récemment en Ukraine, voilà il n’y a pas mal d’exemples.
20 - Je reviens à la question, loi de la rue ou de la république qui l’emporte, je ne savais pas trop quoi penser de cette question avant de venir au café et je m’aperçois qu’en fait elle est bien posée, parce que comme toute bonne question c’est une question qu’on dépasse et j’ai l’impression qu’on essaie d’y répondre et on s’aperçoit que personne ne l’emporte. Personne ne l’emporte parce qu’il y a toujours un équilibre. Cela fait des dizaines d’années qu’il y a toujours un équilibre entre les lois jetées à la face du peuple ou qui sortent n’importe comment du chapeau et en face des manifestations des fois spontanées. Mon amie étant dans l’éducation, c’était vraiment plaisant de voir ces jeunes qui se retrouvaient et qui découvraient le sens festif. Mais en même ça a été vite récupéré par des pions, les syndicats. Tu seras bientôt au conseil général machin donc on va te mettre là, c’est ce qui est désolant. Finalement il y a toujours un équilibre, c’est peut-être d’ailleurs ça le problème, parce que cet équilibre est sclérosant, on prend toujours partie soit pour l’un soit pour l’autre et finalement on reste toujours dans le même système. Il y a un rapport de force, ça a déjà été dit mais je voudrais insister, finalement on est contraint de rester dans ce système de pensée, qu’en se posant même cette question qui l’emporte,la question n’est pas de savoir qui l’emporte, c’est de sortir de ce cadre là de compétition et de rapport de force parce que sinon on oublie la notion essentielle de démocratie , c'est-à-dire le plaisir de débattre, la capacité qu’on a d’écouter l’autre sans préjuger en essayant de comprendre ce qu’il veut dire et puis après essayer de toucher les points communs pour faire force de proposition. En tous les cas la base consisterait à dire, ces rapports de force on les évacue vite parce que de toutes façons on se rend bien compte de plus en plus, ça ne sert plus à rien de flasher sur les politiques, c’est quelque chose de mort, ça n’a plus aucun sens, donc il va falloir faire en sorte de se retrouver sur des bases démocratiques réelles. Donc cette question en fait intéressante à poser, on se rend bien compte qu’à notre époque aujourd’hui on est encore happé par un système dont on a du mal à se détacher.
21 - Moi la définition que je ferais de la démocratie, c’est la loi faite par la majorité dans le respect de la minorité, mais il ne faut pas oublier que ce n’est donc pas la dictature de la majorité. Mais il ne faut pas oublier qu’ayant une majorité et une minorité il y a forcément à un moment donné un groupe qui l’a emporté par ses voix par son adhésion. Or lorsque la minorité fait pression pour que la majorité ne soit plus force de loi on n’est plus dans un principe démocratique. On le voit à tous les niveaux, même chez nos politiques qui dénoncent les élections internes dans leur parti, on voit ça. Donc on n’a plus du tout une vision démocratique parce que à tous les niveaux notre système est fait pour qu’il y ait des gens dont les pouvoirs peuvent se renouveler relativement facilement et qu’ils tiennent à garder leur place. Donc quand on parle d’opposition entre la rue et le gouvernement par exemple, n’est-elle pas complément factice, n’est-ce pas une opposition de la base des gens comme nous face à des pouvoirs bien établis. Moi je suis toujours surpris de voir que par exemple dans tous les milieux des gens qui sont des permanents syndicaux peuvent l’être comme les politiques depuis vingt ans, et ça fait vingt ans qu’ils n’ont pas être sur le terrain ni avec les salariés dans l’entreprise non plus. Et tous ces gens qui semblent s’opposer je dirais de manière encore une fois, avec une certaine posture idéologique est-ce qu’ils s’opposent finalement, moi je ne suis pas sur, ils défendent leur pré carré à notre détriment à nous. On voit bien que leur légitimité se perd de plus en plus, dans les élections syndicales ou les élections nationales voire locales le taux de participation et la réelle représentativité de ces gens là. Donc pour moi il n’y a pas de réelle opposition entre les gens qui défilent dans la rue et les gens qui font les lois, je pense que c’est de ça dont on devrait rapidement se rendre compte, parce que finalement tous ces gens sont là parce qu’ils ont été relativement opportunistes, il faut aimer ça, mais je crois qu’on n’est pas dans de vraie opposition, on est dans des choses qui permettent au système de toujours se renouveler en éliminant les problèmes avec une certaine forme de posture, celle de la légitimité du pouvoir ou du Gavroche sur la barricade, bon ce sont deux postures.
