Compte-rendu synthétique par Élisabeth Rodot — Café Citoyen de Argentan (20/02/2003)
Animateur du débat : Élisabeth Rodot
» Politique et Société
Qu'en est-il du monde ouvrier ?
Depuis une vingtaine d’années on ne parle plus beaucoup du monde ouvrier. Leur nombre a diminué de moitié. Leur conscience de classe s’est affaiblie. Le mouvement syndical a régressé. Le fonctionnement de l’usine elle-même a changé. Comment expliquer ce phénomène ?
Face à la réorganisation des entreprises dans un contexte de mondialisation, le concept de lutte des classes est devenu différent dans la mesure où le véritable pouvoir capitaliste est devenu abstrait : l’interlocuteur n’est plus le patron mais souvent un simple mandataire et les véritables dirigeants sont le plus souvent éloignés et diffus (fonds de pensions, holdings étrangères, sociétés off-shore, etc). Dans ce contexte les anciens repaires des forces sociales en présence sont devenus obsolètes. L’exemple de Moulinex montre bien que le combat était celui du pot de terre contre le pot de fer. Sous l’influence des divers experts de l’entreprise, la masse salariale est toujours jugée comme trop élevée ce qui conduit les dirigeants à délocaliser l’entreprise ou à comprimer les salaires. Est apparue une nouvelle « classe sociale » : les nouveaux pauvres, les exclus qui ne sont pas porteurs de projet de transformation sociale. Les anciens hérauts du monde ouvrier (PC, PS) n’ont plus aucune crédibilité et la fracture s’est creusée entre le peuple et ses élites : France d’en haut et France d’en bas !
Les ouvriers ont-ils jamais eu les moyens de résoudre par eux-mêmes les grandes questions de leur propre classe? Ont-ils été manipulés par d’autres forces sociales ? Pour pouvoir agir, il faut accéder à la connaissance du monde économique. De nos jours celui-ci est devenu tellement complexe qu’on se demande qui est en mesure de pouvoir en analyser les tenants et aboutissants. Tout se passe comme si la machine s’était emballée et que plus personne ne sache comment la contrôler. Toutefois on peut espérer que le système génère ses propres limites : perte de confiance relative des capitalistes dans les fonds de pensions, la bourse ou les résultats de grandes entreprises (World Com, Ennron, Vivendi, Ahold…).
Dans un contexte de précarité accrue, les ouvriers ont pris peur des luttes et n’osent pas revendiquer trop fort, ce qui a entraîné une désyndicalisation (-10% en France). Les crédits à la consommation musèlent les foyers et renforcent l’individualisme. L’esprit de classe et la solidarité sont laminés par la merchandisation. La classe ouvrière n’est plus une masse homogène, les situations de précarité sont diverses, éclatement qui nuit à la solidarité. Les stratégies de l’entreprise renforcent ce phénomène en individualisant les postes, en les mettant en concurrence.
Autrefois les ouvriers avaient le nombre pour eux et grâce à leur lutte, des changement notoires ont été obtenus. Les problèmes que rencontre l’humanité aujourd’hui ne sont plus ceux d’un secteur mais ceux de tout le Monde. Peut-être d’autres modes de luttes verront-ils le jour sous l’influence grandissante d’une conscience mondialisée des exclus (Porto-Allegre) ?
Thèmes proposés pour le Café Citoyen du jeudi 13/03/2003 :
- Peut-on tout gérer ?
- La crise irakienne : pouvoir des gouvernants et opinions publiques ? Thème retenu
- Le crédit un nouvel esclavage ?
- Faut-il se fier au succès ou s’en méfier?
- Crise ou pas crise de la modernité?
- Qu’est-ce qu’être Français ?
- Où en est le plaisir ?
- Conformisme et anticonformisme ?
Interventions
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