22 - Pour prendre un exemple qui m’est propre justement sur l’antagonisme rue, que moi je rapprocherais plus du mouvement syndical parce qu’en général il est organisateur, le gouvernement c'est-à-dire l’homme politique donc organisation politique quand on participe à l’un et à l’autre on se rend compte que la manière de gérer les questions ne sont pas du tout les mêmes. Je reviens sur ce que je disais tout à l’heure, c’est assez pragmatique ce que je dis, ça n’a pas a voir avec une couleur ou une autre, quand vous allez à une réunion politique avec des gens qui partagent vos idées politiques, on va débattre sur tout un tas de choses sans forcément qu’il y ait des objectifs fixés parce que de toutes façons les choses vont se décider au sommet du parti. On choisit ces représentant un peu comme le citoyen choisit ses gouvernants. En général d’ailleurs souvent les gens sont encartés, pas tous mais ils ont au moins une couleur politique et choisissent l’homme politique qui les représente. On parle vraiment d’individu et pas vraiment de projet. Dans un parti politique on débat comme on débat ici et finalement est-ce que ça va aboutir sur une décision politique. Dans un syndicat il y a des lignes qui sont présentées par le syndicat qui défendent certaines choses, on a besoin de lignes c’est simplissime, c’est peut-être assez simpliste, il regarde le travail parce que le syndicat défend les travailleurs, regarde la problématique du travail dans chaque fédération, il y en a des milliers en France dans chaque domaine, et on essaie de faire un ensemble de tout ça peut-être représenté, moi je pense qu’on parle beaucoup du code du travail, on va débattre mais déjà on a un champ d’action, et donc le CPE entrait dans ce champ d’action. On va rarement dans la rue pour les problèmes d’énergie nucléaire,pour ça il y a des associations qui éventuellement elles aussi ont un débat ou les partis politiques pour parler des verts effectivement ça se politise. Il fut un temps où ça paraissait tout à fait aberrant de politiser cette question là. On est de plus en plus pragmatique en politique et bien l’énergie c’est éminemment politique ce n’est plus un problème d’affaire , d’affairisme, c’est un problème de choix d’homme d’état. Donc cet antagonisme homme de rue et politique n’est pas sur tous les mêmes champs, je pense qu’on ne peut pas, quand on débat aujourd’hui, c’est parti du CPE la rue contre le gouvernement, c’est vraiment là que les problématiques se trouvent, dans la société quand on regarde les conditions de travail. Le problème c’est qu’on n’a pas forcément des grèves on a des mouvements et même si c’est beaucoup moins évident. On parlait tout à l’heure du problème de l’énergie des manifestations qui ont eu lieu dans la Manche sur les problèmes futurs, là on n’est plus du tout dans cette problématique telle qu’elle est présentée aujourd’hui, la rue contre le gouvernement
23 - Je vais une nouvelle fois essayer d’argumenter pour dire que si on estime que la rue puisse parler, c’est le résultat d’un certain nombre de dysfonctionnement et non quelque chose que l’on puisse souhaiter. Je voudrais essayer d’analyser la situation telle qu’elle est par rapport à ce qu’elle devrait être, la situation au niveau des institutions. On est régi par la constitution votée en 1958, bâtie comme un château de cartes, on est d’accord ou pas mais elle a été bâtie dans un certain sens, un président arbitre et un gouvernement agissant sous le contrôle du parlement. Or il y a eu une première entorse important en 1962 quand on a décidé, mais c’est le peuple qui l’a accepté, mais était-il conscient de ce qu’il faisait, j’évoque donc l’élection au suffrage universel du président de la République, lui donnant ainsi une autre stature. Petit à petit, Boris disait tout à l’heure nous sommes dans un régime présidentiel, il a raison si on regarde la pratique, mais c’est à tort si on regarde les textes. Lorsqu’on s’oriente vers un régime présidentiel cela suppose un parlement plus puissant que le parlement actuel, donc en contradiction avec la structure de la constitution de 1958. Autre instance mise en place mais qui s’est dévoyée me semble-t-il, c’est le sénat. Le sénat est censé représenter les collectivités, c'est-à-dire dans l’esprit un peu détaché ,tant que faire, se peut des querelles partisanes. Or actuellement le sénat est devenu la maison de retraite des hommes politiques battus. De la même façon le conseil économique et social, national ou régionaux, censés aussi participer à l’élaboration des lois par des consultations, leur avis n’étant que consultatif, mais cela avait pour but de permettre une meilleure élaboration des lois. On trouve maintenant dans ces conseils des gens qui se sont fait virer, ce n’est pas trop fatigant, c’est relativement bien payé et cela récompense les amis. Au fil du temps on n’a plus en face du gouvernement des gens indépendants représentant les forces économiques et sociales du pays. Donc ici encore, dysfonctionnement. J’évoquais tout à l’heure la classe politique, constituée me semble –t-il comme une classe privilégiée, je n’ai pas voulu dire au sens de l’argent, mais il existe au niveau de la nation des gens qui peuvent prétendre se présenter devant les électeurs, et ceux qui peuvent toujours le faire mais sans aucune chance. Les lois sont quelquefois faites dans un bon esprit avec de bonnes intentions en tous les cas, mais avec des répercussions parfois dommageables. Il y a eu , je ne me souviens plus quand une loi interdisant à un candidat à une élection présidentielle ou législative,l’interdiction de financement privé . Quand on regarde cela ex-abrupto on va dire c’est normal. Mais la conséquence c’est que ne peuvent plus se présenter que ceux soutenus par un parti ou ayant une fortune personnelle. Vous ne pouvez même pas vous faire aider par un ami. Je sais bien qu’il y a eu des dérives mais cette loi ne fait que renforcer la primature du parti. Qu’on s’étonne après qu’au parlement ces gens là soient des béni oui oui, si on relie au fait que c’est devenu de plus en plus un régime présidentiel, l’exécutif n’a plus de contre pouvoir réel, sachant qu’en plus le parlement est composé de gens qui veulent y faire carrière et même si beaucoup étant fonctionnaire leur éviction n’en ferait pas des chômeurs, pour y rester ils évitent de contester le gouvernement. Autre dérive c’est la communication. On est parti tout à l’heure du CPE, même si Marc a souhaité qu’on s’en éloigne, je vais y revenir quelques secondes. Le CPE n’a pas été bien expliqué il l’a plutôt été de manière très orientée. C’est vrai que souvent la loi est trop ésotérique pour être compréhensible par le peuple mais c’est trop souvent présenté par bribes par quelques slogans et cela devient la loi dans l’esprit du peuple. Et pour plaire à Damien, je dirais aussi qu’il faut se poser la question sur la façon dont l’électeur use de son droit de vote. Pour terminer sur une réflexion, Napoléon III que certains considèrent comme une espèce de dictateur n’aurait jamais été président ni donc empereur s’il n’y avait pas eu le suffrage universel en 1848.
24 - Mesdames, messieurs, je voudrais vous demander quel moyen a le peuple peut se faire entendre s’il ne descend pas dans la rue. Si les femmes n’étaient pas descendues dans la rue l’avortement on ne l’aurait pas eu.
25 - Moi je suis tout à fait d’accord avec ce que vous dîtes, il est tout à fait normal, parce que ce qu’on appelle le droit de manifester est un droit républicain. Donc pourquoi le peuple n’irait manifester dans la rue. Mais la question n’est pas là, la question se pose aux hommes politiques. Premièrement faites des bonnes lois, c’est ce que je disais tout à l’heure, discutez auparavant, expliquez aux gens et surtout dîtes la vérité, parce que vous allez voir les prochaines élections on va vous faire voter sur des thèmes idéologiques. C’est ce que disais la fameux Anglais Thomson, les français se battent sur l’accessoire et sur l’important ils ne se battent pas. Alors moi je suis tout à fait d’accord que les gens s’expriment dans la rue, c’est un moyen d’expression comme un autre, comme la presse. La question, il ne faut pas que la rue soit révolutionnaire, vous aurez en contre partie un régime conservateur bien pire qu’avant, il faut bien réfléchir à ce qu’on fait. Mais c’est bon que les hommes politiques sachent qu’il y a la rue, que la rue peut s’exprimer. Bon, l’expression de la rue ça peut être aussi entre deux élections de connaître l’opinion, sans pour cela forcément devenir esclave de l’opinion parce qu’on peut se poser la question de savoir si les hommes politiques sont le courage de leurs opinions, eux-mêmes. Donc contre ce qu’ils peuvent faire, lorsqu’ils veulent faire une loi qui peut passer difficilement de façon brute, ils peuvent la présenter de façon un peu moins brute. Mais auparavant il faut aussi dire pourquoi on la présente, c’est ça le courage de dire la vérité. Il y a des choses qu’on ne peut pas cacher aux français, bon il y a des choses publiques qu’on ne peut cacher. On sait qu’on finance le bon heur des gens actuels avec le malheur des générations futures, ça c’est grave. Il y a des choses qu’on ne peut pas cacher aux français non plus, c’est que l’emploi malheureusement, si on veut créer de l’emploi et de la richesse il faudra accepter certains sacrifices pour certains. Alors évidemment si on part sur des faux semblants pendant les élections on ne peut avoir que des déboires par la suite.
26 - Pour rebondir sur ce que vous disiez sur le fait que les gens ne sont pas informés qu’on ne leur dit pas la vérité, c’est vrai dans les modalités techniques sur ce qu’il faut faire dans des domaines complexes. C’est un peu moins vrai en ce qui concerne le diagnostic. Aujourd’hui on a accès à pas mal de sources d’information pour se faire une idée assez étendue des grands problèmes. Mais est-ce qu’on veut le faire. Le problème de la manifestation, de l’opposition systématique par la descente dans la rue, c’est le problème d’un mécontentement localisé, et non des grandes idées sur des grands projets. La démocratie des partis a eu son temps, c’était une époque où il fallait ménager les intérêts duaux, entre ceux qui détenaient le capital et ceux qui faisaient fonctionner les machines. Aujourd’hui ça devient des appareils d’animation de bataille entre personnalités. Les vraies décisions, le vrais travail sont faits, par par ceux qui se montrent à la télé, qui se présentent aux élections, mais par tous ces hauts fonctionnaires technocrates qu’on a eu raison de mettre au pouvoir au lendemain de la guerre quand il s’agissait de tout reconstruire, il a bien fallu trouver une solution et donc il a fallu des bataillons de gens extrêmement techniciens. Seulement voilà, ça a fonctionné cinquante ans mais aujourd’hui ça ne peut plus fonctionner parce que ces gens là ont pris des options extrêmement complexes qui échappent de plus en plus à l’entendement du commun. Aujourd’hui s’il y a une chance de renouer un petit peu avec finalement ce qui doit revenir aux grandes décisions pour notre avenir à tous, un vrai projet collectif d’ une société construite, c’est qu’avant tout chacun soit capable de se faire son idée avec un minimum d’honnêteté intellectuelle au sens originel du terme, c'est-à-dire après un débat éclairé au sens humaniste, un débat en prenant soin de bien s’informer avant de dire oui je veux ça ou non je ne veux pas, sur des trucs par très étayés peut-être idéologiques mais surtout bâtis sur le mal du siècle.
27 - Alors on a un peu fustigé tout le monde aujourd’hui, bon ça fait parfois du bien. Mon idée est qu’après tout lorsqu’on va dans la rue, je pose la question à chacun d’entre vous, quelle est votre vision sur la capacité réelle à faire bouger les choses ? Il me semble que cette façon qu’on a justement cathartique pour crier plus fort, elle est peut-être aussi à mon sens une façon de montrer que finalement même en groupe on a très peu de pression sur les choses et nos gouvernants aussi. On a voulu un monde qui nous a aujourd’hui un peu dépassé. Hier je discutais sur la bourse avec un ami de choses finalement virtuelles et qui pourtant résistent tous les jours. Donc ça veut dire notre vie aujourd’hui est régie par un système qui marche tout seul indépendamment de nous, c’est très problématique au sens politique, ça veut dire que nous on n’a plus tellement la capacité de faire les choses. Imaginons que nos gouvernements, que nos gouvernants aient une vraie politique avec une vision claire franche et massive, quelle serait quand même leur capacité d’action, certainement pas si grande que ça au regard des lois européennes par exemple parfois à l’encontre des lois nationales, au regard des grands échanges mondiaux, toutes ces choses qui font qu’au niveau de l’individu l’espace sur lequel il doit avoir avis n’est pas très grand. Il me semble, moi, que nous au niveau individuel ce qui nous touche vraiment, d’ailleurs on le voit avec les taux de participation, c’est des choses qui nous concernent très directement, c’est notre commune avec notre maire qu’on va pouvoir rencontrer, avec lequel il va se passer des choses, un échange réel, pas un échange totalement virtuel. Or au niveau national, le niveau national qui est encore le niveau démocratique essentiel, est à mon avis un niveau totalement intermédiaire et je me demande si c’est bien le niveau sur lequel on devrait aujourd’hui penser la démocratie, les problèmes sont largement mondiaux, les gens ne peuvent pas penser pour le monde, jamais penser une loi mondiale. Par contre je sais bien qu’il y a au quotidien des choses qui me gênent énormément dans ma ville, que j’aurais des choses à dire sur telle ou telle chose. Peut-être aussi qu’on devrait repenser la démocratie sur la façon que l’individu a de concevoir les lois, son propre espace décisionnel et je pense qu’aujourd’hui la nation n’est plus l’espace décisionnel privilégié, il y a un espace mondial très éthéré avec des grands problèmes démographiques écologiques etc et il y a des espaces beaucoup plus locaux que sont les espaces de vie quotidienne. Le fait que la nation soit encore là comme peut-être quelque chose d’un peu archaïque fait aussi que nous sommes dans l’incapacité et nos gouvernants avec de gérer les choses et bon, on reprend les postures que j’ai évoquées tout à l’heure, on ne peut pas faire grand-chose d’autre non plus.
28 - Si j’ai bien compris ce que vous dîtes, il y n’a personne qui l’emporte, le monde politique et la rue sont perdants tous les deux, c’est ça non ?
29 - Cela me fait penser à Montesquieu, en parlant de démocratie dans « l’esprit des lois », il disait c’est le régime qui demande le plus de vertus, et je crois que bien souvent on l’oublie, que la démocratie cela veut dire que l’on s’incline devant la décision de la collectivité, la majorité, quitte à ce qu’on ne soit pas d’accord, mais on la respecte et on fait un travail de progression dans la conscience des problèmes à résoudre et on essaie de trouver des solutions pour réaliser ce qu’il faut mais on sortant de la violence. Ce qui arrive trop souvent c’est que les décisions sont imposées, des lois de la république qui ne conviennent pas du tout au peuple, parce que nos dominants ne sont pas assez murs, parce que le peuple aussi de son côté peut réagir de manière absurde, parce qu’il n’est pas assez réfléchi et ne trouve pas des solutions assez intelligentes. Je crois que ce débat sera sans fin, inévitablement, par nature, durera très longtemps avant qu’on réalise des lois pour affiner d’améliorer le système démocratique. Être citoyen il ne faut pas l’oublier, c’est être avant tout responsable. Quand on observe les choses on peut dire que ceux qui obtiennent des lois sont ceux qui arrivent à convaincre au moins une assemblée, sinon le peuple, et du côté du peuple c’est la même chose, le peuple ne réagit pas spontanément, il y a toujours des meneurs, ceux qu’on pourrait appeler éventuellement des penseurs politiques qui réussissent à convaincre une fraction, puis ça gagne, il y a en beaucoup qui suivent sans comprendre, uniquement sur le plan de l’émotion. C’est regrettable mais c’est comme ça, et je crois qu’on ne s’en sortira pas avant bien longtemps.
30 - Je ne veux pas être long, j’ai deux ou trois mots à dire. A savoir le premier c’est que je pense que les hommes politiques quelque qu'ils soient en général, il n’y a pas qu’en France, ne sont pas des….. ils sont politiques, Deuxième chose et quoi que les autres disent on sera toujours différents, toujours jugés, quoiqu’ils font quoiqu’ils établissent comme loi. Alors je dis que ce soit la gauche qui soit là qui établit des lois, il y aura toujours des à priori, que ce soit la droite partout c’est pareil, il n’y a pas d’entente. Et puis la dernière chose, le peuple n’a pas d’autre moyen de se faite entendre, la seule façon est de descendre dans la rue. Le peuple ne fait pas la politique il l’a subie.
Animateur - Je passe le micro, puis on termine.
31 - Ca va être très rapide en fait je voudrais juste revenir sur cette question, qui l’emporte, en le L apostrophe on n’en a pas beaucoup parlé, emporte quoi finalement ? Parce que loi de la république, la rue, rapport de force, illégitimité, le L apostrophe il est tout petit mais on n’en a pas beaucoup parlé. Je voudrais juste faire un parallèle historique et aussi pour éclairer un peu le monde association, quand les académies se sont crées au 17° siècle, 1630 à peu près, aussitôt se sont crées en contre réaction les Arcadies qui avec l’esprit des anciens, on a redécouvert les textes antiques. On donnait la parole à tous les sujets à l’époque que les académies s’accaparaient. Il y a aussi ce problème d’accaparation des sujets politiques à l’époque, et en fait c’étaient des hommes libres à l’époque ils se sont retrouvés. Pour autant il a fallu quelques dizaines d’années avant que l’ensemble des citoyens daignent écouter ou daignent participer, donner simplement son avis avec tous les clubs qu’on a pu voir par la suite, parce qu’entre le 17° et le 18° il y a quand même eu quelques années. Je crois que le L apostrophe c’est en chacune de nous c'est-à-dire cette volonté de participer et de donner son avis sans forcément qu’il y ai un calcul pour savoir si moi je vais pouvoir peser sur la marche du monde ou sur les problèmes nationaux. Je vais simplement travailler en écoutant les autres en exprimant clairement ma pensée et puis finalement essayer de trouver une solution, mais sans vouloir moi-même simplement changer les choses. C’est aussi un leurre quand on parlait de ces manifestations, on a l’impression de pouvoir changer les choses, ça suffit, on est allé manifester, c’est fini, on va changer le monde, c’est peut-être un leurre de vouloir changer le monde.
32 - J’ai quand même beaucoup parlé, très rapidement pour donner une réponse à Marc, il me semble que lorsque Damien parle de vertu, encore une fois c’est pas du concept, c’est au niveau de chacun. Lorsqu’on parle du citoyen, c’est chacun qui doit se poser la question de savoir qui il est. Cela me fait penser à une discussion que j’ai eue avec mon voisin il y a deux jours, est-ce que mon petit problème est infiniment plus important ou non que le problème du voisin ? Alors ça peut se regarder de manière objective ou de manière parfaitement subjective. Mais moi il me semble que pour être citoyen il faut passer par la question suivante : est-ce que, moi, je peux à un moment faire en sorte, je vais employer un gros mot mais, d’aliéner une partie de moi-même pour justement devenir citoyen, c'est-à-dire en gros faire en sorte qu’à un moment donné mon petit problème est moins important que celui de la collectivité. Ça c’est très psychologique, il me semble que c’est très concret, très psychologique, se poser la question de savoir comment il va agir par rapport à tout ça. On prend des postures, forcément la faim dans le monde est supérieur au fait que je me sois fait larguer la veille, je prends un exemple,mais ce n’est pas vrai du tout, encore une fois c’est une posture. Pour beaucoup de gens, le fait de s’être fait larguer la veille c’est bien plus important que les milliers de morts du Darfour. Donc encore une fois il faut bien penser, je pense moi, je pense que l’individu doit se poser des questions vraiment personnelles, sa place etc, pas forcément en terme de pouvoir, mais justement en terme de citoyenneté, suis-je capable de me définir comme citoyen, suis-je capable à un moment de me dire, mes intérêts personnels, c’est quand même de cale qu’il s’agit, peuvent s’aliéner pour un intérêts plus grand. Ca justement c’est ce que Damien disait demande de la vertu, ça c’est tout à fait au niveau individuel, chacun doit se poser cette question là.
Animateur - Est-ce que, oui je termine, à travers cela, manifester, se retrouver en groupe, avoir un engagement, c’est pas oublier justement qu’on est tout seul et puis se retrouver avec les autres ça peut être aussi une meilleure démarche. Je pense que ça a été abordé, alors que l’homme politique est éminemment tout seul face aux autres. Je propose que l’on choisisse le thème du prochain café.
Choix du thème pour le prochain Café Citoyen :
1 - Faut-il réformer les institutions et dans quel sens ? 6 voix
2 - Nos hôpitaux sont-ils en danger ? 4 voix
3 - La question de l'immigration s'envisage-t-elle à l'échelle française ou européenne ? 12 voix
4 - Faut-il refonder le pacte social ? 4 voix
5 - Éducation Nationale : tremplin vers la citoyenneté ? 9 voix
6 - Petits plaisirs ou futilité : le Français sait-il être détaché ? 5 voix
7 - Faut-il instaurer le Référendum d'Initiative Populaire ? 6 voix
8 - Faut-il repenser le système de vote ? 7 voix
Interventions
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